Depuis le début du mouvement social contre le projet de loi « travail », les manifestations, un peu partout en France, sont émaillées d’affrontements, souvent violents, entre forces de l’ordre et manifestant-es.
Je n’évoquerai pas ici ceux qu’on appelle « les casseurs », terme qui reflète une réalité plus complexe que ce qu’on nous laisse entendre. Entre les individus qui cherchent la confrontation avec la police, et/ou qui s’en prennent aux organisations syndicales, et celles et ceux qui taguent les agences bancaires, il y a un monde.
Quoi qu’il en soit, il est indéniable que des manifestantes et manifestants tout à fait pacifiques, des jeunes, des salarié-es venus parfois en familles, des syndicalistes ont été gazés, blessés, tabassés, arrêtés.
Des universités évacuées brutalement, des arrestations arbitraires, souvent musclées, des lycéen-nes mineurs gardés à vue pendant toute une nuit, des syndicalistes interpelés suite à une simple action de tractage et de blocage d’un port, violences contre des jeunes, contre des manifestant-es menotté- es, à terre, ne représentant en aucun cas un danger… Et de nouveau un jeune éborgné par un tir de flashball. Il faut interdire ces armes, interdire les gaz lacrymogènes, utilisés massivement, qui sont neurotoxiques et directement dangereux pour les enfants, les femmes enceintes, les personnes cardiaques ou asthmatiques.
Ces faits sont à mettre en lien avec les violences qui ont eu lieu à Sivens, à Notre-Dame-des-Landes, ou en marge de la Cop 21.
Comment expliquer (et non pas excuser) ces violences policières ? Leur nombre même ne peut laisser croire à une succession de bavures isolées. Elles font système, et révèlent une stratégie : cortèges scindés, immobilisés longuement, voire « compressés ».
Comme le déclare le secrétaire général de la CGT police : il y a une « volonté délibérée » que les manifestations dégénèrent. « Si certaines, comme le 1er Mai, se terminent en « souricière », c’est que l’ordre en a été donné. »
Ou ce chercheur en sciences politiques : « Cela ressemble à une stratégie délibérée de l’autorité civile, consistant à déroger à de nombreux préceptes du maintien de l’ordre, par une présence trop massive d’effectifs, par des manoeuvres à contretemps, par la bride ouvertement lâchée sur le cou des hommes du rang, par l’obsession de faire des arrestations (pour « faire du chiffre »). Les raisons d’une telle stratégie sont ouvertes à interprétation. Mais la recherche délibérée d’un pourrissement de la situation est très difficilement contestable. »
Le premier ministre a beau jeu, ensuite de pointer du doigt la responsabilité des organisations syndicales ! La volonté est manifeste de discréditer le mouvement, d’étouffer la contestation. Le contrôle social va de pair avec les régressions sociales des politiques austéritaires. L’autoritarisme s’exprime aussi par le recours au 49-3, les mesures préfectorales limitant la durée des Nuits debout ou la volonté de politicien-nes, jusque dans les rangs du PS, de carrément les dissoudre, la répression à l’encontre de syndicalistes, comme à Goodyear ou Air France, ou encore le retour du « délit de solidarité », dénoncé notamment par le Collectif de Défense des Enfants Roms.
L’Observatoire de la discrimination et de la répression syndicales, auquel appartient la FSU, dénonce un tournant de plus en plus sécuritaire qui tend à criminaliser encore davantage le mouvement social.
Hier, le BDFN a acté le principe d’une expression syndicale, si possible unitaire. Il est effectivement primordial de continuer à dénoncer haut et fort ces violences, de ne pas laisser s’installer ce système de répression. La liberté d’expression, c’est aussi le droit à manifester !
La LDH rappelle que, « dans un contexte de montées de tensions sociales aussi fortes que préoccupantes, le droit de manifester pacifiquement et contester collectivement ce qu’on estime injuste, le droit de se réunir dans l’espace public constituent des libertés fondamentales. Les exercer est un acte de citoyenneté. »