Depuis sa création, la FSU décide de ses mandats avec une règle particulière : une majorité qualifiée de 70 % de votants en « pour ».
Il s’agit de faire que le mandat décidé soit partagé par le plus grand nombre et mis en application dans les mêmes conditions.
La tendance U&A veut modifier cette règle pour des « votes binaires » (oui/non), comme ceux que l’on peut avoir désormais en conclusion de phases de négociations avec le gouvernement ou les administrations dans le cadre de la Fonction publique.
Au vu de l’importance de cette question, nous avons fait part, dans la fédération, de notre appréciation sur cette proposition de modifications statutaire par le biais d’une « lettre ouverte aux militant-es U&A »,
publiée au mois de juin dernier.
Nous la publions ici afin qu’elle donne des arguments pour les congrès départementaux.
Nos dispositions statutaires ont été adoptées à 95 % des voix lors du congrès fondateur de la FSU en mars 1994 à Macon.
Cette adoption largement « consensuelle » a suivi 15 mois de travaux associant tous les membres fondateurs de la FSU, alternant longues séances de groupes de travail, séminaires de réflexion, plusieurs CDFN, des allers et retours avec les SN, une consultation des syndiqué-es, avec des débats parfois vifs, des réécritures, mais une volonté d’aboutir avec tout le monde.
Dans une fédération qui se veut pluraliste (au sens où peuvent y cohabiter des orientations syndicales différentes), la question de l’accord le plus large à rechercher pour la définition des mandats à appliquer est déterminante.
Un pluralisme vivant, ce n’est pas seulement la coexistence de points de vue différents dans un même cadre syndical, c’est une réelle prise en compte de ceux-ci.
C’est donc, dans l’organisation syndicale, une pratique qui recherche des synthèses (même si ce terme n’est pas utilisé dans nos statuts…) et qui ne considère pas d’emblée qu’elles sont impossibles. Dans un paysage syndical divisé, ne resteront syndiqués que ceux qui se sentent pris en compte dans leur organisation.
Cela doit donc se traduire par la recherche de mandats syndicaux les plus partagés possible, pour une raison d’efficacité immédiate : qui peut croire qu’un sera source de mobilisations de masse importantes ?
Alors que les orientations dans un même cadre syndical peuvent être diverses (et ne pas relever des seules tendances instituées) – et le seront d’autant plus que le syndicat est un syndicat de masse, donc pluraliste dans sa composition – le mandatement doit pouvoir rassembler largement, condition sine qua non d’une efficacité quelconque.
C’est le sens du passage de l’article 2 de nos statuts qui dit :
« La Fédération donne la primauté au dialogue et à l’écoute mutuelle, associe l’ensemble des syndiqués au débat et à la vie de la Fédération, respecte les diversités.
Elle a en permanence le souci de débattre avec l’ensemble des personnels. Ainsi elle favorise l’émergence d’un véritable point de vue fédéral dans lequel chacun peut se reconnaître, dégageant l’unité profonde des aspirations des personnels, affirmant les solidarités. »
On constatera, sur la base de la pratique syndicale concrète, que l’immense majorité de nos décisions (dont quasiment toutes les délibérations de BDFN, tous les textes actions des CDFN, les thèmes des congrès nationaux…) se sont prises avec des majorité allant au delà des 90 %.
Pour autant, dès notre fondation, chacun s’accordait à considérer que cette recherche de synthèse, si elle devait être la plus large, n’était pas forcément « totale » et n’était pas non plus possible sur toutes les questions (il y avait déjà des appréciations « à caractère binaire » à donner, comme des accords avec le gouvernement, nous en avons relevé 9 sur les 14 présentés, qui ont été signés par la FSU depuis 1996…).
Elle justifiait l’introduction du principe d’une majorité qualifiée fixant un plancher minimal à atteindre pour définir un mandat « majoritaire ». Et, la préférence ne se porta pas sur 50 %, ni 60 % mais 70 %…
Ce choix de tous les fondateurs a été appliqué depuis 23 ans à tous les échelons de décision de notre fédération, avec quelques moments de tension qui ont toujours été surmontés collectivement.
Il trouve sa justification dans « l’esprit de la recherche de synthèse », différent d’une forme de consensus global (pratiqué dans certain organisme), obligeant la tendance majoritaire (dont la représentations ne doit pas dépasser les 50 %+1 : « une seule tendance ne peut cependant à elle seule disposer de plus de la moitié plus un des sièges ») à rechercher des formes d’accords afin de donner des mandats à la fédération qui s’appuient sur quelque chose de plus large que sa seule « majorité »…
C’était toujours la même volonté de tourner le dos aux règles majorité/minorités qui avaient sclérosé et dévitalisé une FEN bureaucratisée.
