La progression des idées d’extrême droite partout en Europe, la situation en Hongrie, en Autriche et même en Italie marque un recul inquiétant de la démocratie ; Trump de son côté a mené une campagne nationaliste et anti immigrés ; la récente arrivée au pouvoir de Bolsonaro, aux prises de position ouvertement fascistes, fait froid dans le dos… Le dernier baromètre politique (novembre 2018) de Via Voice dresse un tableau en France des plus inquiétants : 57% des français-es pensent qu’ « il faudrait réduire très largement l’immigration en France » et 55% que « l’islam est une menace pour l’identité de la France ». Ici aussi, les idées d’extrême droite progressent et gagnent du terrain. Pourtant, il ne s’agit pas d’une catastrophe « naturelle » ni d’un phénomène inévitable : les politiques néolibérales, avec ce qu’elles impliquent de recul des solidarités et d’aggravation des inégalités sociales, en sont responsables. Ce sont ces politiques qu’il nous faut combattre sans relâche, tout en refusant fermement la moindre concession aux idées d’extrême droite.
Nouvelles têtes, vieilles recettes
Macron a essuyé quelques revers : des démissions en série, et un gouvernement bien en peine pour afficher rapidement une nouvelle composition après remaniement ; des chiffres du chômage en hausse (+ 0,4 %), une opinion publique défavorable (une impopularité qui s’accroît en continu) ; des dissensions internes (par exemple, sur les mesures contre la violence à l’école). Pourtant, l’exécutif poursuit dans sa ligne, une ligne qui profite essentiellement aux plus riches : en 2017, la rémunération des patrons du CAC 40 a augmenté de 14 % !
Depuis son arrivée au pouvoir, Macron multiplie les allègements et les aides en faveur du patronat, et les cadeaux fiscaux envers les plus riches sont toujours plus nombreux, conformément à sa prétendue théorie du « ruissellement ». C’est pour pallier cette absence de recettes qu’il recourt à l’augmentation des taxes les plus injustes, comme celles sur les carburants.
Il prétexte se préoccuper de l’urgence écologique pour mettre en place des taxes qui pénalisent en premier lieu les populations les plus modestes, alors que dans le même temps, il encourage l’exploitation d’énergies fossiles, autorise le forage d’hydrocarbures en Guyane, et qu’il ne consacre que 3 milliards d’euros aux énergies renouvelables. Les mobilisations des dernières semaines sur les questions environnementales ont été bien suivies, elles rendent compte de la prise de conscience de la population et devraient se traduire par des mesures politiques d’envergure : lutte résolue contre l’évasion fiscale, transports gratuits… Au lieu de cela, le gouvernement choisit de taxer la population en s’attaquant une nouvelle fois à son pouvoir d’achat, le tout sur fond de culpabilisation. Les mécontentements grandissent, la journée de mobilisation du 17 novembre contre la hausse du carburant pourrait cristalliser le rejet de la politique à l’œuvre. Cette journée n’a pas été initiée par le mouvement syndical, les motivations des manifestant-es seront sans doute diverses, voire divergentes. Si cette journée se présente massivement suivie, comme une mobilisation en opposition au gouvernement Macron, il est indispensable que le mouvement syndical y soit attentif.
Fin programmée de la fonction publique
Macron poursuit sa quête de réduction des dépenses publiques. Dans cette optique, depuis leur mise en place, les chantiers AP 2022 n’ont de cesse d’égrener des attaques contre la FP. Les récentes annonces de Darmanin sont dramatiques : réduction massive du nombre de fonctionnaires, généralisation du recrutement par contrat (et donc affaiblissement, puis progressivement, disparition du statut), encouragement aux départs et aux reconversions hors de la FP, mobilité forcée, salaires au mérite… La dernière tentative de « liquider » les services publics et leurs agent- es remonte à 2008, mais les mesures incitatives sous Sarkozy n’avaient pas été suivies d’effets. Aujourd’hui, le gouvernement met en place des mesures plus « alléchantes » qui, alliées au management de plus en plus violent et à la dégradation des conditions de travail, risquent de trouver preneur-ses. Signe que le gouvernement est bien décidé à se débarrasser des fonctionnaires. Ces mesures doivent être portées sans attendre à la connaissance du plus grand nombre : à travers la fonction publique, c’est notre modèle social qui est visé ; moins de services publics se traduira par davantage de services marchands et donc plus d’inégalités dans l’accès aux droits. Quant aux agent-es, il est urgent de mener campagne pour les mobiliser contre ces projets.
A côté des suppressions massives de postes, les réformes visent aussi à dégrader en profondeur les services publics : le malaise est grand parmi les personnels hospitaliers (et une partie de la population) mobilisés contre le plan santé et la dégradation de l’accès aux soins, notamment en zones rurales ; les personnels de la justice dénoncent eux aussi leur incapacité à assurer la protection des mineur-es, entre autres. Aucun secteur n’est épargné.
