D’emblée la présence importante des femmes de tous âges dans la mobilisation des Gilets jaunes a été signalée : présentes sur les ronds points, dans les manifestations mais aussi dans les médias. A noter qu’il y a même eu des rendez-vous de mobilisation « femmes gilets jaunes » dans plusieurs villes (comme à Toulouse sous la bannière « Précarisées, discriminées, révoltées, femmes en première ligne »). Cependant, comme le souligne Mathilde Larrère, la participation des femmes dans les mouvements sociaux n’est en rien une nouveauté. Pourtant cela surprend encore !
Comment s’étonner aujourd’hui de leur mobilisation quand elles sont les premières touchées par le manque de services publics, la suppression ou la diminution des politiques redistributives, le trop bas niveau des salaires et la précarité ?
La première enquête sociologique sur les « Gilets jaunes » a relevé une participation de 45 % de femmes qui appartiennent le plus souvent aux classes populaires. Une réalité corroborée par toutes les observatrices et observateurs.
Dans les classes populaires, les familles monoparentales ont vu leur pouvoir d’achat baisser ces dernières années. C’est l’une des catégories qui a vu sa situation se détériorer le plus au fil des années. En 1990, elles représentaient une famille sur dix, puis une famille sur cinq en 2013. Selon les données du recensement de l’INSEE, on compte deux millions de familles de ce type qui, dans 82 % des cas, sont constituées d’une mère avec ses enfants. Selon l’INSEE, plus d’un tiers des familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté. Ces familles sont une sorte d’angle mort du système de protection sociale.
Un autre profil est bien représenté chez les femmes « gilets jaunes », celui des retraitées, Pas étonnant quand on sait que nombre de femmes retraitées touchent des pensions faibles et moins élevées que les hommes.
L’implication des femmes est aussi pour partie liée à leur prise en charge du travail domestique, un travail gratuit réalisé pour l’essentiel par les femmes. Comme le signale Fanny Gallot :
« Dans un contexte qui rend impossible la réalisation de cette tâche pour nombre d’entre elles, la mobilisation permet de faire apparaître dans l’espace public ce qui restait dans la sphère privée : si beaucoup n’y parviennent plus, c’est bien que les problèmes vécus généralement comme personnels ont des causes sociales, que le privé est politique. »
En outre, certaines femmes impliquées dans les Gilets jaunes travaillent dans les métiers de service à la personne où la syndicalisation, la mobilisation collective, sont difficiles : « se mobiliser avec les gilets jaunes, c’est faire apparaître en pleine lumière et politiser leurs difficiles conditions de travail et d’existence. » (Fanny Gallot).
A noter aussi que l’absence de leaders institués a permis une prise de parole beaucoup plus large des femmes, au sein de ce mouvement, même si la recherche de porte-parole dans les médias conduit parfois à les effacer.
Sophie Zafari