L’éducation prioritaire a subi de fortes attaques de la droite pendant les dix dernières années.
Grande absente de la loi Peillon, elle attire pourtant l’attention de l’actuel gouvernement qui entend aussi la « refonder ».
Des assises académiques auront lieu au mois de novembre et sont préparées par des journées banalisées dans les actuels réseaux.
L’ouverture de ce « chantier » impose de revenir sur l’histoire et le bilan de l’éducation prioritaire.
La création des zones d’éducation prioritaire répondait au problème de la concentration des difficultés dans certaines zones géographiques : l’accumulation dans certains espaces de difficultés d’ordre social, lesquelles engendrent des difficultés culturelles puis scolaires, favorise la reproduction des inégalités sociales.
L’éducation nationale avait donc décidé de condenser des moyens sur ces zones afin de compenser les obstacles qu’elles rencontrent. La carte de ces ZEP devait être revue régulièrement pour tenir compte de l’évolution des critères.
Un cercle vertueux était escompté : la diminution des écarts scolaires devant entraîner celle des écarts sociaux et ainsi de suite…
**De la compensation à l’« égalité des chances »
À partir de la création du dispositif « réseau ambition réussite » (RAR) puis des « Écoles, Collèges, Lycées pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite » (ECLAIR) la philosophie de l’éducation prioritaire a glissé vers une politique de personnalisation des parcours sous-tendue par une idéologie de la naturalisation de la difficulté scolaire.
On s’est orienté vers une contractualisation massive, la transformation des emplois en postes « à profil », la création d’un « préfet des études » plus relais de la hiérarchie qu’animateur comme pouvait l’être le coordonnateur ZEP.
Autrement dit, on est passé d’une politique de l’« avoir moins » qu’il faut compenser à une politique de l’« être moins » qu’il faut contrôler en donnant leur chance aux plus vertueux.
**Éducation prioritaire, éducation progressiste ?
Dans les années 80, les ZEP avaient suscité chez les enseignant-es de vrais engagements.
Beaucoup de collègues se sont investis dans ces établissements et écoles et y ont impulsé des innovations dans de nombreux domaines : travail d’équipe, innovations pédagogiques, travail inter-degrés, ouverture de l’École vers la Cité…
Le fil conducteur de cet engagement était souvent politique, basé sur la volonté de faire entrer les élèves qui en étaient les plus éloigné-es dans la culture scolaire – qui se confond avec une culture que l’on pourrait qualifier de bourgeoise – sans renoncer à leur propre culture – donc populaire – sans hiérarchiser, mais sans angélisme.
Mais si des résultats positifs ont pu être constatés ici ou là, la situation globale des ZEP ne s’est pas améliorée. La cause en est principalement la dégradation de la situation sociale et l’abandon de véritables politiques de la ville par les gouvernements successifs, aggravé par celui de la carte scolaire.
La porte s’est donc ouverte à la mise en place de « solutions » néo-libérales avec leur cortège de contractualisation, management, contrôle et responsabilisation individuelle.
Tout cela casse les collectifs de travail et impose une culture du résultat qui n’est qu’un pilotage par les chiffres dont on connaît les effets pervers.
**Pour une vraie priorité à l’éducation
Réclamer la disparition pure et simple de dispositifs qui ont pour le moins montré leurs limites n’est pas la solution, mais l’éducation prioritaire est à reconstruire.
Car tant que les inégalités sociales et territoriales persisteront, il faudra tenter de les compenser par la baisse des effectifs, l’octroi de moyens supplémentaires, de temps de concertation, de formation, la constitution d’équipes pluri-professionnelles (enseignement, santé, social, éducatif…).
Mais cela n’aura de réels effets que si l’on conçoit des contenus d’enseignement réellement démocratiques, c’est à dire accessibles à tous les élèves, avec des horaires et des programmes nationaux articulés autour de la culture commune revendiquée par la FSU.
L’ambition doit être la même pour tous, sans limiter les élèves d’éducation prioritaire au seul “socle commun”.
L’éducation prioritaire doit donc être repensée dans le cadre d’une vraie priorité à l’éducation, et sans perdre de vue que cette ambition éducative doit s’adosser à une politique globale visant à s’attaquer à la relégation économique et sociale des milieux populaires, et à la ghettoïsation urbaine qui en est la traduction spatiale.
Jérôme Falicon