École de la confiance ?
Dans l’éducation, les attaques sont très graves en ce qui concerne les suppressions de postes, les réformes qui touchent les lycées et Parcoursup. Elles ont justifié la grève du 12 novembre. Blanquer a fait connaître le contenu du projet de loi « pour une école de la confiance », et les mesures qu’il préconise ajoutent encore à la dégradation de la situation : l’obligation de scolarisation des enfants dès 3 ans va profiter avant tout aux écoles privées car cette mesure va assurer leur financement ; le développement de l’expérimentation va estomper encore davantage le cadre national et donner lieu à de multiples déréglementations, dont la possibilité d’annualiser le service des enseignant-es ; la suppression du CNESCO, conseil indépendant qui permettait un bilan réflexif sur les effets des politiques éducatives donnera lieu à la création d’un conseil à la main de Blanquer… La réforme de la formation des enseignant-es vise à orienter l’essentiel de la formation vers le compagnonnage, en mettant les enseignant-es davantage en conformité avec « les valeurs de la République ». Les AED qui se destinent à la profession seront utilisé-es comme moyens d’enseignement, ce qui permet à Blanquer de donner l’illusion de « prérecrutements » et de créer un vivier d’enseignant-es précaires – ce qui, par ailleurs, répond à la volonté de Darmanin d’en finir avec le statut.
Alors que nombre de personnels sont en souffrance dans les établissements, par manque de moyens humains suffisants, manque de formation, manque de reconnaissance voire mépris de la part de l’institution, les incidents graves survenus à la veille des congés d’automne ont donné lieu à des mesures uniquement sécuritaires : Blanquer annonce la présence de policier-es au sein de l’école, il a même nommé un ancien gendarme proviseur adjoint au Lycée Utrillo de Stains, annonce qui a déclenché la grève des enseignant-es du lycée. Loin de donner des moyens aux populations les plus fragiles, et d’assurer la démocratisation du système scolaire, cette école est celle de la sélection et de la défiance, il faut continuer à en dénoncer l’orientation auprès de nos collègues et des parents d’élèves.
Campagnes d’opinion, résistances, luttes à mener
Face à la gravité des attaques, il est de la responsabilité syndicale de mener les luttes et de construire un mouvement social de nature à peser sur les politiques en cours et imposer des alternatives. Or, la séquence qui vient de se terminer n’est pas satisfaisante pour le syndicalisme de lutte et de transformation sociale dont nous nous réclamons : la séquence autour de l’appel interpro du 9 octobre et de l’appel éducation du 12 novembre (mise en concurrence des deux dates, appels distincts pour le 12 et signature de la FSU du seul appel avec CFDT et UNSA) ne doit plus se reproduire. Il est indispensable que la FSU reste impliquée dans les luttes interprofessionnelles comme sectorielles, et qu’elle cherche à les construire avec les partenaires de transformation sociale et ceux qui s’y reconnaissent.
Les combats citoyens qui correspondent à la défense de nos valeurs contribuent à mener campagne afin de faire valoir les alternatives au libéralisme, et à empêcher l’arrivée de forces d’extrême droite au pouvoir : il est de la responsabilité syndicale de les mener et de s’y engager. L’union européenne mène des politiques migratoires scandaleuses, et la France prend largement sa part dans le traitement indigne qui est fait aux migrant-es. Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a annoncé devant l’Assemblée nationale que les expulsions d’étranger-es en situation irrégulière avaient augmenté de 20 % cette année. Heureusement, les solidarités sont nombreuses et la résistance existe : à côté des actes citoyens (à la Roya, sur l’Aquarius,…), des tribunes et appels, dont le manifeste pour l’accueil, le Serment du 104, et l’appel à manifestation pour la Journée internationale des migrants le 18 décembre prochain, sont publiés pour peser sur l’action du gouvernement et infléchir sa politique. Il est indispensable que la FSU s’engage et signe ces textes qui, pour l’essentiel, sont en conformité avec ses valeurs et ses mandats. Sur le terrain de l’antiracisme, les journées du 30 novembre et du 1er décembre organisées par le Collectif Rosa Parks tentent pour la première fois de rendre visibles les discriminations sur les lieux de travail. Des structures syndicales locales et nationales (Solidaires) ont posé des préavis de grève en ce sens. La FSU doit soutenir cette initiative.
Les questions féministes rencontrent aujourd’hui un écho important : la fédération s’y inscrit comme dans toutes les luttes contre les discriminations. Indépendamment de la signature ou non du protocole gouvernemental sur le sujet, (car le contexte politique pèse, comme il est écrit plus haut), la question de l’égalité femmes/hommes ne sera pas réglée par un protocole. C’est pourquoi la FSU fera en sorte que la journée du 24 novembre soit l’occasion d’une mobilisation massive sur le territoire et qu’elle s’inscrira dans la suite des mobilisations, notamment le 8 mars.
