Blanquer, décidément, c’est le roi des opportunistes : hier, premier jour du DNB, il a profité de la fenêtre médiatique pour annoncer le renforcement du contrôle continu au bac. Il l’a fait après que Mathiot a tenté de nous endormir façon Kaa dans Le Livre de la jungle, lors du comité de suivi de la réforme du lycée la semaine dernière.
C’est tellement gros que même les médias, maintenant, disent, comme nous, que le ministre profite de la crise sanitaire pour imposer son idée de départ : le bac, cette année, repose à 82% sur les moyennes des élèves et c’était même 100% l’an dernier. Après cela, revenir à 40 % de contrôle continu peut ne pas sembler si problématique. Le bac, cette année, ce sont aussi des épreuves terminales qui se passent mal : des sujets mal aménagés, des examinateur-rices sous pression…
Et de fait, même si l’idée n’emporte pas l’adhésion (mise à part celle des syndicats de chef-fes d’établissement, qui trouvent que les EC et les examens, c’est lourd à organiser, et veulent aussi réduire l’offre de spécialités dans leurs établissements pour cette même raison), cette idée risque de passer sans encombre.
C’est un premier paradoxe : les collègues sont très majoritairement opposé-es au contrôle continu. Même celles et ceux qui n’étaient pas contre l’idée avant la mise en place de la réforme, voient désormais, après un an d’application, les très nombreux problèmes : pression des parents, stratégie d’évitement des contrôles par les élèves, triche en plein développement, pressions hiérarchiques…
Pressions hiérarchiques qui ne vont pas aller en s’allégeant puisque le ministère feint de rassurer l’opinion publique en évoquant un accompagnement des équipes sur l’évaluation. Depuis la réforme du collège, les « rendez-vous de carrière », et plus récemment avec le volet néomanagerial du Grenelle, cela sonne en réalité comme une menace aux oreilles des collègues.
Rien ne semble pouvoir arrêter le ministre dans son œuvre destructrice. Malgré l’échec du parti présidentiel aux élections départementales et régionales, il n’y aura pas de remaniement. C’est par la mobilisation qu’il faut arrêter, ou au moins gripper, son rouleau compresseur ! Il faut reprendre le chemin des luttes, même si leur succès est incertain à ce jour.
L’autre paradoxe de la période est en effet que les collègues ne sont plus à convaincre de la nocivité de la politique éducative de Blanquer, sans que cela ne se traduise dans la rue (il faut dire aussi qu’il y a un certain temps que nous ne les y avons pas invité-es) : comme les fumeur-euses voient les placards noirs « Fumer tue » sur les paquets de cigarettes, les collègues savent que Blanquer tue l’école, mais peinent pas à se mobiliser pour l’arrêter. C’est peut-être un peu l’envie qui manque, et sans doute surtout la confiance collective en nos capacités de succès.
Pour convaincre qu’ensemble, nous pouvons au moins gripper la machine, il faut évidemment contrer la communication de Blanquer et proposer des alternatives. Le plan d’urgence pour l’école permet de tenir ensemble tous les fils, en particulier celui des moyens, qui est central. Mais les revendications que nous portons dans ce cadre auront d’autant plus de chances d’être satisfaites lors de l’examen du budget en novembre prochain, que le gouvernement se sentira sous pression.
Ainsi, ce qu’il faut proposer en parallèle du plan d’urgence, ce sont des mots d’ordre gagnables, qui améliorent les conditions de travail des collègues et d’étude des élèves, et qui enfoncent des coins dans les réformes de Blanquer :
• le ministre veut supprimer les épreuves communes au profit du contrôle continu : exigeons le remplacement des EC par des épreuves terminales dès 2022 !
• le ministre veut réduire l’offre de spécialités : exigeons le maintien des trois spécialités en terminales, à la rentrée 2022 !
• le ministre a rendu les mathématiques optionnels : exigeons le retour de cette discipline dans le tronc commun en série générale, toujours à la rentrée 2022 !
Revendiquons aussi la suspension immédiate du dispositif d’auto-évaluation des établissements, des certifications (Ev@lang, Pix), ou de la réforme de l’Education Prioritaire.
Nous avons par ailleurs à gagner en se donnant un tempo rapide. Notre fenêtre médiatique est la rentrée. Plus on s’avance dans le mois de septembre et plus les questions éducatives seront difficiles à remettre sur le devant de la scène, surtout si les questions interpro reprennent le dessus, notamment celle des retraites. Si une grève interpro se confirme fin septembre, faire vivre une grève éducation à peu de distance en amont sera ardu. A notre tour, jouons les opportunistes, profitons de la fenêtre médiatique de la rentrée scolaire, en lançant un mot d’ordre de grève au plus près du 6 septembre. Nous avons un mandat d’action en septembre, et le SNES peut être suivi, dans la FSU d’abord, et dans l’intersyndicale ensuite.
Cette fenêtre médiatique est fondamentale, car c’est aussi aux parents d’élèves et à l’ensemble de la population qu’il faut s’adresser à cette occasion : l’école est une question sociale, pas une question d’experts ou de spécialistes (dont, en passant, les enseignantes et enseignants font de moins en moins partie dans l’esprit du ministre). L’école est un bien commun, à remettre au centre du paysage médiatique et politique.
C’est aussi comme cela que nous combattrons les idées d’extrême droite, en contribuant à remettre les questions sociales, et non les questions sécuritaires, au centre. Le parti présidentiel a besoin de l’extrême droite pour accéder et se maintenir au pouvoir, d’où son empressement à apparaître comme un barrage contre le RN. La réalité est bien celle-ci désormais : une partie de la classe dominante pense que le RN est une bonne option pour la conservation de ses privilèges, le capitalisme étant soluble dans les idées du RN et le néolibéralisme dans le fascisme. Combattons les deux de concert, notamment en refaisant de l’école une question sociale !