Les assises locales de l’Education Prioritaire avaient déjà été vécues comme des moments d’échanges intéressants, mais sans perspectives. Elles ont été suivies par la journée des assises interacadémiques sur laquelle on peut porter le même jugement : pas de prise en compte des revendications des personnels, un vraisemblable rétrécissement de la carte des ZEP, une poursuite de l’ingérence managériale et aucun moyen supplémentaire.
***Un compte-rendu rectoral déformé des assises locales :
La journée a commencé après l’accueil pompeux des 3 recteurEs des académies concernées par des compte-rendu des assises locales par leurs administrations. Nous avions noté syndicalement que l’immense majorité des collègues soulignait la souffrance au travail ressentie et le manque cuisant de moyens humains. Ils revendiquent d’abord des personnels spécialisés (infirmierEs, COPsy, vie scolaire, RASED…), des enseignants permettant de diminuer les effectifs et d’avoir plus de maîtres que de classes. L’exposé a renvoyé ces revendications à la marge en les minimisant. Il a été affirmé par exemple « l’impact non-significatif des faibles effectifs sur la réussite scolaire des élèves ».
L’accent a été mis sur des éléments considérés comme des suppléments d’âme par les collègues (la réussite du travail en équipe, les « bonnes pratiques » pédagogiques), non pas pour leur caractère superflu, mais parce qu’ils estimaient qu’il y avait, avant cela, d’autres priorités, comme celle de renforcer les équipes. Le système des préfets des études a été cité en exemple alors qu’il n’est pas (ou très peu) remonté en exemple des assises locales.
La nécessité d’échanges inter-degrés récurrents a été surreprésentée : l’exposé effectué a présenté ces échanges comme le remède miracle permettant « d’hybrider le pédagogue et le spécialiste », ce qui au passage laisse place à une vision caricaturale du rôle des professeurEs des écoles d’un côté et des collèges-lycées de l’autre. La même caricature fut portée sur la notation chiffrée présentée comme incompatible avec la mansuétude nécessaire à l’évaluation. Il semblait dans ce compte-rendu qu’il suffirait que l’école sache « diagnostiquer les talents », « personnaliser les apprentissages » et que les adultes soient bienveillants et exigeants pour que tous les problèmes des publics accueillis se résolvent par magie. L’Histoire Des Arts aux collège et le socle commun de compétence furent présentées comme des réussites permettant l’accès aux « compétences psycho-sociales nécessaires » et à la culture. On est loin des enseignements polytechniques que nous portons, permettant l’acquisition d’une culture commune de haut niveau pour tous les élèves.
***Une « table ronde » de présentation des prétendues « bonnes pratiques » :
Après le bilan, des « tables rondes » ont proposé des exposés magistraux plus ou moins banals d’expériences prétendues innovantes menées dans quelques établissements des 3 académies. La plupart avaient au moins une des particularités suivantes : celle d’être un projet qui concerne un petit nombre d’élève, d’être permis par des moyens matériels ou humains supplémentaires obtenus sur dossier. Très peu étaient des expériences menées à l’échelle de l’établissement entier avec ses moyens de base. L’accent avait volontairement été mis sur des projets issus de la contractualisation, de l’accompagnement pédagogique. Le maître mot semblait être « si on veut, on peut », comme si les moyens alloués à ce type de projet étaient massivement disponibles. Alors qu’ils sont en fait très faibles et alloués au « mérite » (ou plutôt à la tête du client…) : ce saupoudrage n’est qu’un des rouages des mécanismes complexes de légitimation des inégalités.
Les thèmes abordés ensuite en ateliers étaient sensiblement les mêmes que lors des assises locales.
***Une présence syndicale extérieure indispensable et remarquée :
La parole syndicale interne aux assises fut difficile, il n’y avait aucun temps institutionnel prévu pour l’expression de revendications. La forte présence des IPR, des chefs d’établissement et d’autre hiérarchies intermédiaires (coordonnateurs divers, préfets des études… ), n’a pas permis une parole spontanée, elle fut avant tout jargonneuse et technocratique. Ainsi la FSU avait décidé d’être présente devant les assises avec un petit chapiteau permettant la distribution de documentation et la discussion avec les collègues, les journalistes et les institutionnels. Cette présence remarquée était bienvenue. Elle ne doit pas nous faire perdre de vue la nécessaire construction d’une mobilisation d’ensemble pour la sauvegarde et l’extension des ZEP.
Clément Lefevre