Luc Châtel,lors des états généraux de la sécurité à l’école d’avril 2010, annonçait la création, pour la rentrée 2010, d’un nouveau label : les établissements CLAIR (Collège et Lycée Ambition, Innovation, Réussite). Ce dispositif est présenté comme une nouveauté par les innovations qu’il propose.
Sous prétexte d’innover, ce label remet donc en cause les règles de la fonction publique et prend comme modèle de modernité et d’efficacité celui de l’entreprise. Le programme CLAIR concerne 105 établissements exposés à la violence mais il doit être étendu à la rentrée 2011 à toute l’éducation prioritaire (circulaire de juillet 2010).
**« Innover » par le recrutement local
Les postes seront profilés pour l’ensemble du personnel de l’établissement. C’est au chef d’établissement qu’il faudra s’adresser pour être embauché. Tous les postes de ces établissements seront donc retirés des mouvements de mutation. Or, ces établissements CLAIR sont en général connus pour leurs conditions d’enseignement difficiles, il est donc peu probable qu’ils attirent massivement les enseignants. Nombre de postes risquent donc de rester vacants, d’être occupés par du personnel n’ayant pas la qualification requise ou par des remplaçants à l’année.
La circulaire affirme que cela permettra d’avoir des équipes « stables » et « investies ». Les collègues, engagés pour 5 ans, répondront à une lettre de mission définie lors d’un entretien individuel avec le chef d’établissement, et bénéficieront d’un avancement au grand choix et d’avantages spécifiques de rémunération. Mais rien n’est dit sur les conditions de travail !
Notons que la circulaire précise que les personnels « qui n’adhèrent pas au nouveau projet seront encouragés à rechercher une affectation plus conforme à leurs souhaits ». Or, la liste de ces établissements a longtemps été gardée secrète. Certains collègues en ont pris connaissance en toute fin d’année 2009-2010, après les mouvements de mutation et il n’est pas certain que tous soient au courant.
**« Innover » pédagogiquement…
Ce dispositif reprend en particulier ce qui caractérisait les EP1 (établissements jugés les plus en difficulté parmi ceux de l’éducation prioritaire) qui ont ouvert la porte à la déréglementation pédagogique. Les CLAIR encouragent toujours à l’innovation pédagogique, qui peut toucher aussi bien l’organisation du temps scolaire (par exemple réduire les heures de cours à 45 minutes) que les progressions pédagogiques qui doivent être « en lien avec le socle commun de connaissances et de compétences ». Encore une fois, l’objectif à atteindre est le socle, les élèves seront donc condamnés dès le départ à suivre un cursus différent des autres établissements.
Les meilleurs élèves, déjà incités à quitter ces établissements grâce à l’assouplissement de la carte scolaire, n’auront alors plus aucune raison de rester. Or, tout établissement incapable de profiter de mixité scolaire ne peut que concentrer davantage de violence. Cette déréglementation risque donc de créer encore plus d’inégalités d’un établissement à l’autre.
L’innovation dans le fonctionnement de la vie scolaire se fera grâce au préfet des études. Il y en aura un par niveau au collège et un en seconde des lycées généraux, technologiques et professionnels. Il assure « la cohérence des pratiques, du respect des règles communes et de l’implication des familles, il exerce une responsabilité sur le plan pédagogique et éducatif ». Il fera partie de l’équipe de direction et sa carrière sera valorisée pour accéder à un poste de direction. Embauché localement, il est intéressant de remarquer qu’encore une fois on crée un nouveau poste qui renforcera la hiérarchie au sein de l’établissement, mais qu’à aucun moment on ne parle de renforcer ces établissements à l’aide de CPE, surveillants ou d’enseignants pour alléger le nombre d’élèves par classe et réduire l’échec scolaire. Comme si le problème était d’abord de « motiver » des équipes.
**Une remise en cause du service public
En effet, ces « innovations » risquent bien de créer des inégalités fortes entre les établissements en ne garantissant plus un personnel qualifié, en réduisant de fait les ambitions à atteindre.
Ces innovations semblent aussi masquer l’organisation à venir de l’Education Nationale. En effet, dans un article du Monde du 7 août, l’entretien individualisé des fonctionnaires d’Etat et l’attribution d’une « prime au mérite » ne dépendront d’ici 2012 que de leur hiérarchie. Ce label n’est-il donc pas le moyen de préparer à la généralisation d’une nouvelle gestion et de renforcer l’autorité… sur les personnels ?