François Hollande n’est sûrement pas un adepte de gymnastique, mais nous ne pouvons que le mettre en garde contre un excès de contorsionnisme.
Sur la question climatique il s’évertue à se parer à l’international d’un costume vert (pâle) de sauveur du climat… Mais, dans le même temps son gouvernement multiplie les renoncements.
Risque de claquage en vue !
Février 2015. Sur la route de la COP21 qui se déroulera à Paris en décembre prochain, François Hollande fait une halte à Manille, capitale de l’Indonésie, régulièrement frappée par les conséquences du dérèglement climatique.
Entouré de stars (Marion Cotillard et Mélanie Laurent), de pas moins de 4 ministres et d’un aréopage de journalistes invités à faire le voyage dans l’avion présidentiel, l’opération a pour objectif de lancer médiatiquement la prise de fonction de la présidence de la COP21.
Il n’avait pas oublié de s’entourer également de responsables de multinationales (Alstom, la RATP, Sanofi, Suez Environnement…). Quand « Charité bien ordonnée commencent par soi même… »
Présenté comme un acte fort, engageant la dynamique devant aboutir à un accord historique à Paris, « L’appel de Manille » s’inscrit en fait dans la continuité d’une réorientation de la diplomatie française opérée à la COP20.
Face au risque de ne pas aboutir lors de la COP21 à l’accord contraignant permettant de ne pas dépasser un réchauffement de 2°C, le gouvernement français construit une opération diplomatique dont l’accord, à tout prix, devra être l’aboutissement en décembre : le succès diplomatique avant tout, le climat attendra !
D’où cet appel de Manille dont l’histoire retiendra surtout la vacuité consternante, qui renonce à formuler quelques objectifs précis, contraignants ou ambitieux à la veille d’un an de négociations.
Certes, le gouvernement français appelle de ses voeux que les États passent des « intentions à l’action ». On ne peut être contre… La suite est à l’avenant, certains passages pouvant prétendre à la palme des formules diplomatiques : « Nous avons besoin d’un accord négocié et accepté par tous et pour tous, qui tienne compte de toutes les différences de situation et fasse converger diverses perspectives pour accélérer l’action collective »
L’exégèse d’un « simple appel » ne peut à lui seul caractériser les intentions d’un gouvernement. On pourrait nous rétorquer que l’absence d’objectifs précis laisse d’ailleurs toute latitude à les faire émerger au cours de l’année. Certes…
Comment alors, depuis l’accès à la présidence de la COP21 en janvier 2015, le gouvernement français développe t-il une politique cohérente avec des objectifs ambitieux de réduction des Gaz à effet de serre (GES) ?
Après avoir renoncé à l’éco taxe, le gouvernement se serait-il mué en promoteur de dispositifs ambitieux pour le climat (voire juste socialement) ?
La loi Macron, inaugurant le calendrier législatif 2015, est un cas d’espèce. Libéralisation des transports en bus, affaiblissement des législations de défense de l’environnement… les lobbys ont gagné, et avec eux l’idéologie de la croissance… des GES.
En parallèle, le gouvernement est toujours favorable aux négociations de traité de libre échange : TAFTA et CETA. La multiplication des échanges de biens sur les océans de cette planète n’est pas, à proprement parler, le plus court chemin vers la réduction des GES (en plus de ne pas créer d’emplois, et de jouer à plein la carte du dumping social).
Enfin, les annonces volontaristes concernant NDDL et la gestion du dossier du barrage du Testet (Sivens) sont autant de gains engrangés pour Vinci et la FNSEA. Même la loi de transition énergétique est d’une faiblesse alarmante.
Ce sont ces actes concrets qui donne toute la saveur de l’inconsistance de cet « appel de Manille ». La lutte contre le dérèglement climatique ne se fera pas en contournant les politiques nationales.
Certes, la lutte contre les causes du dérèglement climatique, et les émissions de gaz à effet de serre nécessite une action coordonnée à l’échelle internationale : à problème planétaire, une action mondiale est nécessaire. Mais contre les échecs répétés des différentes COP depuis 20 ans à faire face au défi climatique, la cohérence politique voudrait que les bonnes intentions déclamées à l’international s’accompagnent d’une déclinaison concrète en politiques nationales.
Il ne s’agira pas pour les organisations susceptibles de construire un mouvement pour la justice climatique d’être aveuglé par ces apparats de négociations internationales, sous peine de ne plus voir l’essentiel : l’action concrète pour répondre à l’un des défis les plus importants que l’humanité a à affronter. ●
Julien Rivoire