Ses obsèques auront lieu vendredi 29 mars 2019, à 10h30 au Crématorium du Père
Lachaise à Paris.
Un surnom, une personnalité hors norme qui a traversé le siècle, une femme de caractère qui n’a pas attendu les différentes vagues féministes pour s’imposer.
Lily vient de nous quitter.
Son sourire nous manquera, à nous qui partagions ses enthousiasmes, ses indignations qui la révoltaient. Mais elle restera toujours présente dans les pensées et les cœurs de ceux qui l’ont fréquentée, sur les rives militantes de ces cinquante dernières années.
Dans le renouveau post 68 de la tendance, elle fut avec Volo[[Volo (Joseph Volovitch, 1913-2014) était une figure de l’éé depuis 1936.]], l’un des piliers qui ont cimenté, au delà des débats politiques, des « engueulades » mémorables, la vie de l’école émancipée.
Née le 5 juillet 1922, l’histoire d’Amélie Bunle est ancrée dans celle du mouvement ouvrier des années 1930. Sa mère, veuve de guerre, s’était mise en ménage avec Jean Zyromski. Cette figure de la gauche socialiste des années 1920-1940, qu’elle a côtoyée pendant toute son enfance et son adolescence, l’a profondément marquée. Zyrom, comme elle l’appelait, dont Le Maitron résume l’engagement par ces mots : « un socialisme prolétarien, révolutionnaire, unitaire et internationaliste ».
Lily a porté les valeurs de son père adoptif toute sa vie. De sa mère, elle hérita le caractère trempé, féministe, « sans le dire ».
Membre active des « Faucons Rouges[[Mouvements de jeunesse s’inscrivant dans le sillage des partis sociaux-démocrates et socialistes européens nés dans les années 1932, prenant en charge les enfants et adolescents de huit à seize ans au sein de structures organisées
par classes d’âge.]] » toute son enfance, Lily fut entraînée très tôt dans des activités d’agit-prop qui ont laissé des traces dans son activité militante.
Elle s’impliqua dans le mouvement des Auberges de Jeunesse[[Léo Lagrange, sous-secrétaire d’État à la Jeunesse du Front populaire a permis
le développement du réseau des Auberges de Jeunesse en France, relais indispensable à la politique sociale de l’époque.]] et ce ne fut pas sans résonnance sur l’attention qu’elle mettait à « collectiviser » la vie de notre tendance. Pendant plus de vingt ans, elle organisa les « repas » des collèges de l’éé, se démenant pour nous mijoter de si bons petits plats, alors que nous étions près d’une cinquantaine autour des tables du « local ».
Engagée dans la résistance, elle prit des risques considérables pour sortir ses proches du tunnel.
Elle a partagé les engagements trotskystes de Marcel Bleibtreu[[Militant de la gauche socialiste dans la fin des années 1930, puis trotskyste,
épousa Lily à la fin de la guerre, en 1946 (1918-2001).]], pendant la guerre et prit, avec lui, ses distances quand les orientations de l’OCI l’éloignaient trop de ses valeurs.
Devenue instit puis prof de maths de collège, Lily a renoué avec la vie de la tendance au sein de la FEN et du SNI, après la scission avec les « Lambertos »[[A la fin des années 1960, ces sont les militants de l’OCI lambertiste qui assumaient les responsabilités de la Tendance. ]], les militant-es de l’OCI qui s’étaient arrogés la représentativité de la tendance.
Lily faisait partie de ces trop rares militant-es qui ne dissociaient pas son engagement politique, ses idées, de son activité pratique. Et quotidienne.
Prof de maths, elle était en lien avec les IREM[[Les Instituts de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques sont nés en 1969, « associant des enseignants du primaire, du secondaire et du supérieur, pour effectuer en commun des recherches sur l’enseignement des mathématiques et assurer des formations de professeurs s’appuyant fortement sur la recherche ».]], dans l’après 68, pour travailler sa pratique pédagogique de professeur de mathématiques. Elle entrainait les jeunes de la tendance à réfléchir à la forme comme au contenu de notre enseignement.
Avec Volo, elle mit tout en œuvre dans le fonctionnement de notre tendance pour que nos actes quotidiens reflètent nos engagements, n’hésitant pas à railler ces « pseudos révolutionnaires » avec leurs belles paroles, incapables de ranger le local après les réunions !
En 1972, l’équipe responsable de la Tendance revint à Paris.
Lily et Volo, responsable national, n’ont pas ménagé leurs efforts pour redonner son dynamisme à l’éé. A cette époque, plus de cinq cent militant-es fréquentaient les semaines estivales de l’éé.
Nous passions des heures à confectionner le Bulletin Intérieur, taper les articles, ronéoter chaque page, assembler les feuilles, mettre le bulletin sous pli. La démocratie interne était à ce prix.
Au milieu des années 1970, Lily et Volo proposèrent à la tendance de se doter d’un local coopératif et fonder l’EDMP (édition et Diffusion de Matériel Pédagogique). Les réunions nationales de l’éé se sont tenues là pendant 25 années. La librairie coopérative a permis à tant d’entre nous de pouvoir doter nos écoles d’ouvrages et de matériels à moindre coût.
Mettre ses actes en accord avec ses principes, belle leçon inoubliable.
Lily vécut douloureusement l’éclatement de notre tendance à la fin des années 1990 mais continua de militer à l’EDMP.
Jusqu’à la loi Travail en 2016, je continuais à la croiser dans les manifestations, gardant intacte sa capacité d’indignation.
A quelques uns[[Daniel Vey, Monique Migneau, Jean Malifaud, Spingsfield Marin et moi même.]], en 2010, nous avons collecté par audio et vidéo, les péripéties de sa vie, la manière dont se sont forgées ses idées et ses valeurs. Cette tranche d’histoire gagnerait à être retravaillée, publiée et transmise.
Danielle Czal