Le récent résultat des élections présidentielles aux USA est venu apporter une démonstration supplémentaire de ce dont ce monde est capable d’accoucher. Donald Trump, milliardaire, lié aux mouvements suprématistes blancs, qui a lors de sa campagne multiplié les prises de positions ouvertement racistes, sexistes, islamophobes va devenir président des Etats-Unis.
Cet événement particulièrement grave et inquiétant démontre qu’une partie importante des classes populaires n’a plus que l’abstention, voire le repli identitaire et xénophobe, pour s’exprimer. Comment pourrait-il en être autrement dans un monde où les politiques néo-libérales, menées depuis plus de 35 ans, quel que soit le parti au pouvoir, ont fait exploser les inégalités de richesses et ont provoqué la crise de 2008 ? Avec partout les mêmes remèdes : austérité, réduction de l’État, concurrence obligatoire. Avec partout les mêmes souffrances pour celles et ceux « d’en bas » et le même sentiment d’abandon. Ces politiques, menées contre les populations, aggravent la crise démocratique et avalisent l’idée d’une « caste » contre les peuples.
Dans ce contexte, la victoire de Trump sonne comme un sérieux avertissement en France où aujourd’hui l’impensable d’une victoire de l’extrême-droite ne peut plus être écarté. Partout la démocratie perd du terrain, au profit des idées et des politiques racistes et sécuritaires : Russie, Turquie, Hongrie en sont des exemples parmi d’autres.
Plus que jamais, les forces syndicales de transformation sociale doivent aller à la reconquête du salariat, le mobiliser contre toutes les politiques libérales mortifères. Elles doivent porter les valeurs de l’anti racisme et du féminisme et promouvoir des alternatives sociales, économiques, démocratiques et écologiques seules à même de stopper net l’avancée des extrêmes-droites et de redonner espoir dans le progrès social.
Les inégalités scolaires et la campagne APC
Ce renforcement des inégalités touche aussi la question scolaire. Le récent rapport du CNESCO rappelle que les inégalités scolaires ont progressé en France ces quinze dernières années et que cela s’est fait au détriment des enfants des classes populaires, qui constituent plus de 50% de nos élèves.
Ce résultat est le fruit d’un sous-investissement structurel dans le service public d’éducation qui se traduit notamment par des effectifs par classe particulièrement élevés au regard des comparaisons internationales. C’est aussi le fruit de politiques éducatives qui, depuis plus de dix ans, ont multiplié les dispositifs se situant à la périphérie de la classe et visant à l’individualisation des parcours scolaires, tout en désinvestissant ce qui se passe en classe. Aide personnalisée, PPRE, stage de remise à niveau et APC dans le premier degré. Aide individualisée, PPRE, accompagnement personnalisé dans le second degré. Près de dix dispositifs différents ont vu le jour ces quinze dernières années pour un seul nouveau dispositif (PMQDC) permettant une prise en charge pendant le temps de classe, alors même que les RASED ont été en partie détruits et que la formation est exsangue.
Pour les enseignant-es, ces choix ont participé à une dégradation de leurs conditions de travail, en multipliant les tâches hors de ce qui fait le cœur du métier. Cette intensification du travail est d’autant plus mal vécue qu’elle est le lieu d’un conflit entre critères du travail bien fait : pour les enseignant-es, travailler pour la réussite des élèves doit se faire pendant le temps de classe, alors que l’institution, en multipliant les contrôles d’activités connexes, fait valoir une conception du métier contradictoire.
Élèves et enseignant-es payent le prix fort de ces choix politiques qui renforcent les inégalités. Porter, dans la période, des alternatives à ces choix est essentiel. Tant pour les personnels que pour les élèves et leurs parents.
C’est pourquoi il nous faut porter le projet du SNUipp-FSU, ce 18h+3, permis par le décrochage des temps élèves et enseignant-es. Il est bien le seul dans la période à permettre de prendre au sérieux la transformation des pratiques de classe pendant le temps de classe pour réaliser la démocratisation du système scolaire, parce qu’il ouvre la possibilité du travail en équipe, de la formation, et répond à la question de l’intensification du travail enseignant.
C’est bien évidemment un travail de longue haleine qui nécessite l’implication pleine et entière de notre syndicat.
Ce travail a, de fait, été amorcé par la campagne APC menée par le SNUipp-FSU. L’engagement des équipes militantes a permis à 38 000 collègues de se déclarer en résistance vis-à-vis des APC. Ce chiffre évolue peu depuis les dernières vacances. Des freins existent : pressions de la hiérarchie, peur des sanctions, refus du ministère de rouvrir des discussions sur les ORS… Mais plus fondamentalement, cette situation témoigne de la nécessité de mener plus profondément les débats sur l’état de notre système éducatif, sur les conséquences des politiques à l’œuvre, et sur les alternatives à ces politiques dont nous sommes porteurs. C’est parce que nous serons en capacité, sur le terrain, de faire le lien entre projet éducatif et revendications sur les conditions de travail que nous pourrons renforcer la mobilisation. Cela sous-tend d’instruire avec la profession le procès des choix éducatifs fondés sur l’individualisation des parcours inscrits dans la logique de l’école du socle. Cela implique de montrer en quoi notre projet pour l’école est à même de redonner du pouvoir d’agir aux enseignant-es. De leur permettre de remettre leur métier à l’endroit, en faisant le choix de ce qui permet réellement d’agir sur les inégalités scolaires.
Faire vivre les alternatives, pour qu’elles soient le fait de toutes et tous.
Le renoncement à la lutte pour l’égalité ne fera jamais partie de notre projet, nous ne nous y résignerons pas !
PPCR, le compte n’y est pas
Il faut rappeler tout d’abord que ces mesures ne mettent pas fin à la situation de déclassement salarial des fonctionnaires. Le micro dégel du point d’indice et la légère revalorisation des grilles ne sont pas une réponse suffisante. Ce sont de premiers résultats suite aux mobilisations des personnels mais ce sont des réponses qui continuent de s’inscrire dans les logiques de réduction de la dépense publique.
Concernant l’évaluation, si le cadrage national des rendez-vous de carrière est un plus par rapport à l’existant, l’accompagnement est porteur de fortes contradictions. En effet, celui-ci peut être décidé par la hiérarchie qui, ensuite, évaluera, ce qui en limite singulièrement la portée. De manière plus générale, le refus du ministère de déconnecter l’évaluation de la carrière est pour nous inacceptable.
Concernant le déroulement de carrière, si le principe d’une carrière complète sur deux grades est une avancée indéniable, l’absence d’automaticité pour l’accès de toutes et tous à la hors classe peut être un obstacle à son effectivité.
Enfin, la classe exceptionnelle, outil managérial destiné à récompenser une élite de « méritant-es », ne peut que rencontrer notre opposition.
Les interventions du SNUipp avec la FSU dans les négociations n’ont pas été sans résultats. Elles ont permis la suppression du bilan professionnel conçu comme une auto évaluation et pensé comme le fondement des rendez-vous de carrière. De même, l’inscription du respect de la répartition hommes-femmes parmi les promu-es a été obtenue.
C’est à partir de ce bilan que le SNUipp-FSU doit apprécier l’ensemble de ces mesures. Et s’il faut certes prendre ce qu’il y a à prendre, il ne faut cependant pas taire que le compte n’y est pas. Et dans ces conditions, refuser de donner quitus au gouvernement.