« Toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme » écrivait Albert Camus en 1951.
Aujourd’hui, de nombreuses formes de mépris s’expriment, de manière tout à fait décomplexée : mépris des pauvres, stigmatisation des chômeuses et chômeurs, des bénéficiaires des minima sociaux, discours assimilant les Roms à des sous-citoyen-nes, les immigré-es à des profiteurs et profiteuses, les musulman-es à des intégristes, etc, etc, afin de justifier ce que le Syndicat de la Magistrature appelle le « rejet des indésirables ».
C’est le résultat de la diffusion de plus en plus large des thèses de l’extrême droite, de leur banalisation dans l’opinion depuis une vingtaine d’années. La responsabilité en incombe notamment aux hommes et femmes politiques qui, de droite comme de gauche, ont repris ces thèses, parlant par exemple du « problème » de l’immigration… Croyaient-ils franchement combattre l’extrême droite en adoptant sa rhétorique ? C’est bien le Front National qui engrange aujourd’hui et se tient en embuscade.
L’adhésion à ses idées progresse : 67 % des sondé-es veulent réserver les aides sociales et les allocations familiales aux seuls Français-es ; 37 % pensent que les personnes qui vivent dans la pauvreté n’ont pas fait d’effort pour s’en sortir. Selon le Crédoc , « les crises économiques avaient par le passé renforcé la compassion envers les pauvres, mais depuis 2008, c’est l’inverse, les liens de solidarité s’affaiblissent ». L’idée que les plus riches doivent donner aux plus modestes perd du terrain : en 2012, 71 % des Français-es souhaitaient une plus grande redistribution des richesses ; en 2014, ils/elles ne sont plus que 55 %…
C’est pourquoi il est primordial de continuer à porter haut et fort nos alternatives en matière de politiques économiques et sociales, notre projet de transformation sociale, et parallèlement de poursuivre sans relâche la lutte contre les préjugés, grâce par exemple à des outils comme ceux proposés par ATD.
Toutefois, les discours des extrêmes droites se caractérisent par leur radicalité, leur haine. On a vu récemment les attaques abjectes empreintes de racisme et de sexisme contre des ministres qui incarnent à la fois la parité genrée et la diversité ethnique. La manifestation réactionnaire prévue le 5 octobre vise de nouveau Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem, la GPA et la « théorie du genre . Le ministère de l’éducation a retiré de sa page Facebook une photo d’élèves en majorité issu-es de la diversité sous la pression de commentaires haineux de « Français-es de souche » s’indignant de leur couleur de peau. Preuve aussi, s’il en était besoin, que l’Éducation nationale doit s’impliquer plus que jamais dans la lutte contre toutes les discriminations, contre leur prévention par l’éducation à l’égalité.
Les élu-es FN ont du mal à rester dans le cadre respectable souhaité par leur parti. Le maire de Beaucaire, par exemple, dénonce le fait que l’Éducation nationale met des moyens pour que les enfants allophones puissent apprendre la langue française, ce qui selon lui est un gaspillage des impôts et aboutit à la baisse de niveau de l’école ! A Hayange, certaines mesures prises sont franchement racistes, comme le refus d’une association proposant une activité de danse orientale, jugée « incompatible avec le FN ».
Si la diabolisation systématique n’est pas forcément efficiente, notre rôle d’organisations syndicales est de faire comprendre d’une part que l’extrême droite n’œuvre pas en faveur des intérêts des salarié-es, mais aussi de montrer son vrai visage à chaque fois qu’il se présente. Le travail syndical sur ces questions, via notamment l’observatoire qui se met en place, doit permettre d’organiser la riposte nécessaire aux idées et pratiques de l’extrême droite.