Selon les statistiques de la DARES de fin 2010, les plans sociaux sont en chute libre (de près de 50 %) et les licenciements économiques en baisse sensible (de 19 %). Certes, ces chiffres témoignent certainement d’un retour progressif de l’activité en France, mais ils sont à relativiser. Les entreprises privilégient aujourd’hui d’autres moyens de restructuration et de réduction des coûts. Les licenciements et plans sociaux, en effet, coûtent cher aux patrons tant financièrement qu’en terme d’image, surtout quand ces fichus ouvriers n’acceptent pas le sort qui leur semble réservé et se rebiffent…
Le patronat utilise donc tout un arsenal de mesures, anciennes pour certaines, récentes pour d’autres, n’hésitant pas le cas échéant à contourner les règlementations trop rigides à son goût.Arrivent en tête le recrutement en CDD et le recours à l’intérim qui par définition ne nécessitent pas de rupture en cas de baisse d’activité ! Ceci entraîne bien évidemment une précarité grandissante de la main d’œuvre, avec son lot de drames sociaux, mais dans le grand jeu de la concurrence libre, on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs, n’est-ce pas ?
Viennent ensuite les moyens mis à leur disposition pour se séparer du salarié dont ils n’ont plus l’usage : de ce point de vue, la rupture conventionnelle est une vraie aubaine ! Mme Parisot se réjouissait il y a peu qu’il y ait eu 500 000 demandes depuis la création de la mesure (Juillet 2008) et 430 000 accords… Sans disposer de statistiques précises – et pour cause – on estime aujourd’hui que 75 à 80 % de ces ruptures sont à l’initiative du chef d’entreprise, et que nombre d’entre elles sont de fait des licenciements économiques déguisés (en sont particulièrement friands les secteurs du commerce et du bâtiment). S’agissant officiellement d’une « rupture d’un commun accord » entre les deux parties, il n’est nul besoin de motif ou d’explication alambiquée et les risques d’une contestation ultérieure du salarié sont faibles, sinon nulles. Ce n’est pas tout à fait un hasard si certains ont déjà rebaptisé cette mesure « Plan Social Silencieux »…
Dans le même ordre d’idées, il n’est pas rare qu’une PME propose à ses salariés de devenir « auto-entrepreneurs » après licenciement ou mieux encore après démission ; l’ex salarié continue d’exercer dans l’entreprise sans que celle-ci ait à supporter les coûts et les obligations d’un contrat de travail. Si cette démarche n’est pas sans risque pour le patron, le piège est total pour le dit auto-entrepreneur qui se retrouve livré à lui-même et sous la menace permanente de se retrouver sans travail, sans recours possible ni protection.
De ces quelques exemples, doit-on déduire que nous assistons à la mort programmée du licenciement économique ? A moyen terme, le risque est réel. N’oublions pas que le MEDEF, par la voix de sa présidente, réclame depuis plusieurs années une révision de la réglementation en la matière, justifiant sa demande par les « coûts énormes » supportés par l’entreprise à cette occasion, coûts qui seraient de fait une entrave supplémentaire à la bonne marche des entreprises et à leur compétitivité. Il a pourtant déjà obtenu beaucoup sur cette question, de la disparition des « 90 % de l’ancien salaire » (conquête des travailleurs des années 70 et particulièrement de ceux de LIP) au tout début des années 80, à la suppression de l’autorisation administrative de licenciement en 1986 ! Mais rien n’y fait, les quelques maigres avantages dont disposent les salariés – les CRP (Contrat de Reclassement Professionnel) ou CTP (Contrat de transition Professionnelle) par exemple – sont jugés insupportables par le patronat ; celui-ci d’ailleurs a de plus en plus tendance à rejeter avec véhémence les droits élémentaires du travail et du salarié, des modalités d’embauche aux salaires en passant par les classifications, la durée du travail… jusqu’aux droits liés à la rupture du contrat de travail.
C’est bien connu, chez ces gens-là, la liberté d’entreprendre s’arrête là où commence le code du travail. [([*Convention Unédic 2011 : négociations en cours…*] Vous saviez qu’il y avait des négociations en cours sur la convention Unédic ?
Pas vraiment ? Normal, les médias ont fort à faire ces jours ci avec des sujets d’une toute autre dimension. Et puis, paraît-il, ce rendez-vous entre partenaires sociaux serait sans enjeux, simple rencontre intermédiaire entre négociations précédentes et celles à venir. Laurence Parisot a enfoncé le clou, expliquant que le Medef souhaitait « principalement reconduire le cadre actuel », qu’il n’était « pas question d’innovations radicales ». « Nous pensons que nous sommes en sortie de crise », selon L.P. qui ajoute que, néanmoins sur le plan social, la situation n’est pas suffisamment « rassurante » pour modifier les règles. La CGPME et l’UPA défendent la même position.
En un mot comme en cent, les patrons ont décidé : circulez, il n’y a rien à voir (ni à discuter) ! Crise sociale, jeunes exclus, près d’un chômeur sur deux sans indemnités, on verra plus tard et après qu’on ait discuté de la baisse des cotisations patronales…
Du côté des Organisations Syndicales de salariés, si certaines semblent se satisfaire peu ou prou du statu quo, d’autres, et principalement la CGT, s’insurgent sur le fond et la forme de ce rendez-vous. Quant aux chômeurs et à leurs associations, ils n’ont comme d’habitude pas voix au chapitre, n’étant tout simplement pas invités.)]