A la veille du second tour, une grande partie des électeur-trices de gauche comme de droite se sont élevé-es, dans leur protestation, leurs vœux ou leur vote contre l’avènement au pouvoir du FN. « Le Pen, dégage ! » est le mot d’ordre qui s’est imposé, et qui l’a emporté ! Les modalités et actions des un-es et des autres ont été différentes, mais chacun-e s’accorde à dire qu’il ne fallait pas permettre la victoire du pouvoir totalitaire, de la haine et du repli. Mais si cette bataille est gagnée pour notre camp, la guerre se poursuit : le « mal » est toujours là, et plus que jamais virulent avec un socle solide de sympathisant-es FN, et 10,6 millions de voix au soir du 7 mai ! Et ce qui fait le terreau de l’extrême droite, ces politiques libérales et anti sociales sont non seulement ancrées par deux quinquennats de régressions pour les droits sociaux et les libertés, mais seront aggravées par les orientations du président Macron. Président à combattre, sans attendre.
Plus de 12 millions d’abstentions, chiffre record depuis 1969, plus de 4 millions de votes blancs ou nuls et tant de millions de voix « contre » Le Pen dans le vote « pour » Macron ! Macron est mal élu, et il ne l’a pas été par adhésion à son programme ultralibéral. Ses propositions sont déjà combattues tout comme la méthode qu’il compte employer. Gouverner pendant l’été, par ordonnances, c’est mener une guerre contre la démocratie sociale ; l’annoncer ouvertement avant d’être élu, c’est faire preuve de cynisme et de mépris envers celles et ceux qui « jouent » encore le jeu de la démocratie. C’est une véritable provocation à laquelle le mouvement syndical doit répondre.
De gauche, et de droite… Surtout de droite
Les partis traditionnels se sont écroulés, l’extrême droite a maquillé son discours pour le rendre faussement social, les politiques libérales ont été conduites par des gouvernements de droite et de « gauche » : les repères sont brouillés. Les affaires de corruption de tous bords sont venues encore alourdir un contexte qui, pour beaucoup, se solde par un dégoût de la chose politique, et la défiance vis-à-vis de cette forme de démocratie. Pour autant, le score électoral de la gauche antilibérale est un point très positif : il faut y voir une traduction politique de la lutte contre les trahisons du gouvernement Hollande, à commencer par la loi Travail, et donc un encouragement à poursuivre les mobilisations et à rassembler contre les politiques libérales à venir.
Macron se réclame de gauche, et de droite… Indépendamment de la composition de son gouvernement (pas encore connue à l’heure où ces lignes sont écrites), la ligne de sa politique est claire : sur le plan économique, social, éducatif et des libertés publiques, les orientations ultra libérales ne font aucun doute. Au niveau des libertés d’abord, Macron s’inscrit dans la continuité et annonce que l’état d’urgence ne sera pas supprimé. La continuité est de mise dans les orientations qui ont présidé aux réformes du dernier quinquennat, mais il s’agit de continuité…en pire ! Au niveau du droit du travail, il va « assouplir » (sic) la loi Travail au profit des entreprises, et au mépris des droits des travailleur-euses ; idem pour sa réforme de l’assurance chômage pour laquelle il entend supprimer tout paritarisme, et renforcer le contrôle des chômeur-euses. En termes de politique fiscale, les mesures profiteront d’abord aux entreprises et aux plus aisé-es : diminution de l’impôt sur les sociétés, suppression d’une partie de l’ISF (sur les revenus du capital) et augmentation de la CSG. Il prévoit de réformer le système des retraites (rompant avec la logique de solidarité et de salaire continué, renvoyant chaque salarié-e à des choix individuels et instaurant un régime par points comparable aux caisses complémentaires du privé) et d’adopter un régime unique, il s’attaque à la fonction publique (120000 suppressions de postes) et fragilise le statut et la carrière des agents : mérite, individualisation et évaluation sont les maîtres mots de sa conception managériale de gestion des fonctionnaires. Quant à l’éducation, il promeut une autonomie à tout va, à même de dynamiter le cadre national de tout le système éducatif (contenus enseignés, recrutement des enseignant-es…) ; il agite des mesures (12 élèves en CP en REP) derrière lesquelles se cachent le redéploiement des moyens et la suppression de mesures pédagogiques (PDMQDC) portées par la profession, même si elles méritaient d’être améliorées. Il vante l’apprentissage et l’alternance, sans en mesurer le bien fondé et la faisabilité, il réduit le périmètre du Bac mais l’accompagne d’une politique sélective de passage dans le supérieur… Ces premières mesures vont à l’encontre de la démocratisation nécessaire de la réussite scolaire.
Une société en sale état !
