Si les gilets jaunes occupent, à juste titre, une place importante des espaces urbain, péri-urbain et médiatique, les lycéens ont eux aussi été très mobilisés avant les vacances de fin d’année. La répression féroce dont leur mouvement a fait l’objet ne les a pas découragés et, avec l’intersyndicale second degré, ils appellent à de nouvelles mobilisations les 17 et 24 janvier contre Parcoursup et contre les réformes touchant les trois voies du lycée et du baccalauréat, réformes qui vont accroitre les inégalités et la sélection entre élèves et établissements. Peu avant les vacances sont apparus « Les stylos rouges » à la suite du #pasdevagues. Les milieux enseignant et lycéen, quelque fois le milieu étudiant, tentent de manière plus ou moins conventionnelle et cohérente de relayer le malaise et l’exaspération grandissante des personnels et des élèves.
Le premier degré serait-il donc le seul à ne pas souffrir des réformes en cours et serait-il l’enfant gâté de l’éducation nationale comme le laisse entendre le ministre relayé par les médias ? Nous savons tous ici que les inégalités et les attaques contre les services publics que dénoncent les gilets jaunes (approuvés par la majorité de la population) touchent aussi l’école. Nous avons déjà à de nombreuses reprises qualifié la politique éducative libérale de ce ministère et mis en évidence les effets qu’elle ne manquera pas d’avoir sur les élèves et leur devenir scolaire, très différents selon qu’il s’agisse d’élèves de milieux populaires ou d’élèves des beaux quartiers. Ce gouvernement assume des politiques scolaires aggravant les inégalités : un apprentissage sommaire du décodage pour les plus pauvres (il appelle cela les fondamentaux) et un prétendu choix pour les parcours lycéens qui, selon le degré de maîtrise des codes sociaux et scolaires, conduira les plus démunis dans des impasses et les mieux lotis dans les grandes écoles. Les écoles rurales et les écoles maternelles ne manqueront pas de faire les frais une nouvelle fois des dédoublements des CP et CE1 non financés sans ces suppressions abusives.
Dans le même temps, ce gouvernement, non content du gel du point d’indice et du retour du jour de carence, envisage, avec l’article 1 de la loi « pour l’école de la confiance » de limiter le droit à la liberté d’expression des enseignant-es, limitation du droit dont il a déjà testé les effets avec une enseignante de Côte d’Or.
Dans ces conditions et dans le contexte de rejet des politiques à l’œuvre, pouvons-nous, devons-nous rester silencieux ? Dans la période, de nombreux départements sont mobilisés sur la carte scolaire et les classes de CP se préparent à revivre l’épreuve des évaluations nationales. Ne serait-il pas temps de s’emparer de toutes ces sources de malaise et de colère pour initier une action d’envergure autour de la date du 24 janvier ? Un appel franc à la grève est légitime. Une grève, non comme une fin en soi ou une affirmation identitaire, mais comme une opportunité de faire entrer notre milieu dans l’action. On peut bien sûr contester la démarche du second degré qui n’a pas jugé utile d’associer le premier degré à son initiative de janvier. A nous d’être inventifs et déterminés : la journée de grève devra s’accompagner d’initiatives nationales ou locales permettant d’associer les parents d’élèves et d’être soutenue par la population : nuit des écoles, mercredi de l’école comme le proposent les stylos rouges avec lesquels nous devrons prendre contact, demande d’audiences, assemblées générales… La plate-forme de l’intersyndicale du second degré nous offre la possibilité de décliner nos propres revendications (baisse des effectifs qui reste un objectif partagé par la majorité de nos collègues, arrêt des évaluations…) et de partager avec les profs des collèges et lycées les revendications communes : arrêt des suppressions de postes, augmentation des salaires, respect de la liberté d’expression et de manifestation. Ne manquons pas le coche : les enseignant-es du premier degré peuvent, dans un climat de contestation largement partagée, se retrouver pour suivre un appel à la grève et aux mobilisations. Ils peuvent aussi reprocher au SNUipp un attentisme incompréhensible.
A ceux qui diront que le temps est trop court pour organiser un mouvement, rappelons les actuelles mobilisations n’ont pas fait l’objet de longues tractations avant d’être décidées… et réussies. Et si la hauteur des attaques mérite plus que ça, la grève du 24 est une étape pour signifier la disponibilité de notre secteur à un mouvement interpro plus large et contribuer à enclencher un processus de mobilisation massive. La grève générale ne doit plus être une utopie mais un horizon que nous travaillons à atteindre.