Stéphane Hessel vient de mourir mais son cri d’alarme reste bien vivace.
Comment ne pas s’indigner, se révolter devant le monde que détruit méthodiquement le capitalisme financier ? Comment démissionner face aux atteintes profondes à la dignité humaine, aux droits fondamentaux sacrifiés sur l’autel des profits d’une oligarchie qui se partage la planète ? Avec le mouvement altermondialiste, nous n’avons pas encore réussi (et de loin !) à convaincre que les solutions à la crise ne peuvent pas être individuelles, qu’accepter des régressions ici et maintenant, c’est les valider partout, pour tous et pour longtemps.
Les Chypriotes vont le vivre durement. Une fois de plus, la complaisance de l’Europe pour la dérive des banques va se payer cher. L’Europe de la libre-concurrence, celle de l’opacité jalousement entretenue des marchés financiers, c’est aussi celle qui traite en « minerai » la viande de vache ou de cheval, qui est toujours plus inféodée aux consortiums agro-alimentaires, confiant à des traders internationaux la sécurité des populations.
Des chômeurs désespérés en arrivent à s’immoler. Les capitalistes et ceux qui les soutiennent, ici et là-bas, se portent plutôt bien, eux. Et la véritable embellie constatée sur les marchés financiers est une mauvaise nouvelle pour une Europe déjà asphyxiée par l’austérité budgétaire. Le Parlement européen a voté le « two pack », mécanisme de surveillance et de contrainte supplémentaire qui vient s’ajouter au TSCG. De quoi alimenter l’opposition à ces politiques des nombreux mouvements et syndicats européens qui préparent l’Alter sommet qui se tiendra les 7 et 8 juin à Athènes.
En France, les fermetures d’entreprises se succèdent. Déjà plus de trois millions de chômeurs inscrits à Pôle-emploi. Pourtant le gouvernement Hollande s’entête dans ses politiques d’austérité qui n’offrent d’autres perspectives qu’une récession plus importante, un chômage plus grand. La pression contre l’emploi, celle des actionnaires et du MEDEF va se poursuivre, entraînant dans son sillage petites entreprises et sous-traitants, amplifiant une insécurité sociale qui démunit les travailleurs de leurs capacités de lutte collective.
Des millions de chômeur-ses et des millions de salarié-es pressuré-es, contraint-es de se résigner aux heures supplémentaires imposées et à des conditions de travail dégradées : c’est pourtant la question du partage du temps de travail (et donc d’une véritable réduction) qui devrait être à l’ordre du jour.
Non, ce gouvernement, de plus en plus bas dans les sondages, n’est pas condamné à l »impuissance face à la crise sociale. C’est lui qui choisit le nouvel ajustement budgétaire, le nouveau tour de vis dans les crédits des ministères. C’est lui qui a fidèlement transcrit dans le projet de loi sur « la sécurisation de l’emploi » l’accord minoritaire du 11 janvier MEDEF/ CFDT, CFTC, CFE-CGC, amorçant le détricotage du code du travail. Malgré les des oppositions syndicales plus que significatives, le ministre du travail M. Sapin annonce déjà qu’après le débat parlementaire en avril, ce texte sera applicable fin mai : une vraie provocation !
C’est à cette aune qu’il faut apprécier les premières annonces gouvernementales sur les retraites, les débats parlementaires sur la réforme du « marché du travail » et les projets de lois sur la décentralisation, sur l’ESR, sur la refondation de l’École.
Dans ces conditions, y a-t-il une autre voie « raisonnable » pour le syndicalisme de transformation sociale que de lutter contre les régressions et de conquérir de nouveaux droits ? Plus facile à écrire qu’à mettre effectivement en œuvre, ne le contestons pas. Faute de perspectives d’ensemble, la tentation du repli sur soi et du populisme n’est jamais bien loin.
Manifestation pour l’éducation le 6 avril, journée interprofessionnelle, même si en ordre dispersé, le 9 avril … pourront-elles être de premiers signes d’un printemps qui arrive enfin ?
Isabelle Sargeni-Chetaud