« Je rendrai aux Français leurs libertés en levant l’état d’urgence à l’automne. Ces libertés sont la condition d’une démocratie forte ». Voilà la déclaration d’Emmanuel Macron devant le congrès réuni à Versailles en juillet… juste avant le vote de sa prorogation jusqu’au mois de novembre.
Alors que les 9 attentats déjoués depuis le début de l’année sont le fruit d’enquête et de hasard et non de l’Etat d’Urgence, qu’il n’a jamais empêché d’autres attentats de se commettre, qu’il a fait des militaires et policiers en faction partout des cibles potentielles, que les forces de police remettent en cause son efficacité, alors que des personnalités et des organisations peu suspectes de gauchisme comme Jacques Toubon, le défenseur des droits, ou Amnesty International ont réclamé sa levée, le pouvoir en place a choisi de prolonger l’Etat d’urgence et de déroger encore pour quelques mois à l’Etat de droit.
Pour quelques mois effectivement, juste le temps pour faire adopter une loi dite anti-terroriste qui contient en son sein la majorité des mesures de l’Etat d’urgence : perquisitions administratives sur simples suspicions, assignation à résidence sans contrôle judiciaire, périmètres de protections qui permettront d’interdire des manifestations… toutes ces mesures de l’Etat d’urgence basculeront dans le droit commun.
«Contamination du droit commun » voilà les mots de Christine Lazerges, présidente de la commission nationale consultative des droits de l’Homme. Ce projet, s’il était adopté, entérinerait le virage autoritaire du pouvoir en place.
Comme l’exprimait très bien la LDH dans un communiqué fin 2016 « Si l’état d’urgence semble indolore à la grande majorité d’entre nous, ce n’est pas le cas des dizaines de personnes assignées à résidence, et qui ne bénéficient pas de la protection du juge judiciaire. Le prolonger, c’est prolonger la possibilité permanente d’effectuer des perquisitions dans des conditions qui ont été largement dénoncées, c’est donner un quasi blanc-seing aux pouvoirs publics pour interdire des manifestations et c’est, d’une manière générale, installer l’habitude de pouvoirs exceptionnels peu et mal contrôlés et qui sont utilisés à d’autres fins que celles annoncées. »
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : la question des finalités du déploiement d’un tel arsenal sécuritaire.
« C’est vrai, l’état d’urgence a servi à sécuriser la COP 21, ce qu’on n’aurait pas pu faire autrement » a ainsi déclaré Francois Hollande à des journalistes avant de quitter l’Elysée. Réponse en forme d’aveu.
Sous couvert de sécurité, il s’agit bien de réduire les libertés pour renforcer le contrôle. Il faut donc museler le mouvement social.
Il y a un sens politique à tout ça : pour pouvoir imposer un ordre toujours plus libéral, le pouvoir a besoin de faire taire les contestataires.
C’est pour ces raisons que le 10 septembre dernier, un grand nombres d’organisations appelaient à se rassembler pour dénoncer je cite « l’état d’urgence permanent, qu’il se cache derrière une décision d’exception ou qu’il soit le résultat de sa normalisation ».
Rassemblements au final bien faibles aux regards de l’enjeu. L’histoire nous l’a pourtant enseigné : il ne peut y avoir de victoires progressistes s’il y a des défaites démocratiques. Et chaque coup porté aux libertés est un coup porté à notre camp.
Avec une nouvelle loi travail qui provoque la colère chez les salarié-es, des annonces pour la fonction publique qui nous poussent à aller une nouvelle fois dans la rue, des déclarations sur les retraites, la sécu, le pouvoir sait bien qu’il devra faire face à la colère de la jeunesse, du monde du travail et des retraité-es qui n’en peuvent plus de payer pour les plus riches.
Pendant la dernière mandature, le SNUipp et la FSU ont été parties prenantes des mobilisations, au côté de la LDH. Il ne saurait en être autrement aujourd’hui alors que la pérennisation de l’Etat d’urgence dans sa nouvelle version fait courir encore plus de dangers pour les droits et les libertés.
Il y a donc urgence à se ressaisir de ces questions qui, face à l’avalanche de coups que ce pouvoir nous inflige, sont parfois trop oubliées.
D’un côté, affirmer notre solidarité avec les victimes de la répression passée et à venir. Cette répression qui touche aussi les militant-es solidaires comme Cédric Herrou ou notre collègue Pierre-Alain Mannoni qui vient d’écoper de deux mois avec sursis.
De l’autre continuer à faire le lien entre revendications sociales et revendications démocratiques en demandant la levée de l’Etat d’Urgence comme l’abandon du projet de loi qui n’a d’anti-terroriste que le nom.
Il n’y a rien d’extrême à affirmer tout ça, rien de cynique non plus. Et, comme nous sommes loin d’être des fainéants, nous nous battrons contre la casse de nos droits sociaux ET contre la destruction de nos libertés.