Certains mots insidieux prennent leur place dans notre environnement de travail et révèlent comment, petit à petit, un lexique issu du monde de l’entreprise privée vient contaminer toujours un peu plus la fonction publique. Le management, mot ringard, mais qui sonne encore pour des Macron comme le gage d’une modernisation de notre fonction publique apparemment périmée, vient cacher une réalité plus ancienne encore, celle de la hiérarchie, celle que la contre-réforme de la fonction publique renforce.
Le chef de service organise, planifie, redresse, le manager pilote, modernise, structure les synergies. Et si d’un chef, nous n’en voulons pas, d’un manager non plus. Car, lorsqu’il est question de plier, d’ordonner, d’imposer, la méthode est la même. Le management, ce n’est pas seulement l’action violente d’un chef dont les prérogatives sont toujours plus poussées, ce sont aussi :
- des tâches et des missions chronophages qui n’ont pour d’autre légitimité que nous demander de justifier la pertinence de nos actions professionnelles (rédactions multiples de projets, de contrats d’objectifs et d’évaluation d’action).
- une certaine approche des usagers de nos services qui ne sont plus nos patients, élèves, bénéficiaires … mais des indicateurs, des variables, des coûts, des poids, parfois même des clients, ou un tri à faire …
- de nouvelles pratiques professionnelles dans le domaine du numérique : le « clic » vaut décision, un QCM vaut débat. Cette dématérialisation s’applique aussi aux usagers qui ne rencontrent plus des personnes, des conseillers, mais se retrouvent seuls devant un écran. Les services publics ne sont plus que des SAV… Je passe sur nos propres pratiques professionnelles qui sont extrêmement modifiées et dans lesquels nos collègues les plus fragileS se noient.
- Le néo-management tente de nous faire croire, avec ses « RDV Carrières » notamment et son lot de documents infantilisants à remplir, que nous ne savons pas bien faire, ou plus bien faire. Ce jeu de dupes est d’autant plus pervers qu’il s’appuie justement sur nos grandes qualités professionnelles et notre attachement à nos missions.
Combien de nos collègues se taisent ? Combien de camarades ploient sous la charge de travail, un travail qui perd son sens ? La distensions entre ce qu’on nous demande et ce qui nous semble juste, au mieux nous use, au pire nous broie. Orchestration de divisions entre les personnels, harcèlement, manipulations diverses sont le quotidien de nombre d’entre nous.
Plus que notre vie au travail, le néo-management tente de modifier notre personnalité professionnelle s’il l’on veut. Notre propre travail devient un outil de formatage des usagers et des personnels, formatage des citoyens qui construit une société bien autre que celle que nous voulons toutes et tous à la FSU.
Lucie Lefèvre