Le congrès de la FSU se tiendra début février prochain au Mans.
Sa préparation est lancée par l’écriture des textes soumis aux congrès départementaux qui se tiennent à partir de décembre, textes dont les grandes lignes ont été adoptées par le Conseil national de la FSU (CDFN). Nous allons essayer de pointer ici les enjeux de chacun des 4 thèmes
mis en chantier. Dans le même temps, est lancé aussi le processus d’élaboration des textes d’orientation et de listes soumis par les tendances au vote des syndiqué-es durant le mois de novembre prochain. L’École Émancipée s’y attelle et nous y reviendrons dans notre prochaine revue.
Intervenant plus de 3 ans après l’accession de Hollande au pouvoir et à peine une année avant la prochaine campagne présidentielle, le congrès va être marqué par ces échéances, dans un contexte de difficultés pour la FSU. En effet, celle-ci est concernée par l’incapacité du mouvement syndical, dans son ensemble, à peser sur les choix sociaux du gouvernement, à l’empêcher de mettre en œuvre sa politique néo-libérale en faveur des possédants. Cela se double d’une légitimité atteinte dans son « bastion » de l’éducation où elle a subit de forts reculs aux dernières élections professionnelles, dus en grande partie à ses positionnements ambigus sur les questions éducatives du moment (loi de refondation, rythmes, décret de 1950…).
La place et l’avenir de la FSU sont interrogés dans ce contexte où l’avenir peut se jouer entre une droite extrême et une extrême droite aux portes du pouvoir…De redoutables questions à aborder donc pour ce congrès, afin de retrouver les bons rails de la victoire sociale et ce, dans le cadre des différents thèmes de discussion.
Thème 1 : pour l’éducation
Il convient d’analyser la politique éducative du gouvernement pour ce qu’elle est : en totale cohérence avec les réformes précédentes et répondant au dogme néo-libéral de la stratégie de Lisbonne. Si Peillon a pu faire illusion (promesse – mensongère et non tenue – des 60 000 postes, priorité au primaire, retour de la formation), il a mis en œuvre cependant la réforme des rythmes et la « rénovation » du statut des enseignants du second degré… La loi d’orientation a placé les jalons de potentielles déréglementations qui commencent à donner toute leur mesure, notamment à travers la réforme du collège.
Aujourd’hui, NVB ne donne même pas le change et impose des mesures régressives qui visent à affaiblir considérablement l’école publique. Comme elle joue peu le jeu du « dialogue social », elle peut par comparaison servir de « faire-valoir » à Peillon… que certains regrettent parfois et dont ils vantent les mérites de la « refondation ». Il faut donc couper court à ces fantasmes, tout comme il faudra veiller à ne pas s’inscrire dans l’aménagement et l’euphémisation des réformes actuelles, au prétexte que celles qui nous attendent, en cas d’alternance politique, seraient pires encore. Dans le cadre d’un budget restreint, le risque est de s’inscrire dans l’amélioration de l’existant, au nom du principe de réalité.
Le défi pour la FSU sera, malgré le contexte très dégradé et l’état de délabrement dans lequel s’inscrit l’école actuellement, de faire preuve d’ambition et de porter un projet éducatif réellement alternatif et sans en rester à l’incantation, de proposer aux personnels des mandats pour les faire vivre.
Les questions éducatives sont l’objet de mandats des syndicats nationaux qui sont parfois contradictoires au sein de la fédération. Cette année encore, nous aurons à confronter les avis divergents du SNES et du SNUipp sur la place du concours de recrutement. Mais, nous sommes aussi confrontés à des questions rendues vives par l’actualité : le MEN impose des réformes/dispositifs sous couvert de pédagogie (ce que nous réfutons) et les SN n’ont pas la même posture (pédago vs corpo, pour faire court), certain témoignant d’une attention a priori positive sur le sujet, d’autres se montrant plus prompt à défendre le métier, les missions….Des contradictions à résoudre « par le haut »…
Thème 2 : la Fonction publique et ses agents
La première partie du thème 2 est consacrée en grande partie à la question des services publics choisis comme fil rouge de ce congrès. Elle s’intitule « La Fonction publique à l’épreuve des réformes ». Les services publics sont confrontés aux réformes de l’État qui constituent des remises en cause importantes ces trois dernières années, avec les impacts de la réforme territoriale, de la réforme des politiques publiques et de la Fonction publique. Les débats du congrès devraient porter notamment sur la caractérisation de l’action de ce gouvernement, sur la clause de compétence générale, sur le niveau territorial de mise en œuvre de certaines missions.
