Les élections professionnelles se sont tenues dans toutes les fonctions publiques début décembre.
Elles sont un révélateur de l’état d’esprit de plus de 5 millions de salarié-es. Il faut en examiner le résultat au regard d’enjeux importants : la participation, la relation entre le syndicalisme de transformation sociale et celui d’accompagnement, la place de la FSU dans les fonctions publiques.
Sophie Béroud fait le lien entre cette séquence électorale et celle de la représentativité dans le privé.
Philippe Enclos revient sur la notion de dialogue social dans la Fonction publique. Nous avons voulu aussi donner la parole à nos partenaires syndicaux habituels, la CGT et Solidaires, afin de connaître leurs analyses.
Car, à partir de ces résultats, il va être nécessaire de réfléchir à la façon d’influer sur l’avenir du syndicalisme de transformation sociale dans la Fonction publique…
Avec une participation de 52,8 %, seulement 2,7 millions des agents ont voté.
C’est en recul par rapport à 2011 (-2 points). Cette baisse, est accentuée dans la territoriale (FPT -4,1 pts).
C’est toutefois dans l’hospitalière (FPH) que la participation est la plus basse (50 %).
On peut y voir une distanciation des salarié-es vis-à-vis des syndicats, de leur représentativité institutionnelle ou de leurs orientations. À l’image de la sphère politique où la crise de représentation est massive.
Le contexte pèse : poursuite de la crise économique, accentuation des politiques libérales, promesses non tenues, rupture majeure avec « la gauche », développement de l’extrême-droite, crise du mouvement ouvrier organisé, absence de réponses alternatives du mouvement social sans victoire significative depuis plus de 10 ans… De quoi douter de l’efficacité du syndicalisme.
Le délitement des collectifs de travail (vitalité, taille, éclatement) dont le syndicalisme permet encore l’expression, ainsi que l’affaiblissement d’équipes syndicales y ont leur part.
Pour les 3 fonctions publiques, les variations de résultats sont significatives entre 2011 et 2014.
La baisse nette de la CGT (-2,3 pts), celle de la FSU (-0,3 pt) et la petite hausse de Solidaires (bien qu’en baisse dans la FPH) de +0,2 pt percutent le « syndicalisme de transformation sociale ».
Pour FO, difficile à « classer » tellement son spectre de positions est large, mais avec un discours « anti austérité » dans la dernière période, la montée (visible dans les 3 FP) est de 0,5 pt.
En agrégeant FO à CGT/FSU/Solidaires, la perte est de -1,9 pt face à la montée de +1,3 pt de CFDT/UNSA.
Cela confirme d’autres élections professionnelles récentes, même si ce « bloc » (avec CFTC et CGC en plus) ne fait que 35,9 % et reste donc loin des 50 % nécessaires à la validation d’un accord Fonction publique.
**Le syndicalisme de transformation sociale percuté
La tendance est la même pour chacune des FP (État -2,2 pts pour CGT/FSU/Solidaires ; FPT -2,6 pts ; FPH -2,3 pts).
Le syndicalisme de transformation sociale est donc en difficulté. Il n’a pas convaincu les salarié-es de son efficacité à s’opposer au reflux des idées d’égalité, de justice sociale et de l’action collective, ni aux attaques libérales de droite ou de « gauche ». La CGT en paye le plus fort prix, accentué par sa crise de direction.
Une partie des salarié-es semble se rabattre sur les « très petites » marges que le syndicalisme d’accompagnement (CFDT, UNSA, CFTC, CGC) fait miroiter. D’autres s’abstiennent ayant cédé ou non aux sirènes du populisme et de l’extrême droite.
Pour autant ce « syndicalisme d’accompagnement » est loin d’une structuration unifiée qui serait un outil formidable du pouvoir actuel pour favoriser ses politiques libérales. Le « syndicalisme de lutte » même affaibli et divisé reste prépondérant mais il doit se poser, simultanément, la question de son unité et de sa crédibilité auprès des salarié-es.
**Et la FSU dans tout cela ?
L’enjeu était double : reconquérir sa première place dans la FPE et entrer au Conseil Supérieur de la FPT gage d’une représentativité nationale. Elle échoue sur ces deux objectifs.
A la FPT, ses 3,3 %, soit un gain de 3 600 voix (+0,2 pt), sont insuffisants pour entrer au CSFPT. Une trop grande diversité d’implantation, une aide « fédérale » encore insuffisante et une collaboration fragile du SNUCLIAS et du SNUACTE ont joué.
Le renforcement nécessaire dans la territoriale passe par la fusion de ses 2 syndicats et une véritable dynamique fédérale de soutien.
Dans la FPE, la FSU ne recule « que » de 0,2 pt alors qu’elle enregistre un recul historique au Ministère de l’Éducation et dans le supérieur.
Elle recule aussi à l’Agriculture, au MEDDTL, aux Finances, à la Justice, à Jeunesse et Sports, au Travail. Elle progresse aux Affaires étrangères, à la Culture, à la Défense, à la Caisse des Dépôts et Consignations et à Pôle emploi.
En lien avec la chute de la CGT, elle stabilise, cependant, sa seconde place, lui permettant de continuer de peser.
Pour la seconde fois, la FSU recule à l’Éducation, son « bastion », où elle réalise 79 % de ses voix de la FPE.
Après 2011 (-2 pts), elle perd cette fois 5,1 pts avec 35,5 %. Elle reste toutefois de loin encore première. FO (13,6 %) progresse aussi de 3,5 pts !
Mais ce sont « les droites » (SNALC/FAEN/CFTC) qui gagnent le plus de voix (+75 %), totalisant 7,5 % (+2,8 pts). SUD (5,2 %) et la CGT reculent, comme le SGEN CFDT qui poursuit son érosion.
Les scores en CAPN des 2 gros syndicats de la FSU répercutent cette tendance : -6,4 pts pour le SNES chez les certifiés et -3,8 pts chez les PE pour le SNUipp.
Il s’agit donc bien d’un très gros recul dans le cœur de l’électorat enseignant de la fédération. Les raisons sont multiples. Comme souligné plus haut, il y a la situation sociale et politique.
Plus précisément, le message FSU d’une transformation « progressiste » de l’école, pour la réussite de tous les enfants, passe plus difficilement alors que des politiques libérales sont mises en œuvre sans que la FSU soit capable de se positionner clairement (loi de refondation) ou d’organiser la résistance aux régressions (Rased, rythmes et décret de 1950 par exemple).
Un brouillage dans lequel s’est engouffré FO en « défense du statu quo », en captant l’insatisfaction des collègues qui ont renoncé ou constaté le renoncement à changer l’école (et le reste !).
La moindre présence sur le terrain a joué aussi. D’autant qu’une partie des personnels continue de ne pas faire le lien entre le syndicat de leur corps et la FSU, même si celle-ci a gagné en visibilité.
Beaucoup de choses à creuser dans les 4 années qui viennent, dont la réflexion pour faire avancer l’unité du « syndicalisme de transformation sociale ». ●
Laurent Zappi