De quoi la campagne « C’est ça, la laïcité » est-elle le nom ?

Intervention de Stéphane Girier (CAN, Versailles)

Tout d’abord, nous nous félicitons de l’évolution du texte par rapport à la première mouture qui ne parlait que de « vision restrictive » de la laïcité à propos de cette campagne d’affichage. Le fait que le texte ait été étoffé est une bonne chose. En particulier la dernière phrase ajoutée, qui insiste sur la dimension émancipatrice de l’école à laquelle contribue la laïcité, ne peut que nous réjouir.

Il demeure néanmoins quelques points qui nous semblent faire problème. Ces points se concentrent dans la deuxième phrase du texte ( « La campagne d’affichage organisée à la rentrée, en plus d’user de l’essentialisation des élèves en fonction de leur origine supposée, réduit la laïcité à un outil de conformation et de « vivre ensemble » faisant passer au second plan son ambition émancipatrice »).

Le premier souci est l’emploi du verbe « réduire ». On ne peut pas « réduire » la laïcité à un outil de conformation à une norme : il s’agit là d’un dévoiement de la notion, contraire au principe même de laïcité, que de vouloir gommer l’altérité au lieu de la respecter. C’est bien ce que fait cette campagne avec l’utilisation systématique du mot « même ». Nous sommes ici sur la conception de Blanquer d’une intégration qui se fait uniquement par l’assimilation.

« Ces images sont hors-sujet », c’est ainsi que démarre l’interview passionnante que Jean-Louis Bianco, président de la vigie de la laïcité, a donnée au journal « L’Humanité » le 31 août. Il y explique que « cette campagne n’a rien à voir avec la laïcité », et cela vaut pour au moins six des huit visuels.

Donc ces affiches ne « réduisent » pas la laïcité, elles en dévoient les principes.

S’il ne porte pas sur la laïcité, il nous faut analyser et caractériser le message de cette communication ministérielle.

Comme Romain a pu le dire précédemment lors de la présentation du texte action de l’EE : il s’agit d’une campagne raciste. Or le texte action proposé par le SG tourne autour du pot.
Dans la première phrase il est écrit que « Le ministre instrumentalise la laïcité pour mieux se positionner dans le champ politique » ; mais où ? Á la droite de la droite ? Á la droite de l’extrême droite ?
Il est ensuite question de « l ’essentialisation des élèves en fonction de leur origine supposée » mais il est clair, qu’une nouvelle fois, ce sont les enfants de culture et de confession musulmane qui sont visé.es. Cela apparaît tant dans le choix des prénoms que dans celui des thèmes, comme l’affiche concernant la piscine et le fait de se baigner dans la même eau. Il serait donc souhaitable d’écrire « en fonction de leur religion supposée ».

Il nous semble particulièrement important de ne pas hésiter à utiliser le mot « raciste » dans la période actuelle. En effet une importante offensive confusionniste est en cours, en particulier dans les médias, qui voudrait faire croire que celles et ceux qui dénoncent le racisme seraient les vrais racistes, par opposition aux universalistes, qui ne différencieraient pas les gens. Mais non ! Ce qui est raciste, c’est cette campagne et pas le fait de la dénoncer.

Au final, nous proposons la réécriture suivante :
« La campagne, raciste, d’affichage organisée à la rentrée, en plus d’user de l’essentialisation des élèves en fonction de leur religion supposée, transforme la laïcité en un outil de conformation présentée comme la seule possibilité d’un « vivre ensemble ».