Les questions écologiques ont été dramatiquement peu présentes lors de ce deuxième tour, alors qu’il s’agit d’enjeux majeurs, et que les décisions prises au cours de la COP21 , pourtant imparfaites et insuffisantes, sont remises en question par Trump qui menace de sortir de l’accord. Les réfugié-es climatiques sont de plus en plus nombreux-ses, et le capitalisme financier détruit la planète, sans que cela n’entraîne de réaction à la hauteur. Les migrant-es, et plus largement les personnes racisées qui subissent discriminations et violences, n’ont pas non plus occupé une très grande place au cours des débats électoraux, si ce n’est dans les discours haineux de MLP ; propos qui font écho à ceux de Trump ou d’autres dirigeants plus près d’ici, des Erdogan, Orban, Poutine et Assad, de tous ceux qui mènent des guerres meurtrières, soumettent les peuples et construisent des murs, car la xénophobie est un mal répandu… De nombreux actes de solidarité ont lieu pourtant, en France, pour accueillir dignement les migrant-es, et de nombreux-ses militant-es sont l’objet de poursuites pour « délit de solidarité », comme Cédric Herrou, le plus emblématique. D’autres sont poursuivi-es, des manifestant-es lors du mouvement contre la loi Travail, par exemple, ou encore des lycéen-nes qui protestaient contre le viol de Théo L. ou plus récemment, contre la présence du FN au second tour. La criminalisation du mouvement social, la répression policière lors des manifestations et les violences policières doivent être dénoncées et combattues. Elles sont incompatibles avec la démocratie.
Pendant ce temps-là, les difficultés demeurent pour une grande partie de la population : les plans sociaux se poursuivent, à Whirlpool, bien médiatisé pour cause de publicité électoraliste, mais aussi chez Tati, ou encore Total, à Feyzin, pour ne citer que les plus connus. Le chômage progresse toujours, la pauvreté également. La régression annoncée des acquis sociaux et l’affaiblissement des droits des travailleurs-es ne permettront pas le progrès social pourtant indispensable. Pour les salarié-es, la lutte des classes est plus que jamais d’actualité.
Face aux méthodes autoritaires, un mouvement syndical de combat
La loi Travail a été imposée par le gouvernement Valls à coups de 49-3, au mépris d’une opinion publique majoritairement défavorable, et d’une mobilisation intersyndicale importante. E. Macron dit vouloir aller plus loin encore dans la logique de cette loi, et en fait sa première mesure. C’est une agression caractérisée du salariat, c’est une insulte pour toute une partie de l’électorat qui s’est déportée sur lui par défaut ! Cette première agression ne sera pas la dernière : il est urgent que le monde syndical se mette en ordre de bataille pour répondre aux coups à venir.
Dans le camp progressiste qui est le nôtre, de nombreuses voix de gauche se sont exprimées lors du premier tour, elles ne se sont pas évanouies ensuite : ces forces vives existent, il faut les rassembler et construire avec elles un front social et syndical unitaire pour porter une autre projet de société. Les organisations syndicales de lutte et de transformation sociale ont une très lourde tâche : celle de construire un rapport de forces à même d’imposer les alternatives au libéralisme qui sévit actuellement. Pour la FSU, c’est le moment d’agir, avec la CGT, Solidaires, et les organisations (ouvrières ou de jeunesse) qui partagent ces idées, pour porter la voix de tous les pans de la population oublié-es, méprisé-es ou maltraité-es par Macron et consorts. L’intersyndicale qui a mené le mouvement contre la loi Travail est un cadre unitaire propice à de telles luttes, il est urgent de la relancer. Un cadre souple mais régulier de liaison avec nos partenaires permettrait de mettre en place la résistance au libéralisme et en même temps de créer un cadre favorable à la recomposition syndicale, en travaillant régulièrement ensemble. Il nous faut construire un mouvement social de nature à peser sur les politiques en cours, afin de lutter contre les injustices sociales qui font, à très court terme, le lit de l’extrême droite.
Le FN battu le 7 mai, mais loin d’être éradiqué !
Si nous ne sommes pas capables d’inverser l’orientation politique actuelle, la menace et le danger ne disparaîtront pas. Plusieurs batailles sont à mener de front : il faut continuer à déconstruire les idées fausses de l’extrême droite, rassembler nos partenaires syndicaux pour qu’ils s’engagent avec nous résolument dans cette tâche de chaque instant, et communiquer aux salarié-es nos analyses ; il faut poursuivre la lutte contre le racisme dans toutes ses dimensions et contre les discriminations et il faut combattre sans sursis, sans délai de latence, les politiques de Macron qui vont creuser encore les inégalités au sein de la société déjà fracturée, et sont le terreau à terme de l’extrême droite.
La FSU doit alerter sur les menaces qui pèsent sur la fonction publique, notamment les suppressions de postes prévues ; elle doit prendre contact avec l’intersyndicale FP et prévoir de mener des actions unitaires dès que possible pour empêcher la mise à mal des services publics.
La FSU doit se rendre disponible à toute action interprofessionnelle unitaire, le plus rapidement possible, c’est-à-dire à la date susceptible de mobiliser le plus grand nombre de salarié-es et d’opposer aux projets du nouveau gouvernement la résistance qui s’impose. Elle doit prendre des contacts en ce sens auprès des organisations partenaires.