L’approche par compétences en éducation (socle commun, livret de compétences) s’impose partout en Europe, et dans les autres pays de l’OCDE. Les systèmes éducatifs européens, mais aussi de l’OCDE sont entrés dans une phase d’harmonisation.
Le concept de compétences fait l’objet de nombreux débats : « notion proliférante et polysémique » pour C. Laval, elle fait pour M.Crahay « figure de caverne d’Ali Baba conceptuelle dans laquelle il est possible de rencontrer juxtaposés tous les courants théoriques de la psychologie, quand bien même ceux-ci sont en fait opposés ». Pourtant, malgré ce flou conceptuel, il est imposé par les différents gouvernements.
Le livret de compétences est importé directement et majoritairement du monde de l’entreprise. Son développement dans les systèmes éducatifs en voie d’harmonisation vise à les subordonner aux besoins de l’économie capitaliste. Elle réduit l’éducation à la formation de « capital humain ». Elle véhicule une définition strictement économique de la connaissance. Le savoir n’est plus qu’un prétexte à l’acquisition de compétences, il n’a plus de valeur en lui-même, ne vaut que par sa fonction et son utilité. « L’éducation doit être conçue comme un service rendu à l’économie ». Ce n’est plus la transmission de savoir qui prime, la connaissance est assimilée à une information à visée utilitaire.
Chaque individu est alors sommé de développer des compétences monnayables sur le marché. Ces compétences nécessaires sont fixées par les entreprises en fonction de leurs besoins : employabilité, flexibilité, adaptabilité, esprit d’entreprise… En cela le concept de compétence s’oppose à la qualification. “Rien n’étant jamais acquis à l’homme”, le salarié devra tout au long de sa vie faire la preuve qu’il est compétent, en faire la preuve en validant sans cesse des compétences. Sorte de processus d’évaluation permanente servant à mesurer constamment la compétitivité des individus. Le livret de compétences constitue un nouveau livret ouvrier (institué par Napoléon en 1803) qui s’installe de la maternelle à la tombe dans le cadre de la formation tout au long de la vie. Il jouera le même rôle, celui de contrôle social en enregistrant trimestre après trimestre les évolutions personnelles, le profil psychologique, les potentialités, les écarts à la norme sociale qui y seront renseignés. Il faut le plus tôt possible habituer les futurs salariés à ces nouvelles modalités de contrôle. Le livret individuel de compétences a vocation à se substituer aux diplômes jugés trop rigides.
Le «memorandum sur l’éducation et la formation tout au long de la vie (octobre 2000) définit plusieurs modes d’acquisitions possibles par le biais de l’éducation formelle, l’éducation non formelle (professionnelle) et l’éducation informelle (expérience sociale) »
Le rôle du secteur formel est de doter le jeune de compétences de base, ou socle de compétences clés, qui ne prendra sens que par rapport à l’apprentissage tout au long de la vie. La responsabilité de la mise à jour des compétences, du développement de l’employabilité doit être assumée par chaque salarié qui en supporte les coûts. Le salarié est de fait constamment exposé au risque du chômage par l’inadaptation, l’obsolescence de ses compétences, il doit entretenir son portefeuille de compétences comme des actifs qu’il faut rentabiliser. Les technologies de l’information et de la communication doivent permettre le suivi de chaque individu le long de sa formation et la constitution de bases de données très riches et utiles pour les employeurs.
« En en faisant une annexe du marché de l’emploi, le discours sur la compétence mine l’institution scolaire et universitaire en détruisant les fondements historiques de sa légitimité. » C. Laval.
Pourtant aujourd’hui, un certain pédagogisme tend à faire passer les vessies d’une aliénation au capitalisme pour les lanternes de la démocratisation du système éducatif.
Il est urgent de s’opposer à la mise en oeuvre du livret de compétence en organisant collectivement la résistance.