Le ministre Blanquer, par la voix de Florence DUBO, de la DGRH, a présenté ses projets concernant les soit-disant « pré-recrutements » au SNES et à la FSU lors d’une audience le 14 juin dernier : l’objectif des pré-recrutements qu’ils imaginent est, je cite, d’« identifier plus tôt les jeunes qui pourraient constituer un vivier » d’enseignantes et d’enseignants, et de leur offrir une « pré-professionnalisation » dans un « continuum de formation », de la L2 jusqu’aux premières années de titulaire. Ces jeunes seront « accompagné-es » par une tutrice ou un tuteur, et affecté-es dans la même école ou le même établissement pendant trois ans, de la L2 au M1. Pour que tout cela soit possible, les contrats d’AED seront modifiés pour augmenter le temps de formation qu’ils comportent. De leur côté, les Universités devront veiller à la compatibilité des emplois du temps, et prendre en compte cette pré-professionnalisation dans le cadre du diplôme.
Mais pourquoi diable le SNES et la FSU n’y reconnaissent-ils pas leurs petits ? Tout y est : les pré-recrutements, l’entrée progressive dans le métier… et même une année de stage plus sereine, puisque, toujours d’après le ministère, l’idée est d’« amener au concours » des étudiantes et des étudiants qui ont « une vision réaliste du métier », pour « baisser le nombre de licenciements et de démissions en cours d’année de stage [[Toutes les citations sont extraites du compte-rendu de l’audience que le SNES et la FSU ont eue avec la DGRH le 14 juin 2018 au sujet de la formation.]]».
C’est que le ministère essaie de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Mais cette affaire des pré-recrutements à la sauce Blanquer, pour cynique et scandaleuse qu’elle soit, ne doit pas nous faire perdre de vue le reste des projets de réforme du recrutement et de la formation, dans lesquels elle s’emboîte parfaitement : deux années de précarité entre l’admissibilité et l’admission, qui prendrait la forme d’un entretien devant un jury composé essentiellement de représentantes et représentants de l’employeur. Économies (c’est la fin du stage à mi-temps devant élèves rémunéré plein temps), entrée dans le métier par la précarité, formation sur le tas, main-mise de l’employeur sur le recrutement et la formation, et, derrière tout cela, attaque contre nos statuts et déqualification. Les ministres Blanquer et Vidal ont confirmé ces pistes de réforme dans leur réponse à la Cour des comptes.
Florence DUBO a d’ailleurs déjà annoncé qu’il était dans les projets immédiats du ministère de modifier les textes réglementaires pour augmenter le temps de service des lauréates et lauréats aux concours déjà titulaires d’un Master MEEF, et de « renforcer le pilotage de l’employeur », pour « mieux adapter la formation ».
La réponse du SNES ne peut pas se limiter à réclamer l’ouverture de listes complémentaires aux concours pour résoudre la crise du recrutement, et de dire que les pré-recrutements façon Blanquer n’en sont pas. Face à l’ampleur des attaques, le SNES, avec la FSU dans toutes ses composantes, doit informer les collègues, les parents d’élèves et mener une campagne d’opinion, ce qui suppose de travailler à l’élaboration d’une alternative solide au-delà des divergences qui peuvent exister, ainsi qu’à la constitution d’un arc syndical large et uni, et s’inscrire dans les luttes qui auront lieu sur les sites de formation. Les idées qui peuvent faire accord dans la FSU et au-delà sont nombreuses : des enseignantes et d’enseignants libéré-es des pressions, grâce, notamment, à un recrutement par concours, une formation disciplinaire, didactique et pédagogique de haut niveau dans un cadre universitaire, et la mise en place de véritables pré-recrutements pendant lesquels les pré-recruté-es sont rémunéré-es pour faire leurs études.