Cécile Ropiteaux : après les voeux du « président des entreprises », quelle unité syndicale ?

Les vœux de François Hollande ont bien été ceux du « président des entreprises », comme il s’était dénommé lui-même. Les annonces qu’il a faites, et notamment le Pacte de responsabilité, sont « tout bénef pour le Médef », qui a déjà obtenu des entorses au code du travail, des aides et des exonérations sans contreparties, et qui continue d’exiger encore plus, il aurait tort de s’en priver.

C’est tout bénef au niveau de l’idéologie :

Il n’y a pas que l’orientation du gouvernement qui soit libérale, le discours présidentiel emprunte à un vocabulaire de plus en plus droitier : l’état serait trop lourd, trop lent, et il déplore les prétendus « excès et abus » de la sécurité sociale ! Ce discours cautionne aussi le dogme du « coût du travail ».
N’oublions pas que la valeur ajoutée des entreprises provient du travail. Il convient plutôt de se poser la question du surcoût du capital ! Une étude récente le chiffre entre 94 et 140 milliards d’euros par an. Quant aux coûts des personnels, ils représentent en moyenne dans l’industrie 22 % des coûts totaux et les cotisations sociales patronales seulement 23 % de ces 22 %… Même si on retirait toutes les cotisations patronales, la baisse du coût pour les entreprises serait au maximum de 5 %.

Tout bénef aussi au niveau des profits

Le pacte de responsabilité doit permettre aux entreprises de dégager des profits … qui feront les emplois de demain, comme on disait à la fin du siècle dernier, sauf qu’aujourd’hui, plus personne n’y croit ! On peut en effet tirer le bilan de 20 ans de cadeaux fiscaux : la création des emplois promis n’a pas suivi, ou alors d’emplois précaires, à bas ou très bas salaires. Pire, ces dispositifs, comme par exemple le CICE, qui coûte 20 milliards par an, sont parfois détournés par les grosses entreprises pour « racketter » leurs sous-traitants, ou comme stratégies d’optimisation ou de contournement fiscal. Et la tentation reste grande d’utiliser ces baisses de coût pour reconstituer leurs marges plutôt que pour embaucher.

Pourquoi ça ne marchera pas

L’austérité ne peut pas relancer l’activité. L’emploi se créé par une politique de la demande, pas par des mesures sur l’offre, qui plus est financée par un transfert sur les ménages, alors que le vrai problème des entreprises aujourd’hui c’est bien la demande, qui va encore diminuer à cause des réductions des dépenses publiques et du pouvoir d’achat.

Malgré tout, 67 % des sondé-es soutiendraient la baisse des cotisations sociales des entreprises, et 61 % l’objectif de réduire la dépense publique. Il est donc impératif de continuer notre travail de conviction et de promotion des alternatives, pour un autre partage des richesses, auprès des citoyen-nes déboussolé-es.

Dans ce contexte, comment contrer le libéralisme et mobiliser les collègues ?
On peut se réjouir d’une certaine unité retrouvée, mais c’est une intersyndicale réduite à 4, qui débouche sur un texte a minima, fait de considérations générales pour gommer les désaccords. Alors qu’il faut un contenu d’opposition franche aux politiques gouvernementales, sans quoi l’intersyndicale n’est qu’un couteau sans lame.

Dans leurs expressions respectives, si la CGT caractérise sans ambiguïté la politique gouvernementale, l’UNSA estime que « la mobilisation conjointe des syndicats de salarié-es, des organisations d’employeurs et des pouvoirs publics est une des clés de l’efficacité pour défendre et créer des emplois. » Ce n’est pas notre logique… Le changement de gouvernement a redistribué les cartes. Comment par exemple revendiquer conjointement sur les salaires quand la CFDT est sur la réduction des dépenses publiques ? Nous devons nous interroger sur cette intersyndicale, son rôle et son efficacité par rapport aux intérêts des salarié-es dans la situation sociale actuelle : est-elle en capacité de leur redonner des perspectives, leur insuffler de l’énergie pour construire le rapport de forces ?

La formulation de la phrase finale de la déclaration unitaire laisse entendre que l’intersyndicale se situe « dans le cadre du pacte de responsabilité », cela peut donc signifier : dans la logique « réaliste » de l’accompagnement, et des aménagements à la marge. L’EE est en désaccord avec cette phrase, que la presse a bien relevée. Quel message, par rapport à notre posture syndicale, renvoyons-nous aux salarié-es ? Au gouvernement ? Nous devons également nous demander quel espace de débat nous nous sommes donné dans la FSU pour la validation de cette démarche, et auquel de nos mandats elle pourrait renvoyer…