Le syndicalisme par le Snes : agir sans perspective, ne plus penser l’action comme moyen de lutte
Cette année, à nouveau, la situation pour les organisations syndicales s’avère complexe : engluées dans des pseudos négociations, consultations, empêtrées dans des calculs électoralistes, elles s’avèrent incapable de se concerter pour tenter dans l’unité de poursuivre l’élan de mobilisation réussie lors de la journée du 20 novembre, ce qui est, personne n’en doute, une nécessité vitale face aux attaques gouvernementales.
Le Snes n’échappe en rien à cette paralysie générale ; et il devient de plus en plus difficile de prétendre à l’existence d’un plan d’action, concerté et réfléchi, alors qu’il n’en est rien !
Un manque de combativité dans les revendications …
Depuis la rentrée, et alors que les attaques sont nombreuses et excessivement graves, et que la profession est en attente et disponible pour se mobiliser, le Snes a trop longtemps tergiversé : hésitant à quitter les discussions sur le lycée avec De Gaudemar, il le fait finalement très tardivement : combien de temps et d’énergie l’EE et autres militants du Snes ont-ils perdu pour convaincre la direction de notre syndicat du bien fondé de cette démarche ! Lorsque le Snes a enfin quitté les discussions, il l’a fait à reculons en se prévalant de prétendues avancées sur la réforme, liées à la mobilisation du 19 octobre et sans assumer la critique ouverte et sans appel du projet gouvernemental… Il faudra attendre et attendre encore pour que le Snes dise que cette réforme est inacceptable, mais il n’ira pas jusqu’à exiger son abandon, ce que la profession demande, pourtant… Et de nouveau, dès les annonces de Darcos le SNES de pousser par mail un grand « ENFIN ! » de victoire, comme si d’entrer en discussion avait depuis quelques mois changé le calendrier des réformes.
…qui a pesé sur la mobilisation…
La stratégie du Snes n’est pas lisible : il ne veut pas apparaître comme celui qui dit « non », ni comme celui qui défend le statu quo. Alors, que fait-il ? Accompagne-t-il les réformes ? Tente-t-il de les améliorer à la marge, de grappiller quelques miettes en cédant aux « pertes et profits » l’essentiel du « gâteau » ? N’est-il pas en train de renoncer, par exemple, au statut de l’enseignant de lycée au profit du maintien de la voie technologique ? A-t-il avalé la pilule de la non valorisation des métiers contre la masterisation, même si celle-ci ne correspond en rien à celle revendiquée par le SNES ? Quels que soient ses calculs, les syndiqués ne s’y retrouvent pas, et n’y comprennent rien.
Cette confusion ne saurait inciter les collègues à la combativité ni même au vote du 2 Décembre (ce texte est diffusé après la clôture des votes) : et pourtant… Le 20 novembre, ils étaient bien là, mobilisés, et nombreux en AG… Ici, le SNES est en train de manquer une étape et manque clairement de clairvoyance et de boussole. Il a commencé par refuser d’appeler à la grève ce jour-là à cause de l’échec du 7 octobre, et aussi en raison des conditions de l’appel du 1er degré ce même jour… Il n’a appelé très tardivement que poussé par la frange la plus mobilisée du milieu, des S3 et sous la pression de l’UNSA qui avait proposé une intersyndicale 2nd degré, avec la grève à l’ordre du jour En fait de plan d’action, il ne s’est en réalité agi que de naviguer à vue…
Le 20 Novembre et ses suites …
A la CAN des 18 et 19 novembre, à l’EE nous avons insisté sur le fait qu’il fallait envisager des suites immédiates à la journée du 20, et avions annoncé, nous étions majoritaires dans ce cas, que cette journée serait puissante et qu’il fallait d’ores et déjà, même deux jours avant, prendre les devants d’une poursuite de la mobilisation.
Le 20 Novembre au soir, le Snes s’étonne des taux de grévistes en collèges, ce qui entre en contradiction avec la conviction de la majorité de sa direction que c’est la réforme des lycées qui aujourd’hui cristallise tous les mécontentements. A croire que le syndicat méconnaît la profession, ou encore qu’il sous estime l’état de conscience et l’exaspération de nos collègues… quel que soit l’endroit où ils exercent leur métier.
Nous pensons toujours, à l’EE, que cette mobilisation lors du 20 appelait des suites et un prolongement immédiats. C’est d’ailleurs le message qui remontait de toutes les AG : la demande d’une grève nationale de toute l’éducation dans les plus brefs délais, c’est-à-dire la semaine suivant le 20. Et cette occasion de rebondir était bien présente, cette journée était forte à tous les niveaux de l’éducation, pour la première fois depuis longtemps, le 1er degré était prêt à se lancer dans la bataille.
