Le 5 décembre a représenté une véritable lame de fond contre les politiques du gouvernement.
Travaillé unitairement de longue date (depuis début octobre), cette première journée de grèves et de manifestations contre le projet de réforme des retraites de Macron a marqué un premier élément fort du rapport de forces sur cette question en faveur des salarié·es et est aussi un catalyseur des colères existant sur d’autres questions.
C’est la question des inégalités créées par les politiques libérales qui explose à la face du gouvernement et des puissants. Quelque part, c’est la contribution de la population du pays aux mouvements qui existent maintenant sur ces mêmes questions un peu partout sur le globe.
Alors que depuis plusieurs années, le mouvement social était largement sur la défensive, enregistrant des défaites sociales majeures, des éclaircies « avant coureuses » existaient déjà l’an dernier : le mouvement des GJ a montré une pugnacité et une radicalité nouvelles bousculant beaucoup de schémas établis, le mouvement dans les hôpitaux aussi, comme celui dans l’éducation, notamment avec la grève du bac, la grève à la RATP en septembre.
Dans un autre domaine, le mouvement sur le climat, porté par beaucoup de jeunes, s’est radicalisé en adoptant la démarche «d’ urgence climatique et sociale ».
Cette première journée contre le projet Macron a dépassé toutes les espérances les plus optimistes : déjà 1,5 million de manifestant-es (plus de 800 000 selon la police, dans les eaux des plus grandes mobilisations sociales de 2010, 2006, 2003, 1995…), des taux de grévistes à la SNCF, la RATP au-delà des 80 %, dans l’éducation à 70 %, 35 % en moyenne dans la FPE, 20 % dans la FPH, 14 % (ce qui est très fort…) dans la FPT. Beaucoup aussi de débrayages dans le privé (2000 appels selon la CGT).
Beaucoup de monde dans les manifestations (là aussi, pas vu depuis 2010) avec beaucoup de jeunes, révélant que cette question des retraites n’était pas qu’une affaire « d’ancien·nes ».
Il est clair que la communication gouvernementale, à la fois martiale, erratique, contradictoire, floue a contribué à rendre la situation anxiogène à l’incandescence pour une grande part de la population, expliquant l’engouement dans la journée.
Même si plusieurs « sous dossiers » sont présents derrière le projet Macron, avec notamment la question des régimes « particuliers » qui a une légitimité, ce qui unifie la bataille de tout le monde aujourd’hui, public comme privé, c’est l’exigence du retrait de ce projet et l’ouverture de négociations sur de toutes autres bases.
Il est clair aussi que le temps pris en amont de l’initiative a permis aux équipes syndicales de renouer avec un travail de conviction au plus près du terrain qui a porté ses fruits. L’engagement a été massif là aussi à tous les niveaux.
Pour l’éducation, à l’image des pertes annoncées pour le montant des pensions que les volte-face de Blanquer n’ont pas su éclairer, le nombre de grévistes n’avait pas été atteint depuis au moins 2003 (voire avant). Là aussi, c’est une lame de fond qui frappe un milieu déjà fragilisé par les « réformes » et injonctions du MEN.
Il faut noter un net renouveau des assemblées générales dans l’éducation, avec une présence importante pas vue elle aussi depuis longtemps. Il reste maintenant à faire en sorte de plus se rapprocher des taux de participation de 2003 où une grève reconductible à caractère majoritaire s’était développée.
La plupart du temps, ces AG se sont engagées dans une démarche de reconduction de la grève sous des formes diverses : dès le lendemain, la semaine suivante, de jour en jour, de « temps forts en temps forts »….révélant une volonté de ne pas se limiter à la journée du 5 et une compréhension de la nécessité d’aller au bras de fer à un haut niveau pour faire reculer le gouvernement. Les AGs du lendemain ont même été souvent plus fournies.
Ne cachons pas que l’absence d’une consigne nationale précise venant de la FSU pour les suites de l’action a sans doute pesé dans les hésitations constatées, laissant les équipes et militants « se débrouiller » sur le terrain, et ce même si le SNES avait déjà mis dans le paysage un nouvel appel pour le mardi 10 (faut il rappeler qu’en 2003, la grève reconductible s’était développée dans le primaire avec l’appui ouvert du syndicat majoritaire qui avait ouvertement appelé à la généralisation et à la reconduction…).
Pour autant, on a un peu partout des équipes qui continuent la grève et veulent des rebonds. Il est clair qu’il nous faut répondre à cette disponibilité.
Un rapport de force est créé aujourd’hui et c’est le gouvernement qui est sur le reculoir. La force de la journée du 5 nous pousse à battre le fer quand il est chaud et à nous situer dans une optique de mobilisations rapprochées, avant la période de Noël.
C’est maintenant que beaucoup de choses se jouent, alors que des secteurs professionnels sont en grève reconductible majoritaire, contribuant à aider tous les autres secteurs qui ne sont pas encore à ce niveau de mobilisation.
C’est maintenant que l’on peut plus facilement arracher des reculs du gouvernement, sous la pression sociale qui doit être au maximum. Et pour cela, nous devons être nous aussi dans la bagarre au quotidien.
Il nous semble qu’il faut travailler dans plusieurs directions :
- se situer dans la dynamique unitaire interpro qui a été jusque là en s’élargissant tant socialement (à beaucoup de secteurs professionnels) que « politiquement » (UNSA RATP, CGC….même si ce n’est pas forcément solide pour eux) ;
de ce point de vue, l’intersyndicale ayant appelé au 5 a la légitimité, et même l’obligation, de continuer à donner une perspective régulière au mouvement ;
les nouvelles journées du 10, puis du 12 sont dans cette logique et la FSU doit en être totalement, d’autant que Philippe parle mercredi 11 et que le 12 sera la première réponse du mouvement social ; - comprendre qu’il faut répondre à l’inquiétude, à la colère de nos milieux professionnels en proposant des rythmes de mobilisation adéquats correspondant au ressenti de nos collègues (comprendre aussi que se joue aussi là dessus la crédibilité d’une fédération qui n’a déjà pas été capable de bloquer la loi de réforme de la FP…comme les autres syndicats) ;
cela signifie qu’il faut pousser à être dans les secteurs mobilisés en tant que FSU avec tout l’appui syndical possible et nécessaire ; - être capables de s’appuyer sur les secteurs grévistes pour continuer à entraîner la grande masse de nos milieux (et ce même si les taux de grèves ne seront pas forcément aussi élevés que ceux astronomiques du 5…) ;
cela implique de combiner les grèves reconductibles organisées à partir des AG (et que les structures syndicales sur lesquelles nous avons une forte influence doivent susciter, soutenir…) avec des temps forts (journées de 24h) permettant aux fractions non impliquées dans les reconductibles de se réinscrire concrètement dans la mobilisation, de montrer elles aussi leur détermination et leur soutien ;
ces deux formes de lutte font partie de la même mobilisation et se nourrissent l’une l’autre en tirant le rapport de force vers le haut ; - jouer aussi la bataille de l’opinion (qui soutient massivement le mouvement) en permettant aux secteurs de la population qui ne peuvent faire grève d’être aussi dans le mouvement par des manifestations pas forcément toutes sur le temps de travail (samedi par exemple) ;
Les élu·es ÉÉ du BDFN