Marie HAYE (Secrétaire Nationale, Nantes)
Cette CAN s’ouvre aux lendemains d’une grève historique dans l’Éducation (historique, elle ; contrairement à la revalorisation fantôme de Blanquer). Le SNES-FSU a eu raison d’emboîter le pas au SNUipp, et de mettre le paquet pour mobiliser. Les taux de grévistes l’ont montré, ainsi que le soutien de l’opinion et des médias, qui ont relayé nos revendications et repris les taux de grévistes annoncés par le SNUIPP et le SNES (et non ceux du ministère, ce qui est suffisamment rare pour être souligné !).
La gestion catastrophique de la crise par Blanquer depuis deux ans, les changements incessants de protocoles inapplicables, l’absence de vraies mesures de protection des personnels, des élèves et de leurs familles, à la fois le fond (néolibéral) et la forme (autoritaire et méprisante) de la politique du ministre… tout cela a fini par faire exploser la colère des collègues.
La très forte mobilisation a obligé le Premier ministre à recevoir le soir même les organisations syndicales, mettant Blanquer sur la touche.
Les premiers résultats à mettre au compte de la mobilisation sont entre autres le recrutement de 3300 contractuel·les, de 1200 AED, l’arrivée des masques chirurgicaux et FFP2, une concertation avec les syndicats tous les 15 jours, à commencer par une discussion sur le report éventuel des épreuves de spécialité du bac.
Ce changement de ton était à souligner, mais certains médias n’ont relayé que cela, laissant croire que les Organisations Syndicales, le SNES en particulier, se satisfaisaient de ces bougés. Or, nous sommes encore loin du compte : pas de recrutement en personnels titulaires (à l’exception de l’annonce du recrutement d’enseignant·es sur les listes complémentaires, qui ne concernera que le 1er degré) ; la fourniture de masques chirurgicaux avait été déjà annoncée par Castex quelques jours avant. Quant aux masques FFP2, le nombre annoncé s’annonce déjà insuffisant pour couvrir les seuls besoins en maternelle.
L’intersyndicale Éducation s’est réunie vendredi, et a chuté sur deux textes : l’un, que la FSU a signé avec FO, la CGT, SUD, la FCPE et les organisations lycéennes, appelant à une semaine d’actions, notamment à la grève, et notamment le 20, là où les conditions sont réunies, et l’autre, signé avec l’UNSA, la CFDT et le SNALC, à maintenir la pression. Nous avons raison de montrer ainsi notre volonté d’en découdre avec un Blanquer illégitime et sa politique régressive. L’Ibiza Gate va encore aider à achever d’ôter toute crédibilité à ce ministre rejeté par les personnels.
Cette semaine d’action doit servir de relai vers la grève interprofessionnelle du 27, qu’il faut investir en articulant la plate-forme initiale axée sur les salaires, avec nos revendications éduc. Plusieurs liens peuvent être faits : nos conditions de travail et les conditions d’étude des élèves, dans le cadre d’un service public d’Éducation très dégradé. La préparation de rentrée et son cortège de suppressions de postes, alors que les effectifs augmentent, augure de nouvelles dégradations encore, alors que la crise sanitaire a mis en lumière les manques structurels de personnels. Sur les salaires, l’Ibiza Gate peut nous servir de marche-pied : après tout, ce n’est pas à nous qu’une telle chose arriverait avec un point d’indice gelé depuis 12 ans et des traitements en bas de tableau de l’OCDE…
La question de l’après doit être anticipée et posée dès maintenant. Au mois de mars, l’épidémie et sa gestion par le gouvernement ne sera peut-être plus l’étincelle. Pour autant, les problèmes de moyens et de conditions de travail ne seront pas résolus. Il nous faut dès maintenant réfléchir à des revendications précises, non seulement issues de la plateforme du 13 janvier, mais aussi de notre plan d’urgence pour l’École, et les hiérarchiser. Il nous faut les porter auprès des collègues, par des campagnes dynamiques, et, pourquoi pas, faire de ces revendications la base d’une sorte d’ultimatum posé à ce gouvernement, lancé à la veille des congés d’hiver, avant, en mars, si nous ne sommes pas entendu·es, une nouvelle journée de grève dans toute l’Éducation, et la plus unitaire possible.
Spécifiquement dans les lycées, annoncer dès maintenant une grève de surveillance des épreuves de spécialité, qui se déroulent toutes les mêmes jours, les 14 et 15 mars, contrairement aux E3C, qui étaient éparpillés, est également un levier à saisir.
Notre responsabilité de syndicat majoritaire est de donner des perspectives et de les construire en amont, si possible de façon unitaire. L’approche du scrutin présidentiel sera dans toutes les têtes et poussera à nouveau le gouvernement à faire des concessions.
La campagne se poursuit d’ailleurs dans la même veine réactionnaire et raciste. Ces discours, relayés par des médias, se diffusent dans l’opinion publique, et peuvent même trouver un écho chez certain·es de nos collègues. Ainsi, Zemmour vante « l’école du passée », une école inventée qui n’a jamais existé, mais une école de l’ordre, avec des uniformes, et qui rompt avec l’« obsession de l’inclusion ». Face aux attaques réactionnaires de tous bords, il faut affirmer encore et toujours notre vision de l’école. Une école émancipatrice pour toutes et tous les élèves, où les enseignant·es défendent des valeurs, pour reprendre ce terme cher à la droite et à l’extrême droite, mais des valeurs de liberté, d’égalité, de solidarité. Notre bilan de l’ère Blanquer, le projet du SNES et de la FSU pour l’école, les mobilisations que nous menons, pèseront pour placer l’École au cœur des débats.
Nous débattrons demain du projet d’accord sur la Protection Sociale Complémentaire, mais un mot dès maintenant en lien avec ce qui précède : il est plus qu’urgent d’informer et mobiliser les collègues sur cette question, qui va de plus impliquer un travail commun et étroit avec la CGT et Solidaires, que la FSU signe ou non. Un chantier de plus qui participe de la construction d’un front commun, et bientôt peut-être, d’un outil syndical commun, mais nous aurons l’occasion d’en débattre lors du congrès fédéral dans 10 jours.