Comment poursuivre la mobilisation ?
Et il est vrai que plus on s’éloigne du 20, au niveau du calendrier, plus les choses s’avèrent difficiles : période des bulletins, des conseils, des cadeaux, mais pas seulement ; la grève de 24 heures ne peut se concevoir que si elle est intégrée à un plan d’action, avec des rebonds, des reconductions rapprochés dans une perspective de montée en puissance d’un mouvement massif. Mais la majorité de la direction du Snes ne croit pas à un telle éventualité et son seul plan d’action correspond à cette vision de l’état de (dé)mobilisation : états généraux, journées banalisées, réunions, manif en semaine… Voilà de quoi occuper les agités sans mécontenter le ministre qu’il vaut mieux éviter de fâcher puisque, à lire les publications du SNES, celui-ci a enfin voulu nous recevoir… grâce à la mobilisation…
L’EE dans tout ça ?
Pour l’EE, la position du Snes est intenable : il repousse toute nouvelle action de grève à janvier. Si on est optimiste, si l’on pense que les collègues n’ont pas été échaudés par le manque de suites au 20, mais qu’au contraire ils sont toujours mobilisés, alors on peut imaginer que cette nouvelle grève, encore une fois, fera le plein. Et que dira-t-on dans les AG ? Qu’il faut à nouveau rassembler des conditions suffisantes pour poursuivre l’action (plateforme, unité, calendrier des congés) et donc, qu’il faut se revoir… en mars ? Ce scénario est le même, au jour près (n’avons-nous pas déjà fait grève un 20 novembre… 2007 pour rebondir en janvier d’après) que celui que nous avons connu l’an dernier. C’est précisément celui que nous devons éviter à tout prix sous peine de décourager encore plus l’ensemble de la profession ! C’est pourquoi la relance de la mobilisation ne peut se faire que dans la perspective d’accélérer le rythme des actions, ce qui est la seule façon de permettre son envol.
A l’EE, nous pensons qu’il faut poursuivre la mobilisation, d’abord parce que nous ne voulons pas « laisser faire » ce qui est en train de se passer : la destruction complète du système éducatif, pièce par pièce ; ensuite, parce que nous n’avons aucune confiance et aucune illusion sur les prétendues négociations de ce ministre en dehors de tout rapport de forces. Enfin, parce que nous savons que le gouvernement n’aura d’autre choix que de céder à un mouvement social d’ampleur s’il s’avère massif et fait preuve d’une détermination sans faille. Partout, des collègues exaspérés et déterminés nous disent qu’ils restent mobilisés. Il faut s’appuyer sur cette frange la plus mobilisée pour entraîner toute la profession. Comment ne pas voir qu’au-delà des multiples raisons de se mobiliser chacun dans son secteur, c’est le refus global d’une politique générale de régression sociale dans l’Education qui a été le moteur de la mobilisation du 20 novembre et qui reste le principal vecteur d’inquiétude et de révolte de tous les personnels du service public d’Education Nationale. Plus que jamais, ce sont tous les niveaux de l’éducation que nous devons défendre, tous ensemble. C’est donc ensemble qu’il nous revient de mener les luttes, et c’est ensemble, avec les lycéens et les parents également, que nous pourrons peser sur les choix gouvernementaux. Le SNES doit mener bataille pour que la journée de grève du mois de Janvier ne soit pas « une de plus », mais devienne l’occasion de faire monter la pression, de faire en sorte que les mobilisations d’Octobre et Novembre 2008 aient les suites qu’elles méritent. Le monde de l’éducation et tout ce qui l’entoure (notamment les associations d’éducation populaire) n’ont jamais été aussi mobilisés autour du mot d’ordre « l’école, notre avenir », le SNES doit permettre que ce mot d’ordre ne soit pas qu’incantatoire et mettre tout en œuvre pour qu’effectivement l’avenir du système éducatif ne soit pas celui prévu par Darcos. Et dans cette histoire, le SNES doit réagir en syndicat, c’est-à-dire mobiliser les personnels, notamment par des mots d’ordre de grève.
L’EE en tant que tendance minoritaire vit au sein du Snes une période de raidissement : la direction se replie sur elle-même, les exécutifs, mais aussi les délibératifs sont de moins en moins pluralistes (U&A décide en réunion de tendance ce que l’ensemble du syndicat devrait débattre), et l’EE a de plus en plus de mal à se faire entendre : pourtant, notre tendance est partie intégrante du syndicat et les positions qu’elle défend, que nous venons d’exposer, sont parfaitement légitimes. Elles sont, croyons-nous, les plus à même de défendre la profession face aux projets inquiétants du gouvernement et à préserver l’outil syndical dont nous avons plus que jamais besoin.
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