De nouvelles règles redéfinissent le travail des enseignant-es en milieu carcéral : même si le principe du droit commun est maintenu, le pilotage par les chiffres devient la norme et les conditions de travail des enseignant-es se dégradent.
L’enseignement scolaire est un droit commun pour les personnes détenues qui leur permet de quitter un instant l’enfermement, les conditions de détention et de se projeter sur un avenir plus radieux, tout en acquérant un diplôme ou un renforcement scolaire, mais aussi de réfléchir à leur réinsertion dans une logique émancipatrice. L’Éducation nationale est partie prenante de cet enseignement dispensé par des enseignant-es souvent spécialisé-es et attaché-es à leurs missions très spécifiques. Mais ils et elles sont percuté-es par les réformes hostiles à l’éducation.
Fidèles à leur habitude de s’asseoir sur le dialogue social et la représentativité syndicale, Blanquer et son ministère ont profité de la crise sanitaire pour redéfinir, via une circulaire et une nouvelle convention, les services des enseignant-es, leurs rémunérations, le cadre hiérarchique, etc. La circulaire rappelle que l’éducation est un droit commun, mais l’enseignement n’est plus une priorité, au contraire du pilotage par les chiffres. Ce changement de paradigme indique les objectifs du ministère : rogner sur l’enseignement pénitentiaire, comme tous les autres secteurs de l’éducation nationale, dans une logique d’économie budgétaire.
Les enseignant-es ont de multiples raisons d’être inquiet-es et en colère, car aucune de leurs revendications n’est prise en compte. Ainsi, ils et elles restent exclu-es du versement de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves au prétexte qu’ils et elles n’ont pas de classe attitrée ; marque d’un mépris affiché quand on connaît les conditions d’enseignement dans certains établissements pénitentiaires. Nos collègues subissent aussi une augmentation conséquente de leur temps de travail en se voyant imposer les 108 heures annuelles jusqu’alors réservées aux enseignant-es exerçant dans le 1er degré. De même, la convention ne reconnaît pas le travail des responsables locaux d’enseignement (RLE), maillon essentiel dans le fonctionnement de l’enseignement pénitentiaire. Ces dernier-es subissent une augmentation conséquente de leurs tâches administratives : organisation des examens, inscriptions, recrutements des contractuel-les, enquêtes diverses qui s’ajoutent aux heures d’enseignement. La conséquence est que bon nombre de RLE ne donnent plus de cours et perdent ce lien essentiel dans la relation de confiance avec les personnes détenues. La revendication d’une aide administrative pérenne n’est pas reprise dans la circulaire et les RLE ne sont pas près de voir leur situation s’améliorer.
Rappelons que les RLE et les enseignant-es sont sous la responsabilité hiérarchique d’un-e proviseur-e. La convention a été conçue par les proviseur-es pour les proviseur-es, préférant déléguer aux RLE les tâches qui leur étaient dévolues auparavant.
À ces conditions de travail dégradées s’ajoute une menace réelle sur le cadre national de cet enseignement. L’absence de cadrage du nombre de postes par personnes détenues laisse peser un doute sur les objectifs de scolarisation. Si l’éducation reste un droit commun, en est-il de même pour l’enseignement ?
De même, la possibilité offerte aux collectivités régionales de proposer des formations professionnelles privées laisse la porte ouverte à un adéquationnisme problématique. Cela permet aussi un accès aux marchés scolaires par les associations en manque de liquidités et de contrats.
Nécessité d’un enseignement de qualité
Il est de notre responsabilité syndicale de ne pas permettre à Blanquer et ses ami-es de démanteler l’enseignement pénitentiaire. Il est urgent que nous rappelions haut et fort que l’éducation et l’enseignement en milieu carcéral sont des droits communs, tout en faisant des améliorations de conditions de travail de nos collègues une priorité. Nous devons dénoncer cette politique par pilotage, logique libérale qui fait des évaluations et de la passation d’examens des marqueurs de réussite. Il est important de donner aux enseignant-es et aux RLE les moyens de fonctionner et de rompre avec la logique du « travailler plus pour gagner moins ».
Le ministère doit entendre que la nouvelle convention ne répond pas aux attentes des enseignant-es en termes de prévention, d’accompagnement personnalisé, de péda- gogie et de travail à destination des détenu-es. La question de s’opposer à ces convention et circulaire est clairement posée. À la FSU d’y travailler et de permettre aux enseignant-es en milieu pénitentiaire de se mobiliser pour améliorer leurs droits et conditions de travail. ●
Agnès Dumand, Bernard Valin