L’Union syndicale Solidaires a tenu son 5e congrès national du 6 au 10 juin à Villefranche sur Saône. Nous avons demandé à Annick Coupé, réélue porte-parole de Solidaires, de nous livrer,
à chaud, un premier bilan… La déclaration finale sur les questions internationales,
fort intéressante, est sur leur site : http://www.solidaires.org/article36557.html
Ecole Emancipée : Le 5e congrès national de Solidaires a permis de faire le point sur votre développement ?
Annick Coupé : Depuis juin 2008, date du 4e congrès, l’Union syndicale Solidaires s’est nettement développée. Nous avons franchi la barre des 100 000 adhérent-es, soit une progression de 15 000 en trois ans. La moitié d’entre eux relèvent d’un statut de droit privé, ce qui confirme notre construction dans le secteur privé. La construction de Solidaires était à l’origine très tournée vers la fonction publique, elle est aujourd’hui réellement interprofessionnelle. Solidaires regroupe aujourd’hui 51 organisations professionnelles nationales ; les structures départementales interprofessionnelles (les Solidaires locaux) sont présentes dans quasiment tous les départements, même s’il reste des différences importantes dans leur niveau de fonctionnement et de développement. Ces trois années ont aussi permis une progression non négligeable aux élections prud’homales de décembre 2008 : alors que nous avons présenté des listes dans seulement 60 % des tribunaux, nous sommes passés nationalement de 1,51 % (en 2002) à 3,82 %. Dans l’ensemble de la Fonction publique, Solidaires pèse 7 %, soit 9,6 % dans la FP de l’Etat, 9 % dans la FP Hospitalière et 3 % dans la FP Territoriale. Nous avons obtenu notre place dans le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et dans les CESER : même s’il nous a fallu pour cela faire un recours en conseil d’Etat !
Au-delà de ces chiffres, il me semble que nous avons acquis une plus grande visibilité dans les luttes et mobilisations qui ont émaillé ces trois années. Nous avons imposé Solidaires comme une force, certes encore limitée mais incontournable quand même, dans le paysage syndical français. Cette idée a été largement partagée dans les débats du congrès.
EE : Quels étaient les grands enjeux de ce congrès ?
A.C. : Nous avons eu un débat sur les réponses économiques à apporter face à la crise, face au pouvoir des multinationales : faut-il mettre en avant des mesures protectionnistes ou au contraire travailler à la construction des solidarités et à des mobilisations qui dépassent le champ national ? Le débat a écarté les orientations protectionnistes.
Le débat sur le financement de la dépendance a laissé ouvert la question de l’élargissement de l’assiette des prélèvements, avec un point d’accord fondamental : nous refusons le recours aux assurances privées et exigeons que la dépendance soit prise en charge à 100 % dans le cadre de la Sécurité sociale !
Nous avons abordé les enjeux écologiques et leur articulation avec les enjeux sociaux. Le débat sur le nucléaire a permis une prise de position consensuelle exigeant une décision politique immédiate de sortie du nucléaire.
Sur les questions de développement syndical, nous avons eu plusieurs débats :
– La question de l’organisation des chômeurs et des précaires au sein de Solidaires .
– La structuration nationale, en union ou fédération, dans le s4cteur privé.
– Enfin, nous sommes confrontés aux questions de renouvellement : plusieurs camarades du secrétariat national quittent leur fonction à ce congrès, ce sera également le cas en 2014. Il est donc nécessaire que les fédérations ou syndicats nationaux se préoccupent de cette question. Il s’agit de renforcer notre capacité de travail national et de passer le relais à de nouvelles générations !
Ce congrès a confirmé une grande homogénéité de Solidaires : les commissions de travail durant le congrès ont permis sur quasi tous les points en débat de trouver des synthèses validées très largement ensuite en séance plénière.
La présence de nombreux invités internationaux a confirmé l’importance de l’engagement internationaliste de Solidaires . Les représentants-es des syndicats d’Egypte, de Tunisie et d’Algérie ont été particulièrement ovationnés !
EE : Comment abordez-vous la question de l’unité syndicale après le mouvement des retraites ?
A.C. : L’intersyndicale nationale a été un outil indispensable dans les mobilisations interprofessionnelles, que ce soit au début de l’année 2009 ou pendant le conflit sur les retraites en 2010. Cette dynamique unitaire a redonné du crédit au syndicalisme. Mais cette unité n’a pas empêché que s’expriment des divergences plus ou moins importantes, tant sur les positions revendicatives que sur les questions de stratégie d’action.
Dans ce cadre, Solidaires a défendu ses idées pour peser sur les prises de positions de l’intersyndicale… avec le poids que représente Solidaires dans le paysage syndical national ! Nous avons été amenés à ne pas signer certaines déclarations de l’intersyndicale pendant le conflit des retraites, à des moments où il nous semblait que la position de l’intersyndicale nationale était en retrait par rapport aux possibilités ouvertes par la mobilisation, voire pouvait apparaître comme un frein. Nous l’avons fait en lien avec la dynamique de mobilisation et non pas par volonté de nous différencier à tout prix.
Malgré ces contradictions, nous restons persuadés que l’unité est un ressort indispensable aux mobilisations. Cette unité doit se travailler à tous les niveaux pour être efficace : dans les secteurs professionnels, dans les entreprises, dans les villes et départements. Nous savons aussi que des débats existent dans les rangs d’autres organisations syndicales, que Solidaires ne détient pas le monopole du syndicalisme combatif et que nous avons tout à gagner à débattre sans sectarisme avec tous ces militant-es !
EE : Quelle place y ont les rapports avec la FSU ?
A.C. : Pendant le mouvement sur les retraites, nous avons constaté des points de vue assez convergents avec la FSU dans l’intersyndicale, notamment sur le rythme des mobilisations. Il est regrettable que nous n’ayons pas pu discuter régulièrement de stratégie et de prise de position commune nous permettant de peser davantage ensemble sur les orientations majoritaires de l’intersyndicale.
Avec la FSU, nous avons eu des rencontres régulières et formalisées : trois colloques sur des enjeux interprofessionnels. Ces journées ont rassemblé entre 200 et 300 militant-es et donné lieu à des publications communes. Si tout le monde s’accorde à souligner la qualité des débats et l’enrichissement mutuel de ces rencontres, elles n’irriguent pas assez l’ensemble de nos structures respectives et il faudrait voir dans l’avenir comment les décentraliser et les élargir à d’autres organisations. La FSU, de son côté, a des initiatives du même type avec la CGT : ce serait sans nul doute plus intéressant d’avoir un cadre de débat avec nos trois organisations !
Enfin, nous avons regretté le refus de la FSU de constituer un groupe, avec la Confédération paysanne et Solidaires au CESE : cela aurait donné un peu plus de poids à chacune de nos organisations.
Il nous semble que toutes ces questions sont à reprendre dans l’avenir : nous y sommes prêts pour notre part ! ●