C’est la réponse que l’on pourrait faire à Marlène Schiappa, puisqu’elle a répondu : « Laissez les Corses tranquilles ! » aux journalistes qui l’interrogeaient sur l’identité des groupes ciblés par le projet de loi sur le séparatisme et qui citaient les Corses. On sait pourtant qu’en Corse des groupes armées illégaux existent et que le dernier attentat à la bonbonne de gaz contre la villa d’un proche de Macron date de la fin de décembre 2019. Et pourtant on n’a pas connaissance de projet de loi contre « les indépendantismes » dans les tuyaux. Tant mieux d’ailleurs, parce qu’en tant que syndicalistes, et quelle que soit notre position sur les luttes autonomistes en France, nous sommes conscients des graves dangers d’amalgame, de stigmatisation, de recul des libertés politiques et d’expression que représenterait une loi contre les mouvements et les communautés partisanes de l’autodétermination, ou tout simplement de la promotion d’une identité culturelle et/ou linguistique minoritaire en France.
Aujourd’hui pourtant, dans un contexte où les traumas nés d’attentats terroristes djihadistes meurtriers sont encore à vif, le gouvernement décide de légiférer sur le prétendu séparatisme d’une partie de la population française sans la nommer ni la définir. Il ne développe pas au sujet des dérives sectaires ou violentes documentées, chiffrées, classées et mises en lumière, provenant d’acteurs sociaux et politiques clairement identifiés. Mais se contente de marteler une rhétorique vague et propice à tous les amalgames. Quand c’est un président qui choisit d’employer un terme aussi flottant que celui de « séparatisme », qui n’a aucune définition stable et établie en sciences politiques, on ne peut qu’en conclure que la confusion politique est un objectif pour mieux justifier une loi fourre-tout. Une loi qui cherche à s’appuyer sur la force des préjugés négatifs contre les musulman-es si répandus au sein de la société française. Il s’agit avant tout d’afficher la posture du protecteur face à un ennemi intérieur, confondu de façon grossière avec ce qui relève de l’islam de près ou de loin. Si des mouvances ultra réactionnaires existent bien au sein de communautés musulmanes (j’insiste sur le pluriel) de notre pays, le véritable danger pour notre démocratie réside bien davantage dans l’action des forces ultra réactionnaires qui se revendiquent des valeurs de la République en les dévoyant. Sous prétexte de dénoncer les dérives des mouvances extrémistes au nom de l’islam, le Rassemblement National, Les Républicains, et avec ce projet de loi, LREM, mènent une croisade contre les musulman-es qui ne semble plus connaître de limites en termes de violence : pas une semaine sans polémique, sans attaque raciste et incitation à la haine sur les plateaux tv, sans instrumentalisation de la laïcité pour stigmatiser des personnes souvent harcelées et dénigrées sur les réseaux sociaux par la suite. Les femmes voilées sont en première ligne, régulièrement humiliées et avilies mais toujours, nous dit-on, pour le bien de la République. Cette chasse aux sorcières doit cesser. La dernière agression publique a atteint la vice-presidente de l’Unef Maryam Pougetoux en audition à l’Assemblée Nationale et la FSU devrait lui exprimer son soutien. Cette forme de racisme qui s’exprime sans frein en ce moment a un nom : l’islamophobie. Il est essentiel de la dénoncer comme telle pour mieux comprendre comment l’extrême-droite est en train de transformer le sens commun dans notre pays et de se rendre respectable, grâce au « remplacement de son racisme anti-arabes par une opposition permanente à l’islam », comme le relève Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité.
C’est pourquoi la FSU doit exprimer publiquement son opposition au projet de loi sur le séparatisme et afficher sa disponibilité pour une campagne unitaire contre elle.