La FSU, c’est soit la synthèse la plus large, soit à minima un accord à 70 %, et ce pour toutes les décisions. Soulignons d’ailleurs que le seuil des 70 % est accentué par la comptabilisation des abstentions dans les exprimés pris en compte, montrant une volonté de pousser à la construction de mandats s’appuyant sur une majorité qualifiée portée par un socle positif de convictions…et de mises en application.
Nous partageons ensemble la caractérisation générale de la FSU comme relevant d’un syndicalisme de masse, unitaire, pluraliste et démocratique.
Cela constitue un tout. Il n’est de masse que s’il est unitaire ; il ne peut être unitaire que si la diversité des points de vue traversant le milieu s’y retrouve ; cette diversité n’est possible que si les règles de vie du syndicat la reconnaissent.
C’est sur ces bases que nous avons construit ensemble notre fédération depuis 23 ans, malgré les désaccords d’orientation que nous avons pu avoir. Il en est de même pour les autres composantes, même si le degré d’implication dans le suivi des décisions n’est pas forcément identique.
Nous, l’EE, l’avons fait parce que nous croyons au syndicalisme unitaire et pluraliste, parce que nous croyons à l’efficacité syndicale de la recherche de synthèses, parce que nous pouvions nous retrouver dans les mandats décidés en commun, parce que nous étions associés à leur mise en œuvre sans perdre notre droit à la critique.
Vous souhaiteriez revenir aujourd’hui sur cette règle des 70 % pour des cas que vous qualifiez de « circonstanciés » relevant d’une situation que vous jugez « nouvelle » : la décision de signature ou pas d’un accord FP avec le gouvernement.
Vous prenez appui sur 2 cas où cette signature a été refusée par le BDFN (notons qu’un des 2 accords date d’avant le précédent congrès national…).
Vous estimez qu’en de tels cas, la recherche d’un mandat de synthèse est impossible et qu’ « une minorité de la fédération a un pouvoir de blocage » face « à une majorité de la fédération ».
C’est à ce titre que vous envisageriez de proposer, pour ces accords qui pourtant sont d’une grande importance politique, et relèvent donc tout autant de l’orientation de la fédération que les décisions sur les actions, une majorité qualifiée de seulement 50 %.
Nous estimons que, si tel était le cas, vous vous engageriez dans une voie qui va beaucoup plus loin que ce que vous pouvez avancer.
Car vos arguments sur ce cas « circonstancié » iraient à l’encontre de ce qu’était jusqu’à maintenant l’esprit dans lequel nous élaborions nos mandats.
Affirmer la synthèse impossible, c’est renoncer par avance à chercher à construire une large majorité sur la base d’une conviction à faire partager quant au bienfait d’un accord. Établir à priori un périmètre majoritaire basé sur le nombre de syndiqué-es, c’est revenir sur un acquis fondamental de la FSU où les « gros SN » n’imposent pas leurs choix aux plus « petits » (d’ailleurs, vous semblez également étudier la possibilité de revoir les différentes représentations au BDFN…).
Glisser vers une petite majorité qualifiée, c’est considérer que votre tendance pourrait décider seule à partir de sa représentation dans les instances (où elle a 50 %+1 de sièges).
Estimer qu’un vote qui fait entre 50 et 69,9 %, conduisant à une non adoption, représente, dans tous les cas, un blocage insupportable d’une minorité « illégitime » (laquelle d’ailleurs ?), ce serait instaurer un fait « majoritaire » d’un type nouveau dans la FSU (disons plutôt un grand retour en arrière vers quelque chose que nous avions tous refusé…).
Que vous envisagiez aujourd’hui de revenir sur des dispositions qui sont centrales et emblématiques de ce qu’a été la FSU jusqu’à aujourd’hui, sur la base d’une simple discussion/décision au sein de la tendance majoritaire, est quelque chose qui nous paraît totalement déraisonnable, et là encore, en rupture complète avec notre tradition de discussion sur nos règles de fonctionnement.
Cela marquerait une volonté d’imposer vos choix aux autres composantes de la fédération à l’heure où nous aurions besoin, au contraire, de réfléchir tous ensemble, au lendemain de nos difficultés aux élections professionnelles, sur les décisions à débattre et adopter pour redonner un nouveau souffle à la FSU.
Il nous semble que c’est dans cette voie qu’il faut s’engager, à la fois sur le fond des questions revendicatives (les thèmes du congrès) mais aussi sur nos problèmes de fonctionnement, plutôt que d’ouvrir un chantier statutaire qui sera source de profondes crispations.
Nous sommes ouverts à une réflexion qui, sans toucher à nos fondements statutaires, examinerait le cas particulier de la prise de décision quant à une signature avec le gouvernement, et ce, non pas dans un esprit réduisant la part de ceux à convaincre mais, au contraire, travaillerait aux conditions d’une conviction la plus large. ●
Recevez nos meilleures salutations
syndicales émancipées…
Les élu-es Ecole émancipée du BDFN.