Faire le bilan de « l’Attila du système scolaire » – Blandine Turki

Blanquer avait un programme pour l’école. Il le déroule jusqu’au bout, sans aucune concession, faisant fi même de la plus grosse crise sanitaire vécue dans la société et dans l’éducation… pire, il s’en est servi pour le dérouler obstinément alors que le monde enseignant et la société étaient occupés ailleurs. Alors que les mois à la tête du ministère de l’Education lui sont maintenant comptés, il y va de saillies toujours plus inquiétantes comme s’il avait fait le deuil des éventuels votes d’enseignant-es pour son camp mais qu’il tenait à s’agréger les pans les plus réactionnaires de la société. En plus de son mépris de classe affiché par son refus de faire bénéficier de la prime REP+ à nos collègues AED et AESH, la polémique à propos de la circulaire sur les élèves trans, la campagne odieuse sur la laïcité confirment ce que nous savions déjà : depuis le début de son action au ministère, la politique et la communication de Blanquer sont soumises aux soubresauts d’une idéologie nauséabonde que ce ministre porte et que nous dénonçons au coup par coup. La traduction dans les faits de cette idéologie est apparue au grand jour lors de son discours face aux futur.es formateurs.trices à la laïcité. Il n’a pas eu les scrupules qui ont été les nôtres à son égard, quand il a, sans sourciller, menacé les enseignant.es de devoir quitter leurs fonctions si ils et elles marquaient le moindre désaccord avec sa vision dévoyée de la laïcité. Et derrière ses propos, ses mensonges, ses réformes à marche forcée, en lame de fond, son grenelle de l’éducation ouvre la voie au démantèlement de l’école avec confiscation de pans entiers de notre métier, caporalisation, déqualification et précarisation, mise en concurrence généralisée des personnels, des élèves, des écoles… Nous aurions pu naïvement croire que le service public d’éducation ne serait pas voué au même sort que celui de la santé, de la poste, des transports et bien d’autres encore : en réduire la voilure au minimum pour faire des économies et offrir le reste à la concurrence et au privé avec un prix très fort à payer par les personnels, les usagers et les usagères. Si la libéralisation de l’école a commencé, pudiquement, bien avant Blanquer, cinq années de son ministère laisseront des traces difficilement effaçables.

A l’automne 2020, Pascal Bouchard, Journaliste éducation fondateur de ToutEduc, écrivait dans ce sens : » Blanquer l’Attila de l’école : Il est celui derrière qui l’herbe ne repoussera que par touffes éparses tandis que la facture sera salée. Une fois qu’il sera parti, l’école aura du mal à retrouver des modèles de fonctionnement. ». Nous sommes ici majoritairement d’accord avec lui, la tâche sera rude et c’est pour cette raison qu’il nous faut ne pas perdre de temps. Sur des questions de société, journalistes et syndicats ont des objectifs communs : informer, analyser, critiquer. Mais en plus, ce qui fait la spécificité syndicale, c’est la revendication et l’action. On a vu au cours des dernières semaines, que l’action est encore possible et qu’elle est porteuse de résistance et même d’avancées. Après la journée de mobilisation réussie des AESH, il ne sera plus possible d’ignorer ni leurs conditions de travail, ni la faiblesse de leurs revenus. La lutte doit continuer pour que de la prise de conscience les gouvernants actuels et à venir passent aux actes sous la pression des personnels mais aussi de la société. Et rappelons Marseille où la mobilisation des militant-es a su entrainer celle de nombreux-ses collègues au point de mettre en difficulté un discours bien huilé voire même de faire capoter une partie d’un projet appelé à se généraliser sur tout le territoire.

Notre projet pour l’école est solide et porteur d’une espérance d’égalité et d’une citoyenneté éclairée pour toutes et tous. Mais pour le faire valoir, en plus de la consultation, il faut nous atteler à notre bilan de cinq années de Blanquérisme pour ébranler la communication ministérielle basée sur beaucoup d’autosatisfaction et pas mal de contre-vérités voire de mensonges. Il nous faut diffuser ce bilan puis notre projet, sous différentes formes en fonction des destinataires. Un document étayé en direction des journalistes et des organisations politiques de gauche, un document grand public et proche des réalités de terrain pour les familles. Si nous ne voulons pas que l’école passe à la trappe des débats publics à venir, si nous voulons peser sur son devenir, il faut dès maintenant engager nos forces syndicales et notre détermination dans le travail de reconquête de l’école telle que nous la voulons.