Le 8 septembre dernier a vu, pour la 1ière fois en France, une forte mobilisation contre le dérèglement climatique avec 150 000 manifestant-es dans 80 villes. Celle-ci a bénéficié, après un été marqué par la multiplication d’événements climatiques graves, de l’émotion suscitée par la démission de Nicolas Hulot. Mais la réplique du 13 octobre est le signe d’un possible enracinement et d’une inscription dans la durée. Ce mouvement se construit autour d’un constat partagé : l’urgence climatique est un fait. Les changements climatiques ne sont pas un problème pour de lointaines générations futures, c’est un problème de l’ici et maintenant. La prise en compte de l’urgence et du caractère systémique doit conduire le mouvement à entériner que lutter contre le dérèglement climatique n’est pas soluble dans le libéralisme. D’autre part, le mouvement doit intégrer la question des inégalités environnementales, de l’articulation nécessaire entre question sociale et environnementale. Le mouvement syndical, pour l’heure absent de cette dynamique, doit s’en rapprocher en soutenant les prochaines marches, notamment le 8 décembre prochain, apportant ses analyses sur les liens à tisser avec les questions d’emploi et de travail
La mobilisation programmée le 17 novembre, initiée par des individus, a très vite été victime d’une tentative de récupération par des forces d’extrême droite, et des membres du patronat, qui défendent des positions opposées à nos valeurs. Pour autant, les salarié-es mobilisé-es ce jour-là vont exprimer une colère légitime : fondée sur un ressenti très fort d’injustice envers une taxe qui aggrave les inégalités territoriales, sociales et qui ne sert pas à construire les alternatives (transports, relocalisation des lieux de vie et de travail…). Cette colère ne doit pas être instrumentalisée par des forces réactionnaires.
Pour ce faire, le mouvement syndical doit prendre une initiative en lien avec le mouvement social sur ces questions : c’est en articulant la transition écologique avec la question de la justice sociale, des salaires et celle de l’emploi, en rappelant l’importance des SP et donc de l’impôt, mais en s’opposant aux taxes indirectes et en dénonçant l’imposture du prétexte écologique dont se pare le gouvernement qu’il faut rassembler pour renforcer ainsi l’opposition à la politique de Macron.
Les attaques dans la FP sont gravissimes et le gouvernement entend graver dans une loi annoncée courant premier semestre 2019 des régressions majeures : il y a urgence ! La fédération doit alerter les agent-es, mener campagne en multipliant les actions de nature à alerter l’opinion et associer les usager-es : colloque sur l’avenir des SP, collectifs pour la défense des SP… La mobilisation est urgente et indispensable sur ce dossier, en intersyndicale, de la façon la plus unitaire possible, mais le cas échéant, avec toutes les organisations qui le veulent.
Dans l’éducation, les problèmes sont nombreux et nécessitent que la mobilisation se poursuive au-delà du 12 novembre : déjà en cours dans les ESPE contre le projet de réforme de la FDE, contre Parcoursup, contre la loi ORE , la résistance doit s’intensifier pour faire obstacle aux réformes des lycées, à la réforme du Bac et pour lutter contre le projet de loi Blanquer. Il faut appeler tous les personnels, de l’école à l’université, à s’inscrire dans un plan d’action qui permette un rapport de forces de nature à contrer les projets ministériels.
Le projet de réforme des retraites ne fait plus totalement mystère : sous couvert de simplification et d’équité, nous savons que ce projet va supprimer les régimes des fonctionnaires et les régimes spéciaux, entraîner une dégradation pour des pans entiers de la population, qu’il va pénaliser les femmes, les carrières non linéaires, celles et ceux qui ont cumulé les CDD ou les temps partiels… Enfin, un tel projet remet en cause tous les mécanismes de solidarité et de redistribution : salarié-es du public comme du privé sont pareillement concerné-es. C’est donc une réforme à combattre résolument. Les retraité-es actuel-les ne s’y sont d’ailleurs pas trompé-es qui se sont mobilisé-es en nombre les 3, 9 et 18 octobre contre les attaques qu’ils-elles subissent et qui préfigurent ce que sera la réforme. Dans le même sens, la FSU doit participer à toute réunion intersyndicale pour envisager une mobilisation interprofessionnelle d’ampleur dans les meilleurs délais.
Dans l’immédiat, il est vital de réussir les élections professionnelles : tou-tes les militant-es sont investi-es dans cet objectif. En obtenant une représentativité à la hauteur, la fédération sera légitimée dans son travail auprès des personnels, elle sera également confortée pour mener à bien son projet syndical étroitement lié à la transformation sociale.