Intervention conclusive de Marie HAYE (Secrétaire nationale, Nantes)
En vertu de l’adage « Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage », la dégradation accélérée que connaît le Service Public d’Education sous la houlette du bulldozer Blanquer sert de prétexte à sa destruction : CQFD ! C’est à un véritable tir de barrage contre l’Ecole publique que se livre le pouvoir, vers toujours plus de déréglementation, d’externalisation, de concurrence et de caporalisation.
A ce titre, les annonces de Macron à Marseille sont très inquiétantes y compris pour le second degré, comme le dit le texte, parce qu’elles correspondent au projet politique macroniste, comme le texte le dit, et sont amenées à se généraliser, à l’image de ce qu’il s’est passé depuis 2006 dans l’Education Prioritaire, comme l’a rappelé Marie-Hélène et comme cela a été ajouté dans le texte, ce que nous actons positivement. C’est pourquoi la lutte contre l’expérimentation Macron à Marseille, en tant que laboratoire, doit devenir un combat national et fédéral. Intégrons nos exigences d’abandon des expérimentations marseillaises et CLA à nos futures plateformes revendicatives, et disons-le dans la partie action de notre texte.
Ces annonces rappellent à quel point déréglementation, externalisation, concurrence et caporalisation des personnels sont les pierres angulaires de la politique éducative actuelle. A ce titre, il ne faut pas oublier les évaluations standardisées et les certifications en collège. En lycée, il faudra veiller à ce que les compléments disciplinaires prévus au guide de résistance au PLE ne soient pas prescriptifs car là n’est pas notre rôle. Cette caporalisation passe par la perte de compétences des CAP (il est positif que cela ait été ajouté dans le texte). N’oublions pas les conclusions du Grenelle, qui ne portent pas seulement sur les rémunérations : l’intitulé de certains GT (comme « esprit d’équipe ») ou encore les feuilles de route RH publiées en mai dans les académies en témoignent. La réforme du recrutement et de la formation des enseignant-es en est un autre exemple et il est sans doute possible de le dire plus explicitement dans notre texte : le primat de l’expérience du terrain justifie l’utilisation des entrant-es dans le métier comme moyens d’enseignement, ce qui les prive de pans entiers de la formation universitaire, au profit d’une série de prescriptions de pratiques normées et promues par l’employeur, qui prend encore beaucoup plus d’importance dans le processus de titularisation. L’échec du dispositif des contractuel-les alertant-es nous donne en partie raison sur le fait que cette réforme ne permettra pas de résoudre la crise du recrutement. Mais en partie seulement car cet échec programmé va bientôt constituer une opportunité pour recruter une armée de précaires qu’il sera encore plus facile de maltraiter. C’est pourquoi nous pensons comme Emancipation et plusieurs S3 que notre texte doit être renforcé sur les non-titulaires, qui sont l’avenir du syndicalisme. C’est aussi la raison pour laquelle le SNES doit en effet revendiquer des recrutements massifs et pérennes de personnels, comme le demande URIS, non seulement pour compenser les effets de la crise, mais aussi de la politique libérale à l’œuvre depuis 15 ans. Toujours au chapitre de la caporalisation, et son corollaire : la réduction drastique de tous les espaces de débat démocratiques, l’entrée en application cet automne du décret concernant les CA. Le SNES doit informer de nouveau la profession de ces dégradations et appeler à privilégier les CA à la commission permanente (qui servirait sinon à le contourner), tout en réaffirmant notre revendication de retrait de ce décret.
L’importation des pires méthodes managériales du privé dans les services publics n’est pas une nouveauté, mais dans l’Ecole, elle connaît, sous l’ère Blanquer, une accélération sans précédent. Avec un tel logiciel, la gestion des personnels n’est pas pensée en terme de service public à rendre sur tout le territoire, mais à la sauce capitaliste, c’est-à-dire comme un « stock » qu’il faut « gérer » de façon optimale, donc à flux tendu (d’où les suppressions de postes, l’augmentation des heures supplémentaires et le recours accru aux contractuel-les), en triant le bon grain de l’ivraie (d’où le cortège de « récompenses » pour les plus « méritant-es »). Les personnels ainsi réduits à leur « force de travail » se trouvent « marchandisé-es », à l’opposé exact des principes qui fondent la Fonction Publique (impartialité, neutralité, probité, égalité de traitement des citoyen-nes), au détriment des élèves et de leurs familles.
De cela, le pouvoir ne s’en émeut pas, bien au contraire : la qualité du service rendu, la démocratisation scolaire, la réduction des inégalités, sont tout l’inverse de ses objectifs. Il mène une guerre de classe contre les milieux populaires (les déclarations de Blanquer sur l’allocation de rentrée scolaire en sont l’illustration). Une guerre libérale, de classe aux relents racistes (comme en témoigne la campagne « C’est ça, la laïcité »), contre l’égalité, les solidarités, la démocratie, qui n’est pas un opportunisme électoral, mais bien dans l’ADN de La République en Marche. Tout un système qui explique la multiplication des situations de répression syndicale, qui contribue à « décomplexer » l’Extrême-Droite. Nous actons donc très positivement que le SNES soutienne notre camarade Edouard Descottes d’une part, et d’autre part nos camarades fiché-es sur le site Fdesouche taxé-es d’ »islamogauchisme ». Tout un système qui justifie que ce CN dise quelque chose de la future loi qui met en place une Justice des mineur-es uniquement basée sur leur criminalisation et la répression.
On le voit, le gouvernement place très haut le niveau de conflictualité. Cela peut expliquer en partie la difficulté à mobiliser. La grève du 23 ne peut être qu’un premier pas, à lier davantage au 5, qu’il faut concevoir comme un élargissement. Mais proposer un calendrier d’actions ne suffira pas à construire la mobilisation, comme l’a dit Grenoble : il faudra continuer sans relâche à travailler le milieu, et au-delà, l’opinion, ce qui suppose d’associer les usager-ères à nos luttes. La période pré-électorale constitue une opportunité pour imposer nos mots d’ordre, non seulement par l’interpellation des candidat-es aux élections, mais aussi par des campagnes médiatiques, la grève et les manifestations, construites avec les collègues, qui doivent rester nos leviers. Les collègues ne nous ont jamais reproché de prendre position, de porter le débat, de tenter de mobiliser : c’est même plutôt l’inverse. Renforçons le SNES non seulement par la qualité de nos services en lien avec les opérations de carrière et de métier, mais aussi par l’action !