Contribution de l’EE-SNUipp aux débats : Debouts et en lutte, le jour comme la nuit

Cela fait aujourd’hui plus de deux mois que le mouvement contre la loi Travail met en difficulté la politique libérale du gouvernement. Ce mouvement est singulier à bien des égards. Par le poids pris par les réseaux sociaux dans l’accélération du calendrier de mobilisation. Par l’irruption de la parole du salariat sur son travail avec #OnVautMieuxQueCa. Par l’invention d’une nouvelle forme de mobilisation avec les Nuits Debout. Par le fait aussi que si sa force et son inscription dans le temps long ne font pas de doute, son devenir reste encore incertain. Mais également par les violences policières qui commencent à faire système.

Avec 1,2 millions de manifestants à l’appel des organisations de jeunesse et de salarié-es, le 31 mars constitue la plus grosse journée de mobilisation. Et si depuis, les manifestations ont été moins importantes, elles restent tout de même de haut niveau. Dans le même temps les intermittents en lutte ont obtenu une révision importante de leur régime chômage, avec des mesures revenant sur les régressions de la réforme de 2003. Les cheminots poursuivent leur combat avec la journée de mobilisation du 10 mai et les annonces de reconductions.

La mobilisation a déjà eu des conséquences. Le gouvernement a dû reculer sur une partie des aspects les plus régressifs de sa loi. Au sein de la population, le projet de loi est toujours très majoritairement rejeté, et analysé à près de 70 % comme « surtout favorable aux entreprises » . Et à l’heure où les discussions parlementaires s’ouvrent, le gouvernement se retrouve sans majorité parlementaire pour faire passer le texte et menace de passer en force avec le 49.3, ce qui constitue un déni de démocratie de plus après l’absence totale de négociations avec les organisations syndicales avant la sortie du projet de loi.

Après les lois Macron et Rebsamen, la question de sa légitimité se pose.

Mobilisation
polymorphe

Et il y a les Nuit Debout. Démarrant à Paris, place de la République, le 31 mars en suite de la manifestation avec comme mot d’ordre « ce soir on ne rentre pas », elles se sont depuis multipliées sur l’ensemble du territoire. Nuit debout imprime ainsi une « continuité » dans la mobilisation. Espaces en devenir, elles constituent un lieu de réappropriation de la parole, de l’élaboration collective et témoignent d’une critique démocratique profonde du système. Même s’il n’est pas évident de déterminer les incidences de cette expérience, il est par contre certain qu’elle en aura. Les rapprochements entre les organisations syndicales et Nuit debout sont un point positif. Le secrétaire général de la Cgt, un des deux porte-parole de Solidaires, des représentant-es de syndicats nationaux (Cgt et Sud) sont intervenus place de la République.

Car ce joli mois de mai peut être le mois de la victoire contre le projet de loi travail. Certains syndicats, le secteur du transport posent la question de la reconduction de la grève. La FSU doit se préparer à une accélération du calendrier de mobilisation et à une hausse du rapport de force. Or, notre milieu, comme la majeure partie de la fonction publique, participe peu à cette mobilisation, avec des cortèges FSU pas aussi fournis qu’ils devraient l’être. Cette difficulté à mobiliser la fonction publique est commune à l’ensemble des organisations syndicales de fonctionnaires. Nous avons donc une responsabilité à travailler à ce que les fonctionnaires participent de façon bien plus significative au mouvement, en produisant des argumentaires, des analyses, du matériel de mobilisation donnant à voir les incidences du projet de loi sur la fonction publique, mais aussi en faisant valoir par nos revendications sur les conditions de travail et de rémunération un #OnVautMieuxQueça enseignant. La FSU doit aussi être active dans le rapprochement du mouvement syndical avec les Nuit Debout.

Une nouvelle
dynamique pour
notre campagne

Une victoire contre la loi Travail ne peut que donner du souffle à nos revendications pour l’école et les personnels. Dans notre secteur, l’Isae à 1200€ est de ce point de vue emblématique de la détermination revendicative qui paie et cette avancée, qui n’est pas encore une victoire, peut et doit nous permettre de relégitimer aux yeux de nos collègues et de tous les salariés aussi bien la question des salaires que la fermeté et la ténacité dans l’action syndicale.

Dans une période de refonte des grilles enseignantes, cette détermination ne doit pas mollir. Après une appréciation très critique du protocole PPCR, la FSU doit s’appuyer sur les comparaisons nationales et internationales pour mettre en évidence le déclassement salarial dont sont victimes les enseignants et revendiquer la transformation de la part indemnitaire de nos salaires en points d’indice pour toutes et tous. Le manque d’attractivité du métier doit aussi être pris en compte et donner lieu à une augmentation substantielle des salaires de début de carrière, ce qui n’est pas actuellement dans les intentions du ministère. La création d’un troisième grade doit être dénoncée avec vigueur car elle signera l’éclatement du corps des PE quand nous en exigeons l’unification et constituera un puissant outil de management. Si le critère d’accès à ce grade est fonctionnel, il aura pour conséquence de créer de nouvelles hiérarchies intermédiaires. Si le critère est le mérite, il renforcera le pouvoir des actuelles hiérarchies intermédiaires. A peine 2% du corps à l’indice 972 représente un miroir aux alouettes pour la quasi-totalité des enseignant-es et un coût minimum pour l’état-employeur !

En ce qui concerne le temps de travail, nous butions l’année dernière sur une absence de consigne claire et partagée sur les APC. Nous ne pouvons revivre la même rentrée. Aujourd’hui, il s’agit de tenir un discours sur la nécessité de la réduction du temps de travail des enseignants pour aller vers un 18h+3, ce qui passe dans un premier temps par la suppression des APC. Après 36 000 signatures de la pétition, il faut engager la profession dans une mobilisation forte qui peut aller jusqu’au boycott.


Escalade de violences policières

Depuis plusieurs semaines, un peu partout en France, les manifestations contre la loi travail ou les initiatives prises dans le cadre du mouvement Nuit debout donnent lieu à des incidents souvent violents impliquant les forces de police, dans une escalade de la violence, comme en continuité avec le drame de Sivens, ou Notre Dame des Landes. Rien ne justifie les provocations et les débordements auxquels se livrent régulièrement les forces de l’ordre.

Les violences sur les jeunes, l’arrestation de lycéen-nes, de manifestant-es ou de syndicalistes, l’utilisation d’armes qui mutilent et éborgnent, (un jeune manifestant a ainsi perdu un œil à Rennes), le harcèlement permanent de Nuit debout ou les dispositifs disproportionnés et provocateurs sur les manifestations ajoutent aux politiques libérales et austéritaires la violence et l’autoritarisme.