Blandine Turki : Direction et fonctionnement de l’école, faire vivre le collectif et résister aux injonctions

« Aujourd’hui je me suis réveillée épouvantablement fatiguée, épuisée…Le travail des directeurs est épuisant car il y a tj des petits soucis à régler ce qui occupe tout notre temps… accumulation de faits mineurs dont le plus grave de mon point de vue s’est passé à l’extérieur de l’école… Mais les directeurs sont seuls …tout se passe dans la violence de l’immédiateté … tous ces petits riens qui occupent 200% de notre journée… »

Extraits de la lettre d’une directrice épuisée.

Christine Renon a mis en mots les conditions d’exercice des directeurs-trices, son désespoir, et par son geste tragique déclenchée un cataclysme. Il aura fallu ce geste terrible pour que le ministère remette enfin à l’ordre du jour non pas des actions mais un calendrier de discussions.

Car, bien qu’ayant annoncé des mesures d’urgence pour la rentrée des vacances de novembre, Blanquer les reporte à janvier. Il annonce également la diffusion d’un questionnaire, dédié aux seul.es directeurs trices, sans solliciter les membres des équipes, qui portera sur le seul ressenti de leurs conditions d’exercice.
Questionnaire, groupes de paroles réunissant les directeurs-trices d’une même circo afin que ces dernièr.ères puissent dire à leur IEN tout ce qu’ils ont sur le cœur, sur des thématiques déjà prédéfinies par le ministère, série d’ateliers entre OS et ministère, comités de suivi nationaux et départementaux. Nous repartons de zéro, comme si ces dernières années rien n’avait été fait, et dans le cadre d’un projet de loi de finance 2020 qui ne prévoit aucune marge de manœuvre. Les décisions concrètes mettront du temps à se mettre en place.

Par contre, la réactivité de certain.es parlementaires ne s’est pas faite attendre, avec de nouveau la possibilité d’un statut en ligne de mire. Christine Renon était déchargée à temps plein et pourtant …Elle n’a pas pu trouver les ressources nécessaires. Tous les éléments qu’elle cite dans son courrier relèvent d’une surcharge des tâches et surtout d’un isolement.

Le statut aurait-il levé les difficultés rencontrées par Christine Renon ?

Certain.es collègues directeurs-trices pourraient entendre le doux chant du statut, se dire que c’est peut-être finalement une réponse à leurs difficultés. Dans son livre « En finir avec le NMP » Evelyne Bechtold Rognon nous livre la vraie vie des chef.fes, et leur souffrance invisible. Depuis qu’ils ont un statut particulier, les chef-fes d’établissement ont certes bénéficié d’un gain en termes de reconnaissance sociale et de rémunération. Mais le coût professionnel de ces changements est élevé : le travail des personnels de direction est de plus en plus étroitement encadré, leurs pratiques normalisées, leur mobilité contrainte. Sur les 3000 principaux de collège, proviseurs de lycée et adjoints interrogés par la CASDEN en 2017 (soit 22,5% du corps) un quart serait en situation de burn-out, dont 14,4% au stade de burn-out clinique, nécessitant des soins et pas seulement une modification de leurs conditions de travail. Ces directeurs-trices d’établissements, avec statut ont avec eux toute une équipe pour les épauler. Qui peut croire que le ministère délivrera le package « Statut, secrétaire, CPE, » ?

Nos mandats sont clairs sur le statut : « Le SNUipp-FSU rappelle son opposition au statut hiérarchique du directeur-trice d’école qui aggraverait la problématique de la direction d’école. » Ils doivent rester notre seule et unique boussole, et ce quels que soient les résultats du questionnaire ministériel. Nous devons continuer de porter notre attachement au directeur-trice comme un pair parmi les pairs, sans statut, sans certification.

Au-delà des mesures d’urgence présentées au ministre, exigeons du temps, pour les directeurs-trices comme pour les équipes, la reconnaissance du collectif de travail par la souveraineté du conseil des maitres, des personnels pérennes pour l’aide au fonctionnement et à la direction d’école.