Thionville, jeudi 3 janvier. Les militants CGT, CFDT, FO des aciéries Arcelor-Mittal de Florange
sont une cinquantaine devant la sous-préfecture. Le matin même, la direction avait convoqué
une réunion extraordinaire du Comité d’entreprise pour annoncer les modalités d’application
du fameux « accord » entre le gouvernement et Mittal, qui veut fermer les deux derniers
hauts-fourneaux et maintenir la seule filière à froid, plus rentable pour lui.
Cet « accord », ils n’en reviennent toujours pas. Un projet de reprise de l’ensemble de l’usine, par un repreneur « fiable », existait. L’argent était là : ce repreneur, l’Europe, l’État, les collectivités locales s’étaient engagés. Et soudain, volte-face du gouvernement. On sort du chapeau un « accord » sans consultation des organisations syndicales qui avaient pourtant des propositions industrielles. « Où il est le dialogue social ? » interroge Lionel Burriello, responsable local CGT, qui ne supporte pas la « suffisance » des interlocuteurs patronaux et gouvernementaux. « Comment peut-on faire confiance à Mittal qui a toujours menti ? » demande Walter Paternieri, militant CFDT, salarié de la sidérurgie pendant 40 ans, depuis peu en retraite, toujours actif dans les mobilisations.
Depuis plus de 20 mois, ils se battent pour le maintien d’une activité sur le site et pour la sauvegarde des emplois. L’usine fait vivre 10 000 emplois, si l’on prend en compte les sous-traitants. L’arrêt de l’activité, c’est la condamnation à la désertification de la vallée. « L’accord, c’est du foutage de gueule » s’indigne Lionel B. « C’est faux de dire qu’il n’y aura pas de suppressions d’emplois. Au minimum, les 600 départs en retraite prévisibles pour les années à venir ne seront pas remplacés ».
Scepticisme aussi sur les investissements prévus. D’abord, parce que « Mittal n’a jamais tenu ses engagements dans les années passées » rappelle Walter. Pour lui, la question posée est aussi celle d’une nécessaire autonomie du pays pour la production d’acier. « De l’acier, il y en aura encore besoin. Pour autant que je sache, ceux qui prétendent le contraire ne roulent pas dans des voitures en verre ! » Et Florange produit des aciers de très haute qualité. La fermer reviendrait à se séparer d’un savoir-faire précieux.
Ce qu’ils attendent d’une nationalisation, partielle et temporaire ou pas, c’est avant tout de « sortir des griffes de Mittal ». Et il y a urgence. Actuellement, les hauts-fourneaux sont « maintenus en coma artificiel ». La production de fonte est à l’arrêt mais les hauts-fourneaux sont maintenus à une température minimale. S’il n’est pas chauffé, un haut-fourneau devient vite inutilisable. C’est donc irrémédiablement la condamnation de la filière à chaud. C’est ce que sont venus rappeler les manifestants qui ont finalement obtenu un rendez-vous avec le préfet dans les prochains jours. Walter le redit : « Le premier ministre s’est engagé publiquement, à la télé, devant des millions de personnes, à veiller à l’application de l’accord, point par point. Je ne peux pas croire qu’il ne tiendra pas cet engagement. Et sur les investissements, c’est maintenant. »
Les manifestations de soutien, les salariés de Florange en reçoivent de partout. « Si des journalistes viennent de partout, même de l’étranger, ce n’est pas un hasard. La lutte à Florange pose la question de la mondialisation et de la financiarisation de l’économie. Mittal, c’est un financier. Il ne parle jamais du produit fabriqué. Lui, il parle rentabilité. Et il en faudrait toujours plus. Mais c’est une logique folle. Une usine, aussi performante soit-elle, ne peut pas accroître sa rentabilité à l’infini. Cette logique nous conduit dans le mur. On ne s’interroge plus sur ce qu’on produit mais uniquement si ça rapporte du fric. Et quand une usine n’est plus considérée comme rentable, même si c’est un bon outil de production, on la bazarde ».
« Plein de monde vient nous voir confirme Lionel. La question de l’emploi, des licenciements, est posée partout. Tout le monde est pour faire converger les luttes. Reste à trouver le liant. Dans les petites boîtes, ils ont un avantage : le patron, ils le connaissent, ils ont un interlocuteur direct. Nous, le patron, Mittal, on l’a jamais vu, on ne sait pas qui c’est. Les directeurs sont de simples exécutants. Mais, évidemment, c’est plus facile de construire la mobilisation dans les grosses boîtes. Et il y a moyen de faire avancer la coordination des luttes. Il existe déjà un collectif de représentants syndicaux des Ford, Peugeot, Sanofi … qui se réunissent régulièrement » ●
Et pour conclure, un rappel : « l’argent c’est le nerf de la guerre. » Adressez vos dons à l’intersyndicale-sollac – 55, av. des Tilleuls- 57 190 Florange (chèques à l’ordre de : section CFDT ou section CGT).
Yves Cassuto et Isabelle Gérard (EE 54)