Alors que la nouvelle assemblée nationale n’est pas encore installée, nous sommes déjà entrés dans le vif du sujet de la politique éducative à la mode Blanquer. Rythmes, CP à 12 en vouant aux gémonies le « plus de maîtres que de classes » sans autre forme de procès et bien sûr sans aucune concertation, accompagnement éducatif dans les collèges, ce n’est que la première vague de réformes appelées à déstabiliser le système scolaire pour mieux le transformer et en faire un outil au service d’un libéralisme triomphant. Blanquer, on connait, est-ce pour autant que nous sommes armés pour affronter son programme et ses méthodes ?
Ce qui s’est passé avec la question des rythmes et la possibilité du retour à 4 jours doit nous faire réfléchir, au-delà de la satisfaction immédiate de la majorité de nos collègues et de leur probable désillusion dans les jours et semaines qui viennent. Rappelons-nous que Blanquer et les différents ministères Sarkosy avaient associé la semaine de 4 jours à un arsenal de mesures plus régressives les unes que les autres : baisse du temps de scolarisation des élèves, suppression drastique de 80 000 postes d’enseignant-es, disparition programmée des RASED, abandon de la formation initiale… qui, si elles ont été dénoncées fortement en leur temps, ont produit le maximum de leur effet cumulatif sur les enseignant-es et les écoles avec le retour de la neuvième demi-journée de classe… qui était la dégradation de trop. Ce que les enseignant-es dénoncent implicitement avec la semaine de 4 jours et demi, c’est d’abord ce processus de dégradation sans précédent de leurs conditions de travail et des conditions de scolarisation de leurs élèves engagé depuis 2008. On l’a dit et nous devons continuer à dire que ce retour possible à 4 jours ne résoudra aucune des difficultés auxquelles nous sommes actuellement confrontés. Mais pour Blanquer, ce peut être, et ce sera certainement, une opportunité pour donner un tour de vis supplémentaire sur le mode du donnant-donnant. Armons dès maintenant nos collègues en explicitant quel est le projet de ce gouvernement en matière éducative, projet qui donne du baume au cœur à Finkelkraut, comme il l’a redit ce matin sur France inter. C’est dire.
Mais le plus inquiétant pour le syndicalisme unifiant que nous portons, c’est bien la méthode à l’œuvre pour mettre en place les réformes annoncées. Celles qui sont déjà engagées témoignent d’une volonté de faire exploser l’unité du service public d’éducation en faisant du niveau local le lieu d’agissement de ces mesures, avec des rythmes différents, des intensités de conflits différentes qui vont nous conduire à produire localement ou par secteurs les ripostes et rendre plus difficile les mouvements de contestation nationaux. Nous ne devons pas renoncer pour autant à la possibilité de mobilisation collective et nationale seule à même d’organiser une résistance efficace au projet libéral qu’on tentera de nous imposer. Nous devrons pour cela produire une analyse globale qui permette de mettre en cohérence ce projet et de lui opposer le nôtre. Parce qu’il y a bien un affrontement majeur sur les politiques éducatives entre ce que nous avons toujours porté et ce que ce gouvernement a l’intention de mettre en place : individualisation des parcours quand nous portons la démocratisation du système scolaire et la réussite de tous, pilotage par les résultats quand nous portons le travail en équipe, assujettissement des pratiques quand nous revendiquons la liberté pédagogique, politique managériale quand nous voulons affirmer la professionnalité enseignante, austérité quand nous dénonçons le sous-investissement chronique pour l’école… Nous devons rendre lisibles les éléments qui dessinent leur projet d’école inégalitaire où chacun réussit selon ses talents alors même que nous savons tous que les-dits « talents » ne sont que des marqueurs des inégalités sociales à l’œuvre. Nous devrons nous opposer projet contre projet avec la nécessité impérieuse de repolitiser la question éducative. Parce que, ne nous y trompons pas, leur projet pour l’école n’est qu’un levier au service d’un projet de société libérale.
Pour illustration de ce qui nous attend dans les mois qui viennent et qui est déjà à l’œuvre : aujourd’hui se tient le comité de suivi de la formation des enseigant-es. Dans l’ordre du jour est prévue l’intervention de Labschool, une école privée sous contrat à 840 euros par mois et par élève, qui ouvrira ses portes en France à la rentrée 2017. Le projet pédagogique de cette école ressemble à s’y méprendre au projet que Blanquer expose dans son dernier livre. Ça en dit long sur les méthodes employées pour faire passer « les bonnes pratiques » !