Au cours des deux dernières années le débat public sur l’école aura été phagocyté par la question des rythmes dont le traitement par les ministres successifs est symptomatique du fossé qui s’est creusé entre les dirigeants et la profession et du malaise actuel des enseignants. Alors qu’après dix ans de démantèlement planifié de l’école les enseignants avaient massivement voté contre Sarkozy et cru dans les promesses d’un renouveau pour l’école, ils ont assisté impuissants à la mise en place d’une réforme qui ne concerne l’école qu’à la marge et qui détourne l’ensemble de la population des véritables enjeux scolaires. Les débats sur le budget de ces dernières semaines ont à nouveau fait la preuve que les priorités ne sont pas là où les enseignants les attendent : les discussions sur le fonds d’amorçage ont occulté tous les autres débats et une fois de plus la question scolaire est purement et simplement passée au second plan.
Sur le terrain, la qualité souvent médiocre des activités périscolaire ou de leur organisation est dénoncée par les collègues comme un facteur aggravant les conditions d’apprentissages des élèves et les conditions de travail des enseignants. Alors que la réforme avait d’abord été dénoncée pour son impact sur la vie personnelle des agents, elle l’est maintenant parce que non seulement elle est un leurre pour la réussite des élèves mais surtout parce que dans certains cas elle donne le sentiment de la compromettre. Comment dans ces conditions répondre aux injonctions sociales et politiques de hausse du niveau scolaire des élèves ? La réforme des rythmes associée à l’absence de réponses institutionnelles sur les points les plus urgents à traiter d’après les enseignants ont renforcé le sentiment d’impuissance de nos collègues et la méfiance voire la défiance face à une administration de plus en plus exigente et de plus en plus déconnectée de la réalité du fonctionnement des écoles.
Plus grave parce que cela percute l’action syndicale, le ministère a construit et nous a imposé des cadres de concertation (par exemple sur les rythmes comités de suivis à tous les niveaux) qui obligent les acteurs à traiter les questions scolaires dispositif par dispositif sans que la cohérence de cet amoncèlement de mesures puisse être interrogée et discutée. Et si nous avons bien porté la parole des enseignants dans ces instances, quel en est le résultat concret ? Le sentiment d’impuissance qui en résulte renvoie de plus en plus d’enseignants au repli sur la classe, au mieux sur l’école, ou sur la sphère privée.
Cette situation est très inquiétante pour les syndicalistes que nous sommes. L’enquête lancée avant les vacances et qui a déjà recueill 10 000 réponses doit être un levier pour construire un discours syndical au plus près des collègues et l’occasion de réactiver nos mandats, celui de la réécriture du décret en particulier. Notre posture face au ministère doit être claire : l’articulation des réformes engagées dessine par touches le paysage de l’école. Et ce paysage n’est pas celui que nous voulons et il faut le dire. Il faut le dire et proposer un projet alternatif qui redonne aux enseignants la certitude que l’action collective a d’autres buts que la modification à la marge de projets qui ne sont pas les nôtres.