La vie du SNUipp-FSU a été marquée depuis ses débuts par les mouvements sociaux. Dès sa naissance, la manifestation monstre du 16 janvier 1994 pour la défense de l’école publique, le mouvement sur les retraites de 1995, celui de 2003, sans parler de la lutte contre le CPE ou encore celui de 2010 pour les retraites ont marqué son évolution. Mais ce congrès, qui s’est déroulé du 7 au 10 juin, restera comme le premier à se tenir en plein mouvement social – contre la loi El Khomri en l’occurrence.
Après l’évocation d’Émile Pouget, ruthénois d’origine et grande figure des débuts du syndicalisme, Valérie Tavernier, secrétaire départementale de la section aveyronnaise, a d’emblée mis le congrès sur les rails de la combativité dans un discours d’accueil particulièrement apprécié des congressistes. « La période peut paraître complexe, les perspectives compliquées, mais nous en sortirons gagnant-es et galvanisé-es et nous continuerons à être sur tous les fronts pour imposer le partage des richesses et limiter la puissance patronale avec toutes celles et ceux qui, quel que soit le gouvernement en place, ont les mêmes orientations que nous.
Avec celles et ceux qui font le constat que cela fait bien longtemps que notre gouvernement a abandonné toute volonté de mener une politique de gauche, au service du peuple. Un gouvernement qui au contraire, en pleine conscience, fait le choix délibéré de l’austérité et de ses dramatiques conséquences, dégradant encore et encore l’emploi, le pouvoir d’achat, la protection sociale et bien entendu les services publics. » Le ton était donné !
La synthèse au SNUipp-FSU
Pour comprendre le fonctionnement de notre syndicat, il faut se replacer dans le contexte de ses origines. Nos grands ancêtres – certain-es de nos lecteurs-trices s’y reconnaîtront sans doute – ont eu la sagesse d’un fonctionnement qui permette au congrès d’être un véritable lieu de débats et d’élaboration, en opposition aux pratiques qui avaient conduit à l’éclatement de la FEN et du SNI-PEGC. Les membres du congrès sont donc très majoritairement les délégué-es des sections départementales élu-es directement par les congrès départementaux. Si les délégations doivent être pluralistes, aucune règle absolue ne bride les sections. De plus, le vote d’orientation se déroule après le congrès, non sur des listes de noms, mais sur un texte de tendance qui permet à tou-tes les syndiqué-es de se déterminer sur une orientation et non sur des personnes. Le congrès est donc très ouvert, les mandats des congressistes non impératifs ce qui permet un véritable travail de synthèse, c’est-à-dire l’élaboration de mandats qui ne sont pas l’expression proportionnelle d’une majorité contre une minorité mais bien une construction nouvelle qui peut être partagée par la quasi-totalité du
syndicat. Pour la première fois, d’ailleurs, une session de formation était organisée en direction des délégué-es participant à leur premier congrès pour leur faciliter la compréhension des débats et des enjeux.
Des textes très largement votés
C’est donc sans surprise que trois des quatre thèmes ont été votés à 99 ou 100 % après des débats intenses, des votes d’amendements souvent très partagés mais qui ont débouché sur des écritures conformes à l’esprit de synthèse. Certains sujets étaient pourtant objets de fortes controverses, comme les suites du PPCR, la diminution du temps de travail, les conventions rurales, la territorialisation, la laïcité… Sur ce dernier point, notons que le SNUipp-FSU, et aussi l’École Émancipée, ne sont pas épargnés par les débats, souvent clivants, qui traversent la gauche.
Ce tableau pourrait paraître idyllique alors que les observateurs-trices avisé-es avaient noté qu’à l’entrée en congrès, le SNUipp-FSU était en proie à une crise interne qu’on pourrait appeler, dans d’autres lieux, « crise de direction ». Nous y reviendrons. Mais, c’est sur le thème 1 ( « Transformer l’école pour combattre les inégalités ») voté seulement à 90 % que s’est cristallisé un gros débat entre des conceptions différentes du syndicalisme.
Place du concours : un cas d’école
Le dossier de la place du concours, en particulier, a été emblématique des débats du congrès. Depuis des années, le SNUipp-FSU ne parvient pas à trouver une position qui lui permette de peser à l’intérieur de la FSU et encore moins dans le débat public. Depuis des années aussi, une large majorité se dégage autour d’un concours de recrutement placé à la licence, qui permette d’allier une réelle formation professionnelle de 2 ans après le concours, une qualification de niveau master et, joint à des pré-recrutements massifs, une démocratisation de l’accès au métier et un vivier suffisant. Les arguments pour contrer cette position sont, pour certains, largement entendables – non-décrochage premier / second degré, volonté de hausser le niveau de recrutement… Par contre, il est apparu au fil du temps que le blocage tenait aussi pour certains d’une posture crispée et intransigeante, accompagnée d’un manque de volonté de remettre en cause frontalement la réforme de la formation initiale mise en place par Peillon.
