Le candidat Sarkozy l’avait annoncé en 2007. Aujourd’hui, les demandes d’emploi non satisfaites (chômeurs, personnes en sous-emploi, personnes souhaitant travailler) concernent plus de 5 millions de personnes. Depuis un an, ce nombre n’a pas baissé, le léger reflux du chômage ayant été compensé par une hausse équivalente du sous-emploi.
Le chômage reste la face obscure de l’emploi. Obscure parce que difficile à comptabiliser, difficile à juguler, obscure aussi pour ses conséquences sur les salariés, leurs familles, la société.Au delà des polémiques récurrentes sur les statistiques, la situation continue de s’aggraver, pour tous, jeunes, seniors et femmes. En cause, toujours les conséquences de la crise, notamment sur les emplois du secteur marchand mais aussi des politiques économiques qui continuent de favoriser le capital plutôt que le salariat sous forme de baisse des « charges » pour les entreprises et dérogations au droit du travail. Même ralenties aujourd’hui, les destructions nettes d’emplois restent massives. Dans l’Union européenne à 15, le nombre de chômeurs est passé, entre 2008 et 2010, de 13 à 18,4 millions. Si la France semble résister mieux que d’autres (Espagne, Allemagne), c’est paradoxalement lié à un poids limité de son activité industrielle et au caractère faiblement exportateur de son économie. Pas vraiment de quoi se réjouir…
Pourtant, fin 2008, après le fameux plan de secours aux banques (dont elles se sont très bien portées !), un plan de relance budgétaire annonçait de grands programmes d’investissements publics et des mesures en faveur des PME, des entreprises du bâtiment et du secteur automobile ainsi qu’une dotation de 20 milliards d’euros pour un fond stratégique d’investissement. On a ainsi vu la prime à la casse, l’exonération de la taxe professionnelle pour les nouveaux investissements, l’éco-prêt à taux zéro… sans résultat tangible.
Structure de l’emploi
Au cours des dernières décennies, c’est l’expansion des secteurs tertiaires, et notamment le développement des services, qui a compensé le recul de l’emploi industriel. Mais les pertes énormes liées aux délocalisations et fermetures de sites ne peuvent pas être compensées par les « services à la personne » qui se développent sous forme d’emplois précarisés. Quant à l’emploi public, affecté par des milliers de suppressions de postes, il n’est plus en situation d’offrir des perspectives et d’assurer son traditionnel rôle stabilisateur.D’après les dernières statistiques publiées par Pôle emploi, l’Insee et l’ACOSS, les créations d’emplois ont certes augmenté au dernier trimestre 2010 mais cette hausse essentiellement due à l’intérim (22 400 postes créés), reste très en dessous des prévisions optimistes de novembre. D’après les prévisions de Pôle Emploi, le chômage devrait continuer de baisser en 2011 mais de manière très faible, les créations nettes d’emplois observées sur les trois premiers trimestres de 2010 restant faibles au regard des nouvelles entrées sur le marché du travail. Selon les hypothèses de croissance retenues, le nombre de créations d’emplois en 2011 pourrait être compris entre 45 000 et 130 000. Soit un taux de chômage à la fin 2011 compris entre 8,9 et 9,2 %. Les prévisions pour la fin de l’année annonce un taux de chômage à 9,3 %. Concernant les services à domicile, la fin des exonérations, votée récemment au Sénat, pourrait même entraîner la disparition de 200 000 emplois supplémentaires selon la Fédération des particuliers employeurs de France (Fepem).
Un jeune actif sur quatre au chômage !
Cette situation ne cesse de s’aggraver et a fortement pesé dans le conflit retraites. Le ministre du Travail X. Bertrand consulte sur l’emploi des jeunes les acteurs sociaux, d’emblée limités au MEDEF et aux organisations syndicales du secteur privé. Rien sur la responsabilité de l’Etat et du secteur public sur cette question, rien sur les incidences de la formation.Quant aux seniors, sommés maintenant de prolonger leur durée de cotisations, ils continuent à rester massivement sur le carreau. 2011 ne sera donc pas une année facile au niveau de l’emploi. Fillon a demandé aux préfets de continuer à mobiliser tous les acteurs locaux de la politique de l’emploi (!!) avec deux objectifs prioritaires : la lutte contre le chômage de longue durée « qui a fortement augmenté ces douze derniers mois » et l’emploi des jeunes. Seules propositions du gouvernement : 340 000 contrats aidés (chiffre nettement insuffisant pour les syndicats), l’apprentissage pour les jeunes et la réforme de la fiscalité locale (notamment la suppression de la taxe professionnelle) contestée à droite comme à gauche !
Personne aujourd’hui ne peut croire à un avenir radieux par reprise miraculeuse d’une croissance qui devra de toute façon mieux prendre en compte les exigences écologiques. Au delà des gesticulations récurrentes du MEDEF et de l’UMP sur les 35h, la question du partage du travail continue de se poser et prend même plus d’acuité. Se pose la question des emplois socialement et écologiquement utiles à maintenir et à créer dans le secteur privé mais aussi dans le secteur public. Cela participe évidemment d’éléments forts de rupture avec les politiques néolibérales qui massacrent emploi et salariés aujourd’hui, en France et dans le monde. [**Dossier réalisé par : Isabelle Sargeni-Chetaud, Marie-Cécile Périllat, Francis Vergne, Eric Planchette.*]