L’action et les orientations de Macron et de son gouvernement depuis un an amplifient les attaques contre les migrant-es sur tous les aspects de leur insertion et de leurs droits : contrôles, rétentions, expulsions, recul programmé du droit d’asile et au séjour.
Depuis un an, les expulsions de terrains et de bidonvilles, y compris pendant la trêve hivernale, ont augmenté (+ 12 %). Les rendez-vous pour un titre de séjour se font à présent par internet dans 75 préfectures. Les files d’attentes honteuses ont disparu mais les « guichets » dématérialisés restent fermés dans des dizaines de départements mettant en danger des centaines de procédures de régularisations.
Macron a affirmé devant les préfets sa volonté d’augmenter les reconduites à la frontière (13 000 pour 91 000 interpellations en 2016). C’est l’objectif de la loi du 15 février 2018 sur l’asile européen et la rétention qui systématise le placement en rétention des étranger-es « dubliné-es »(1), soit un tiers des demandeurs d’asile, afin de les renvoyer dans le pays leur première entrée. Et cela en ignorant la régularité éventuelle de leur séjour que les pays « frontières » de l’Europe (l’Italie et la Grèce) sont ainsi sommés de gérer seuls.
La circulaire Collomb tente d’instituer un contrôle préfectoral (c’est à dire in fine policier) sur la régularité du séjour dans les centres d’hébergement. Cette directive, en partie retoquée par le conseil d’état suite au recours des associations, vise à trier les bons et les mauvais sans-abri !
Le harcèlement policier et les poursuites judiciaires contre les aidant-es et les militant-es se multiplient pour isoler les migrant-es et favoriser leurs expulsions .
Dans ce contexte, le projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif » constitue un autre recul majeur de l’asile et du séjour des étrangers.
Dans la droite ligne antidémocratique et anti-parlementaire de ce gouvernement (49-3, ordonnances…), cette loi suit une procédure accélérée avec une seule lecture parlementaire afin de limiter les débats et les amendements. Elle ne s’appuie sur aucun bilan des textes de 2015 (CESEDA) et de 2016. De ce fait, l’empilement de dispositifs parfois contradictoires devient un véritable parcours d’obstacles au droit au séjour.
Accélérer les procédures pour expulser plus !
Seule mesure positive, pour celles et ceux dont le droit au séjour est reconnu, la carte de séjour passe de 2 à 4 ans (prévu dans la loi de 2015), renouvelable par une carte de résident pour les bénéficiaires apatrides ou sous protection subsidiaire soit environ 32 000 personnes, étendue aux fratries ou ascendant-es direct-es pour les mineur-es (moins de 500 personnes concernées). Par ailleurs le tri est aussi effectué avec le retour des « passeports talents » chers à Sarkozy : le changement de statut étudiant ou talent-chercheurs est facilité pour une carte de séjour d’un an non renouvelable « recherche d’emploi ou création d’entreprise ».
Au prétexte d’un traitement plus rapide et plus humain, le délai de dépôt d’une demande d’asile est réduit de 120 à 90 jours rendant plus difficiles les démarches du demandeur. En cas de rejet, le droit au séjour cesse à l’audience même avec le risque d’arrestation à la sortie alors que le délai pour un recours passe de 30 à 15 jours et n’est plus suspensif d’une expulsion. Dans le même temps, la délocalisation des audiences, la généralisation des audiences video et l’encadrement plus strict du droit à la traduction entravent gravement la défense.
Enfermer et contrôler pour expulser plus
Pour faciliter les expulsions, les assignations à résidence se multiplient et la durée maximale de la rétention passe de 45 à 90 jours (voire 135 jours en cas de refus de départ ou de demande d’asile). Pour mémoire en 1981 la loi Deferre fixait à 7 jours la durée maximale de rétention qui n’a pas cessé de s’allonger depuis sans aucune efficacité puisque la quasi totalité des expulsions ont lieu avant les 15 premiers jours de rétention.
Ce projet fourmille aussi de pièges et fausses ouvertures.
Un demandeur d’asile devra, dès le dépôt de sa demande, dire s’il sollicite le séjour pour un autre motif. Les premières victimes seront les malades qui privilégient la procédure du droit d’asile au seul titre de leur maladie et ne pourraient plus déposer d’autres demandes en cas de rejet.
Le projet de loi prévoit aussi des mesures d’affectation directives (= obligatoires) des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire mais sans garantie d’un d’hébergement ni d’une allocation et assorties de restriction de la liberté d’aller et venir alors que se met en place d’un fichier national « sol@asile », recensant l’ensemble des hébergé-es et leur situation, partagé par l’ensemble des services de l’État !
Le recours au titre de séjour d’un tiers était souvent utilisé pour obtenir un emploi et une éventuelle régularisation à terme. La loi prévoit une pénalisation de l’usage des papiers d’un tiers, qui renforcera la clandestinité et l’exploitation des migrant-es.
Enfin l’expulsion des demandeurs d’asile se fera non pas vers un pays de l’Union européenne mais vers un pays tiers dit « sûr », dont on a vu que la définition pouvait être très extensible.
Pour toutes ces raisons, avec l’ensemble des associations, des syndicats et des partis notamment de la transformation sociale, nous réclamons le retrait pur et simple de ce projet. ●
Bruno Dufour
1) Migrant-es déjà enregistré-es lors de leur arrivée dans un premier pays européen où elles ou ils ont formulé leur 1ère demande d’asile.