Décrypter la politique de la macronie pour mieux la combattre

Par Lucie Lefèvre (Nantes)


On a bien senti hier matin que nous avions été légitimement heurtées par les propos de la nouvelle ministre, tout comme le sont les salles des profs et des personnels de l’éducation qui, entre deux images humoristiques, quelques plaisanteries sentent dans le même temps leur univers, leurs principes et les raisons de leur vocation un peu plus piétinées. Et cela participe encore au manque de perspectives, à l’impression de déclassement, de mépris, de flou. La macronie ose tout et on l’a vu hier ne reculera pas devant le caractère inconstitutionnel, non réglementaire ou illégal de sa politique et cela sera encore pire avec ce gouvernement de droite et un Macron qui a déjà opéré un virage autoritaire.

Ce constat, nous devons le partager explicitement avec l’ensemble de nos collègues et des usager·ères de l’école, avec l’ensemble de nos partenaires syndicaux et en tirer une analyse qui nourrisse l’action au sens de la lutte. Une lutte que nous devons organiser à toutes les échelles de notre syndicat. Il faut dire à nos collègues que les propos d’AOC (volontaires ou maladroits, peu importe) qui pense qu’il faut faire le choix de l’école privée, les propos de Macron qui défend Depardieu, les propos de Darmanin lorsqu’il dit « je m’étouffe » pour dénier les violences policières, le tri social à l’école qui se renforce, l’idée du port d’un uniforme et son pendant, la criminalisation des jeune filles en robes, la préférence nationale inscrite dans la loi, et la liste est encore longue, ce sont les paroles et les décisions d’une caste. Le mot est fort, mais comment appelle-t-on, un groupe de gens qui travaillent à la préservation d’une société qu’il leur est favorable, qui séparent leurs enfants des nôtres, qui ne perçoivent pas le monde à la même échelle que nous ?

Cette caste s’appelle la bourgeoisie capitaliste et néo libérale et même ultra libérale puisque l’État est depuis longtemps le bras armé de cette idéologie. Cette caste a même tourné le dos à ses quelques garde-fous qui était une forme de charité chrétienne et qui maintenait un semblant de contrat social. C’est une caste qui exploite les corps et qui a même décidé de les exploiter pour 600 euros avec la loi pour le plein emploi, de les exploiter plus longtemps avec la réforme des retraites, une caste qui jette à la rue, qui expulse et mutile, une caste qui légitime qu’un grand acteur s’en prenne à des travailleuses anonymes du cinéma, et qui utilise un vocabulaire guerrier et viriliste pour nommer ou qualifier ses choix. Et nous sommes sidéré·s, tous et toutes. Il faut opérer un processus d’émancipation et se défendre de ces attaques par une explicitation de cette idéologie, leur politique réactionnaire et même fascisante.

Et c’est là que j’atteins le point Godwin de mon propos en guise de conclusion (ce que nous devrons à mon sens bientôt dire aux collègues qui ne se mobilisent pas).  A un ami allemand qui aura laissé le nazisme s’installer, Camus écrit : « vous acceptiez légèrement de désespérer et […] je n’y ai jamais consenti. C’est que vous admettiez assez l’injustice de notre condition pour vous résoudre à y ajouter, tandis qu’il m’apparaissait au contraire que l’homme devait affirmer la justice pour lutter contre l’injustice éternelle, créer du bonheur pour protester contre l’univers du malheur. Parce que vous avez fait de votre désespoir une ivresse, parce que vous vous en êtes délivré en l’érigeant en principe, vous avez accepté de détruire les œuvres de l’homme et de lutter contre lui pour achever sa misère essentielle. Et moi, refusant d’admettre ce désespoir et ce monde torturé, je voulais seulement que les hommes retrouvent leur solidarité pour entrer en lutte contre leur destin révoltant. »