Débat général
Lundi 1er septembre, jour de la rentrée, Caroline Grandjean, directrice d’une école dans le Cantal, s’est donné la mort, victime de harcèlement lesbophobe.
Mes pensées, nos pensées vont évidemment à sa femme, ses proches et sa famille.
La FSU-SNUipp a pris attache avec la section du 15 et a communiqué son soutien avec émotion et indignation, en rappelant sa détermination à combattre les discriminations et la haine de l’autre.
Malgré ses plaintes, malgré la protection fonctionnelle, malgré le soutien de ses collègues et de son syndicat, rien n’a suffi à enrayer un climat de haine accentuant sa détresse.
L’enquête judiciaire a été classé sans suite.
Pendant plus d’un an Caroline aura subi insultes et menaces anonymes inscrites sur le mur de son école : « sale gouine », « gouine = pédophile », « va crever sale gouine ».
Ces phrases d’une extrême violence sont le symptôme d’un phénomène social peu (re)connu : la lesbophobie. Elles témoignent de la condition, hélas ordinaire, des lesbiennes en France pour qui les insultes conditionnent leur vie et structure leur rapport au monde. Dans une société qui éprouve encore une gêne, un malaise considérable, à prononcer ou à écrire le mot lesbienne.
Son épouse, Christine Paccoud, témoigne d’une hiérarchie « qui n’a pas compris sa souffrance ». La condamnation des insultes a été loin d’être unanime. Il existe en effet une indifférence générale – dont celle des institutions- avec une absence d’empathie déconcertante de la part de celles et ceux qui n’ont jamais été stigmatisés en raison de leur orientation sexuelle.
La sociologue et cofondatrice de l’Observatoire de la lesbophobie, Sarah Jean-Jacques parle de déni lesbien. Elle rappelle que « la lesbophobie s’enracine dans l’hétéronormativité et dans le sexisme qui en découle, avec une dimension spécifique liée à l’oppression des femmes. Elle se manifeste donc pour sanctionner celles qui vivent en dehors du cadre imposé par l’hétérosexualité. Les lesbiennes sont vues comme une menace potentielle aux fondements de la société, surtout parce qu’elles sont affectivement et sexuellement indépendantes des hommes. Cet aspect est incompréhensible pour une grande partie de la population, il est même profondément constitutif de la haine exprimée à l’encontre des lesbiennes. »
Alors certes, Élisabeth Borne a exprimé ses condoléances… Elle n’aura pas daigné se déplacer sur place après les faits.
La ministre a saisi l’Inspection Générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IEGSR) et il importe en effet de faire toute la lumière, sans raccourcis hâtifs, sur les responsabilités.
Mais, il importe aussi d’interroger les moyens que se donne l’Éducation nationale pour protéger les victimes, que ce soient les personnels ou les élèves. La lutte contre les LGBPphobies, dont Santé Public France note l’augmentation, commence par une volonté politique assumée qui doit dépasser les discours de bonnes intentions. Le plan de lutte contre les discriminations ne peut se satisfaire de discours d’intention, pas plus que l’égalité filles-garçons ou que l’égalité professionnelle. On ne peut aligner des plans non opérationnels, sans traduction de moyens, de formation… Parce que notre vive émotion doit aussi nous conduire à porter une autre société, où la honte sera du côté des dominations et des discriminations. Où s’aimer ne sera pas un crime.