Le résultat a dépassé les pronostics les plus optimistes : de nombreuses sections et délégué-es sont montées à la tribune, avec des arguments de fond en faveur du concours en L3. En face, la position, elle aussi défendue depuis assez longtemps dans le SNUipp-FSU, d’un concours en deux temps (admissibilité en L3, admission en M1) a été portée par amendement, forcément affaibli par la réalité de l’expérience du concours (en M1), en partie responsable du chaos dans lequel se trouve la formation des enseignant-es. Le concours en L3 a donc été voté si largement qu’une réécriture de synthèse n’était pas nécessaire.
Cet épisode a montré que l’analyse liée à la pratique de terrain des sections départementales rencontrant les stagiaires était beaucoup plus importante dans le SNUipp-FSU qu’une « posture d’expertise » trop surplombante et sur-valorisant une formation des enseignant-es complètement dégradée). C’est un signe fort de vitalité pour le SNUipp-FSU. L’École Émancipée y a, bien sûr, contribué.
L’équipe nationale s’engage !
Mais l’un des enjeux de ce congrès, exposé par Christian Navarro lors de son intervention du débat général, était aussi la remise au premier plan du collectif dans le SNUipp-FSU. « Collectif dans les relations équipe nationale et sections. Il est nécessaire que l’ensemble des sections, la diversité et le pluralisme de notre syndicat, se « retrouvent » dans l’équipe nationale et dans ce qu’elle porte. Au niveau de sa composition comme dans l’amélioration du fonctionnement du Conseil national […] Ce qui implique aussi de développer sous toutes leurs formes les relations national/départemental.
Collectif au niveau de l’équipe nationale. À un fonctionnement trop pyramidal, il faut substituer un fonctionnement plus collégial et plus horizontal, plus efficace parce que facilitant l’autonomie et la prise de responsabilités et donc plus à même de traiter de manière pertinente l’ensemble des questions auxquelles nous sommes confronté-es à tous les niveaux.
Questions d’ailleurs qui sont souvent de nature fédérale (grilles, carrières, évaluation professionnelle). Nous devons renforcer le travail dans et avec la FSU, comme avec les SN concernés, pour peser davantage face au ministère ».
La commission, élue en début de congrès, chargée de proposer les 40 noms des personnes qui formeront l’équipe nationale pour les trois ans à venir, s’est donc penchée, au-delà de cette liste, sur une motion, finalement votée très largement, présentant des engagements à tenir :
« À l’issue de ce mandat, porté par les sections, le SNUipp-FSU souhaite renforcer cette démarche. Pour ce faire, et pour un fonctionnement plus collectif et transparent, la commission propose au congrès de mandater l’équipe nationale pour, dans l’année à venir :
✓ renforcer et dynamiser le lien avec les sections départementales ;
✓ réaliser un état des lieux des équipes tant nationale que départementales (féminisation, renouvellement, décharges, durée des mandats, …) et établir les propositions qui en découlent ;
✓ créer une instance temporaire chargée de proposer au CN un règlement intérieur.
Ce chantier sera présenté lors du CN de rentrée qui mandatera l’équipe nationale pour la mise en œuvre.»
A été actée la mise en place d’un co-secrétariat général de trois camarades où l’ÉÉ est représentée.
Pour autant, le problème, soulevé par de nombreuses sections, était double. D’abord, la présence sur la liste de camarades ayant dépassé le nombre de mandats et la quotité de décharge imposés par les statuts mais aussi le choix des personnes qui doivent incarner l’orientation et la parole du syndicat. Cela s’est traduit par l’expression d’une défiance significative lors de l’élection de l’équipe nationale.
Après l’épisode de la réforme des rythmes scolaires au cours duquel le SNUipp-FSU n’a pas su prendre la mesure de la situation et consécutivement de sa baisse aux élections professionnelles, ce redressement était vital.
Donc, un congrès positif, de bons mandats, des engagements, mais tout reste à faire. Il faudra une École Émancipée encore renforcée par les élections internes pour que les changements deviennent concrets.