Le congrès national du SNUipp-FSU, qui fêtait ses 30 ans, s’est tenu à Mulhouse du 13 au 17 juin 2022. Pris dans l’entre-deux-tours des élections législatives, ce congrès a été celui du bilan de cinq ans de démantèlement du système scolaire mené par Blanquer et Macron, aggravé par les effets de la crise sanitaire. Au vu du timing électoral, il a été question, notamment dans le texte action, de l’appréciation du remplacement de Blanquer par Pap Ndiaye et de la feuille de route présidentielle pour la mandature à venir.
Après des attaques répétées et une succession de régressions, après la sape du paritarisme qui structurait le syndicalisme dans la fonction publique, en particulier le syndicalisme enseignant, l’enjeu de fond était le renforcement de notre outil syndical et le renouvellement de ses pratiques militantes. Renforcement nécessaire pour enclencher les dynamiques pour gagner en s’appuyant sur celles, dans ses contenus comme dans sa structuration, du mouvement social (climat, féminisme, luttes antiracistes, gilets jaunes…), de l’éducation populaire et des mouvements pédagogiques, ainsi que sur les forces de la gauche politique. Et donc construire les mandats qui correspondent à cet impératif.
La politique de Blanquer a contribué à une plus grande homogénéité dans la caractérisation et le rejet des politiques menées. Néanmoins rien n’était acquis tant dans l’appréciation des « victoires » que dans les possibilités de mettre des coups d’arrêt francs à ces politiques ségrégatives scolairement et socialement, constitutives d’une école de classe.
Mettre notre syndicat en mouvement
Sur bien des points, la FSU-SNUipp s’est dotée de mandats de construction d’une école de l’exigence intellectuelle, du toutes et tous capables et respectueuse des personnels qui la font vivre. Sont ainsi inscrits dans ses mandats la référence aux programmes de 2015 dont la défense renforce une maternelle conçue comme une école première dont la spécificité doit être sauvegardée, l’importance d’une culture scolaire commune à l’opposé d’un resserrement sur les savoirs dit « fondamentaux » et l’exigence d’une professionnalité enseignante et d’une formation de qualité pour lutter au mieux contre les déterminismes sociaux. La FSU-SNUipp réaffirme en outre que c’est le collectif de travail qui doit être au cœur du fonctionnement de l’école et s’oppose fermement à l’installation de toute forme de hiérarchie en son sein. Elle fait par ailleurs de la prise en charge des controverses du métier un outil de reconquête du terrain et de renouvellement des pratiques militantes.
Pour les personnels, la FSU-SNUipp s’est prononcée pour un renforcement de leurs droits dans une période où le ministère individualise de plus en plus la gestion des carrières. Concernant la rémunération, au-delà de débats sur la place de l’indiciaire, nous avons renforcé nos mandats par l’ajout de l’augmentation des grilles de 100 points d’indice, au-delà du mandat fédéral de 70 points, en plus de l’augmentation de la valeur du point d’indice, son indexation sur l’inflation… Nous avons par ailleurs étoffé nos mandats en faveur des AESH (salaire, statut, carrière, mobilité) et pris position sans équivoque pour leur titularisation dans un corps de catégorie B.
Le congrès s’est aussi interrogé sur les évolutions syndicales, sociales et politiques. Ainsi, le traitement des discriminations, qu’elles soient sexistes, racistes ou islamophobes, a été réaffirmé comme central, notamment la lutte contre l’extrême droite et la propagation de ses idées. La FSU-SNUipp a aussi intégré/renforcé des évolutions dans son expression (usage du iel, islamophobie…).
L’urgence écologique a été questionnée. Car au-delà des nécessaires évolutions de pratiques syndicales moins énergivores et des nécessaires revendications écologiques à porter (bâti scolaire, transports…), les pistes pour en faire un enjeu syndical à part entière commencent à être esquissées.
Enfin la question de la réunification syndicale et des rapports aux mouvements sociaux a bien sûr été à l’ordre du jour. Sans nier les difficultés concrètes, l’urgence à construire un cadre commun a été rappelée. Le SNUipp-FSU a, dans le sens du renforcement du fédéralisme, acté une transformation de nom en FSU-SNUipp.
Tout ceci se retrouve dans un texte action offensif. Ce dernier s’appuie sur les analyses déclinées dans le Livre blanc de la FSU-SNUipp et sur son plan d’urgence pour l’école. Recrutement de personnels, augmentation salariale et réaffirmation du pouvoir d’agir enseignant seront au cœur de la rentrée syndicale.
Le poids certain de l’ÉÉ
Le premier des constats à tirer est le rôle important qu’a tenu l’ÉÉ lors de ce congrès, des idées qu’elle a portées des écritures initiales aux textes adoptés.
La dynamique du congrès, moment le plus horizontal de notre syndicalisme où le poids des adhérent·es est renforcé, a permis de consolider un profil offensif, proche de ce que porte l’ÉÉ. Cela s’est traduit dans le processus d’intégration des amendements, comme lors des votes en plénière.
