Le travail en commission ce matin a montré la nécessité d’une discussion stratégique nous permettant de reprendre l’offensive sur les questions scolaires, imbriquant plusieurs niveaux d’intervention, tant dynamique inégalitaire et souffrance au travail (qui est toujours problème des conditions, de l’organisation et du sens du travail) sont les faces d’une même pièce, celle d’une école libérale allant à l’encontre des valeurs d’émancipation et de démocratisation.
Le constat a été longuement dressé lors de nos CN et congrès : les politiques éducatives menées ces dernières années ont conjugué sous-investissement chronique et orientations politiques délétères, conduisant notre système éducatif au bord de la rupture.
De fait, ce sont les doxas éducatives les plus marquées à droite qui se sont imposées. Du socle commun de Fillon aux fondamentaux blanquériens, de la réforme modulaire du lycée aux attaques menées contre les lycées professionnels, des évaluations normées dès l’entrée en élémentaire à la sélection de parcoursup, les ministères successifs ont assumé une ségrégation exacerbée des acquisitions scolaires, réservant aux élèves des milieux les plus favorisés les savoirs nécessaires pour conserver une place dominante dans la société, enfermant les élèves des milieux populaires dans un devenir scolaire socialement déterminé insupportable.
La question des pratiques enseignantes, et des valeurs qui les sous tendent, est devenue centrale. Blanquer et aujourd’hui Attal en ont fait le champ de bataille où s’*affrontent deux conceptions antagonistes de l’école, l’une ségrégative et imposant des comportements normés dont témoigne la promotion d’une laïcité excluante, d’une autorité fondée sur la soumission, d’un effacement des inégalités derrière l’uniforme… l’autre ne lâchant pas l’objectif d’une école émancipatrice et démocratisante, offrant à tous les élèves les savoirs nécessaires pour penser le monde et le transformer. C’est avec les armes des évaluations nationales, des prescriptions, du management, de l’appauvrissement et du formatage de la formation initiale et continue, d’une inclusion en mode libéral, de l’assèchement et la négation d’une part conséquente de la recherche en éducation, que le pouvoir mène ce combat. Les moyens octroyés aux mouvements pédagogiques ont été sabordés, alors que les discours d’autolégitimation d’expert·es de l’éducation grouillent dans les médias.
Avec la mission « exigence des savoirs », Attal poursuit cette oeuvre néfaste : groupes de niveau, abandon des cycles, dispositifs individualisés en périphérie du temps de classe, devoirs à la maison, redoublement vont exacerber des inégalités qui ne sont pas un dommage collatéral, mais bien un objectif, dont le métier est une des victimes.
Face à cela nous n’avons pas été en reste. Les tribunes avec les chercheur·es, dont celle à paraître contre les fondamentaux, mais aussi les UDA, nos parutions, donnent une visibilité à cette opposition. Le travail de terrain des sections sur les questions éducatives, la campagne « réinventer le métier » aux déclinaisons multiples sont des moyens d’inscrire au cœur de la profession les résistances pédagogiques nécessaires.
Plusieurs pistes pour la suite donc :
d’abord, nous devons poursuivre le travail sur les questions pédagogiques comme étant un enjeu syndical de premier plan.
Ensuite, à court et moyen termes, il nous faut élaborer un plan d’action visibilisant l’état de l’école, de ces personnels, et posant un ultimatum au gouvernement mettant en perspective la grève, autour de revendications claires (Stop à la souffrance au travail, laissez-nous faire notre métier et occupez-vous des moyens pour qu’on puisse le faire, (108h libre disposition des équipes, arrêt des évaluations nationales et des prescriptions, arrêt des évals d’école) incluant la question budgétaire.
Enfin, nous devons nous lancer dans une campagne à même de faire l’unité la plus large de notre camp, réunir la fédération, l’intersyndicale, les mouvements pédagogiques, le monde de la recherche en opposition avec les politiques menées, mais aussi les partis de gauche pour construire un cadre collectif pour des « états généraux d’une école démocratique »… à même de mener une campagne au long cours, unitaire, articulant moments d’élaboration et mobilisations tant localement que nationalement. C’est une des conditions pour légitimer à l’échelle de la profession mais aussi de la population tout entière une opposition assumée aux politiques éducatives menées, reconstruire un sens au métier, et défendre le plus largement possible une orientation émancipatrice pour le système scolaire.