Combattre l’extrême droite : innover et faire revivre l’espoir d’une vie meilleure

Débat général

Le RN compte renforcer son implantation locale aux prochaines municipales, non seulement en présentant environ 700 candidat·es – un nombre inédit pour ce parti dont le poids de l’électorat est en complet décalage avec le nombre de militant·es dans les territoires – mais encore en soutenant des candidat·es sans étiquette signataires de sa charte, qui pourront ainsi bénéficier de ses ressources et devenir des acteur·ices de ses réseaux sans s’afficher comme telle. Des potentiel·les maires de petites communes qui pourront ensuite assurer sa progression aux sénatoriales.

La banalisation du RN s’appuie d’abord sur « la banalisation de l’inacceptable », formule entendue ce week-end sur France Inter dans une émission intitulée « islamophobie ordinaire ». À propos des déclarations permettant de la quantifier, la chercheuse Nonna Mayer y relève une « spécificité des musulmans de France, qui fait que ces chiffres sont encore plus sous représentés que pour les autres minorités. Le calcul des actes anti musulmans est assez récent, il commence en 2010 seulement, alors que pour toutes les autres minorités on a des chiffres qui remontent aux années 1990. Il y a un cumul de handicaps pour saisir véritablement, prendre la mesure des actes, des menaces, des violences dirigées contre les musulmans de France », qui tient entre autres facteurs à « l’absence de coopération entre des associations du monde musulman et la police ». La sociologue Hanane Karimi, de son côté, identifie, sous couvert de lutte contre le terrorisme islamiste, une « politique de suspicion qui construit les musulmans comme ayant un agenda caché ».

Cette « banalisation de l’inacceptable » peut également s’appliquer à la xénophobie ordinaire anti-migrant·es, qui fait de tous·tes les sans papiers, et, par extension, de tous·tes les immigré·es, des suspect·es de crimes (cf. intervention de la SD 91). Le processus de déshumanisation en cours à leur encontre se lit maintenant dans les discours politico-médiatiques dominants : alors que la mobilisation populaire et solidaire symbolisée par l’occupation de l’église Saint-Bernard en 1996 avait permis de remplacer le terme éminemment suspicieux de « clandestin » par celui de « sans papiers », c’est-à-dire privés de droits, la montée en épingle de façon prolongée dans les grands médias ainsi que les polémiques interminables autour de faits divers criminels impliquant des mis en cause qui avaient reçu une OQTF a fait entrer de façon indigne et avilissante le nouveau nom OQTF (« Les OQTF ») dans le langage courant, un phénomène qui parachève au sein même de notre langue l’opération d’expulsion de cette catégorie de notre population en dehors de notre commune humanité. 

La dimension à la fois ordinaire et obsessionnelle de l’islamophobie et de la xénophobie anti-migrant-es contamine notre société et renforce l’acceptation de toutes les autres formes de racisme et de toutes les formes de discrimination en général. La première manière de la faire reculer est d’y opposer une lutte ordinaire contre toutes ces formes de racisme et de discrimination, partout dans l’ensemble de nos lieux de socialisation et en particulier sur nos lieux de travail, dans nos relations professionnelles comme dans nos luttes, petites et grandes. 

La seconde renvoie à la dimension politique (et non pas partisane) de notre syndicalisme de transformation sociale. Le RN et ses avatars sont populaires dans une partie grandissante de notre population parce qu’ils lui promettent de les protéger de tous les suspect·es, en les expulsant, en les mettant en prison, en les excluant par des lois de préférence nationale, bref, en les faisant disparaître de notre société en tant qu’êtres humains dotés de droits. 

L’engouement autour du RN repose sur un affect très puissant, patiemment construit grâce à une longue promotion médiatique, que les argumentations rationnelles peinent à entamer : la confiance. La confiance politique ne peut être remise en cause que de deux façons : la déception et la désillusion à l’épreuve du pouvoir, à l’image de celle qui touche les macronistes après 8 ans de violences sociales et de mesures désastreuses. Et, parce que nous ne voulons pas attendre ni être réduit·es à résister face au pire pendant on ne sait combien d’années, il nous faut nous aussi participer à construire un projet alternatif susceptible d’inspirer une confiance équivalente dans le cadre d’un mouvement populaire. C’est la leçon donnée par Mamdani à New York dans un pays gangréné par le racisme et la haine des migrant·es, où la gauche est aussi divisée et plus faible qu’ici. C’est la leçon de la campagne du NFP de l’an dernier, dans sa dimension de mobilisation à la base, dont la victoire inattendue a été de défaire l’extrême droite. Nous allons devoir innover, en parallèle à nos taches quotidiennes, et monter des campagnes associant syndicats et mouvement social sur une plateforme qui fasse revivre l’espoir d’une vie meilleure.