Ce n’est pas le fait du hasard et cela tient surtout au travail de l’ÉÉ tout au long du mandat précédant le congrès. Dans les débats, la qualité des argumentaires développés, tant de la part des camarades des sections départementales que de l’équipe nationale, a permis d’emporter la conviction des congressistes sur une majorité de questions, toujours dans le souci et le respect de la synthèse. Ces argumentaires sont le fruit des temps d’échanges dans les réunions de tendance, stages ou collèges. Cet attachement à des débats les plus horizontaux possibles, menés de façon dialectique entre le réel ancré sur le terrain et les nécessités profondes de la conjoncture, fonde notre réflexion collective. Cela permet de politiser les questions et d’affiner notre analyse et notre réflexion stratégique.
C’est aussi la conséquence d’une conception syndicale qui repose à la fois sur l’affirmation d’appréciations politiques marquées et régulièrement interrogées, sur un réel projet syndical offensif et à vocation majoritaire, ayant le souci du commun, de l’outil de masse utile à la fois à tous les personnels et à la transformation écologique et sociale. Conception syndicale dans laquelle la synthèse est une cheville ouvrière.
Maintenir la synthèse dans son esprit
Cette volonté d’assumer, pour l’ÉÉ, ses positions, s’est cristallisé sur certains points du fait de la volonté, très minoritaire dans ce congrès, de répondre aux difficultés objectives à contrer les politiques à l’oeuvre par une survalorisation des petites victoires dans l’attente d’un hypothétique changement politique. Cette orientation porte le risque d’affaiblir la compréhension de la situation et l’indispensable réflexion sur la transformation de l’outil syndical. La volonté de faire de ces éléments des marqueurs politiques, plutôt que des contributions aux débats dans l’objectif d’arriver à une synthèse partagée à l’aune d’une analyse commune, a amené à des points de crispation. Néanmoins, la synthèse, exercice démocratique exigeant, souffrant des volontés de blocages ou des fonctionnements verticaux, reste fondamentale.
C’est dès lors tout l’enjeu de continuer à débattre avec l’ensemble des camarades pour convaincre et éviter de voir se constituer une logique de blocs, surtout à un moment où des camarades se revendiquent hors tendances et ne voient pas toujours la nécessité de la synthèse. Cela est d’autant plus important car cet ADN est partagé au sein de la fédération et que la FSU-SNUipp doit y œuvrer, comme elle l’a toujours fait.
Vers plus d’horizontalité
Cette pratique de la synthèse, couplée à la volonté de d’approfondir les débats de façon plus horizontale, nécessiterait, du point de vue de l’École émancipée, une réflexion questionnant le fonctionnement des congrès : augmenter le temps entre la tenue des congrès départementaux et du congrès national pour permettre un meilleur travail d’intégration des amendements, réorganiser l’ordre du jour du congrès pour améliorer qualitativement les temps de débats, aller peut-être jusqu’à repenser l’organisation des thèmes entre eux, voire l’organisation en thèmes… Les pistes doivent être réfléchies dès maintenant pour gagner en débats et confrontations. Et donc au profit de la synthèse.
Le format du congrès empêche que des points nécessitant des discussions plus poussées – inclusion, recomposition et renouveau syndical… – soient traités jusqu’au bout. Le vote à 100 % de l’ensemble des thèmes laisse des questions en suspens qu’il nous appartient de traiter dans les mois qui viennent. Pour repenser les modes d’organisation de nos congrès et conseils nationaux, il faudra inventer des temps intermédiaires, rassemblant les militant·es, pour organiser les discussions nécessitant une meilleure élaboration des mandats portés par la FSU-SNUipp.
Pour l’École émancipée, ce sont à la fois des enjeux démocratiques comme d’expertise qui se jouent. Et cela nécessitera aussi de mener les débats au sein de la tendance à tous les niveaux.
Enfin, le secrétariat général a changé avec l’arrivée de Blandine Turki à la place d’Arnaud Malaisé pour l’ÉÉ.
Face aux crises climatiques, démocratiques et sociales, à la montée de l’extrême droite, repenser l’outil syndical, son lien à la profession, son articulation avec les autres forces du mouvement social est un enjeu majeur. Ce sont ces sujets qu’il nous faut mettre au centre de la réflexion syndicale. Tout cela ne peut s’envisager qu’avec une mise en mouvement de notre camp pris dans l’étau de l’extrême droite et de l’extrême libéralisme.
L’École émancipée continuera à y prendre toute sa part comme elle l’a montré lors de ce congrès national. Et elle espère convaincre largement de la justesse de cette orientation en progressant lors du vote interne des syndiqué·es qu’organisera la FSU-SNUipp en début d’année 2023. ●
L’équipe nationale École émancipée de la FSU-SNUipp