La seconde partie du thème 2 concernera plus spécifiquement les personnels. Il s’agira de faire le lien dans nos futurs mandatements avec l’ensemble des négociations en cours ou à venir et des évolutions sur la vie des agents : projet de loi déontologie, négociations PPCR, management, loi Sauvadet et précarité, impact des réformes sur les conditions de travail des agents, sans oublier les retraites ou l’action sociale…
Au-delà de la caractérisation des politiques menées, nous devrons vérifier la pertinence de nos mandats actuels, nous doter le cas échéant de revendications alternatives et préciser les cadres d’actions à construire.
Thème 3 :
quelles alternatives ?
Il est essentiel que le mouvement syndical développe sa propre orientation, en rupture avec le système actuel, dans l’élaboration de véritables alternatives économiques, sociales, écologiques et politiques parce qu’on ne peut pas laisser les choix économiques, sociaux et environnementaux aux mains d’un oligarchie économique et politique, principale responsable de la crise actuelle.
L’urgence écologique, dont le dérèglement climatique est une dimension, appelle à repenser nos modèles de développement basés sur l’exploitation infinie des ressources naturelles. Au delà des analyses à construire, le congrès de la FSU doit être l’occasion d’avancer vers des revendications immédiates permettant d’incarner un ensemble de réponses pour une transition écologique juste socialement : emplois publics « climatiques », sécurisation des salariés en reconversion, plan pour la recherche publique etc.
Autre enjeu, notre congrès se déroule alors que l’Union Européenne traverse une crise économique, politique et démocratique dont le « théâtre grec » donne toute l’ampleur. Quelle analyse avons-nous aujourd’hui de ce qu’est l’Union Européenne et de ses politiques, avec quel impact sur les politiques nationales et sur nos vies quotidiennes ? Quelle autonomie les institutions européennes ont-elles acquise, et notamment la BCE ? Quelles sont aujourd’hui nos revendications par rapport à cela ?
Enfin, les mesures sécuritaires en France sont le pendant des politiques libérales (économiquement) et nécessitent de construire les instruments pour résister aux reculs actuels. Elles contribuent au climat délétère et à l’expression d’un racisme décomplexé visant en particulier les musulmans, dont se repaît l’extrême droite. La multiplication des interventions militaires à l’international par ce gouvernement doit également nous alerter.
Thème 4 : unité du
syndicalisme et avenir
de la FSU
Dans le contexte social et politique décrit plus haut, l’analyse de l’attitude du mouvement syndical est importante. À quoi renvoient les difficultés de mobilisations des salarié-es ? Amènent elles à relativiser les formes de luttes « classiques » comme la grève ? Ne doit-on les organiser que quand elles sont sûrement « majoritaires » ? Ces interrogations agitent la FSU et nous voulons y intervenir en défendant une pratique syndicale qui garde le cap sur la construction nécessaire de mobilisations, instrument incontournable pour faire pencher les rapports de force du bon côté…Même si le contexte est difficile, avec des grèves pas forcément majoritaires, mais qui montrent à la masse des salarié-es que c’est une voie incontournable pour espérer gagner quelque chose de réel (que ne remplacera pas le simple « dialogue social »).
Dans ce cadre, la question de l’unité syndicale est décisive et il faut la proposer à chaque fois le plus largement. Toutefois, sachons voir les importantes divergences d’orientation entre un syndicalisme d’accompagnement et un syndicalisme de transformation sociale, qui empêchent tout rapprochement « organisationnel » possible dans la période. Pourtant, les salarié-es ont besoin d’instruments de mobilisation plus forts. Il est nécessaire de travailler, dans la continuité de notre dernier congrès, à un travail commun plus systématique entre CGT, FSU et Solidaires pour renforcer ce syndicalisme de lutte et de transformation sociale, qui travailler avec le reste du mouvement social.
Ce thème traite aussi du fonctionnement de la fédération qu’il s’agit d’améliorer avec toujours plus de fédéral. Si des aménagements peuvent être envisagés dans son fonctionnement par rapport à des réalités nouvelles, ils doivent se faire par une démarche de synthèse, dans un esprit fidèle aux choix fondateurs pour une FSU de masse, unitaire, pluraliste, démocratique. ●
Laurent Zappi