La réforme de la formation spécialisée en cours institue une nouvelle certification et vient apporter une touche supplémentaire au projet ministériel du tout inclusif. Alors que le congrès de Rodez avait pris des distances avec le concept d’inclusion scolaire et souhaité que soient traités indépendamment l’un de l’autre les champs de la difficulté scolaire et du handicap, le Certificat d’Aptitude Professionnelle aux Pratiques de l’Éducation Inclusive (CAPPEI) constitue un vrai recul pour la prise en charge de tous les élèves, qu’elles ou ils relèvent de la grande difficulté scolaire ou du handicap.
Tout d’abord, formation au rabais puisque, de 750 heures de formation pour l’obtention du CAPSAIS, on est passé à 400 heures pour le CAPA-SH, puis bientôt à 300 heures pour le CAPPEI. Formation au rabais, puisque les 2 modules d’approfondissement et celui de la professionnalisation à l’emploi (52h chacun) ne permettront pas d’acquérir les postures et gestes professionnels d’un haut niveau de technicité.
L’amalgame handicap et difficultés scolaires, assumé par le ministère et prétexte à cette réforme, sous-entend que les mêmes logiques sont en jeu. Des réponses individuelles, en terme d’accessibilité, d’enseignements adaptés et de dispositifs d’inclusion sont proposés en réponse aux besoins éducatifs particuliers des élèves. L’institution se dédouane ainsi de prendre en charge sérieusement et structurellement la question de la difficulté scolaire qui apparaît ainsi comme une caractéristique propre à l’ élève et non comme le produit d’un système éducatif incapable de faire réussir tous les élèves et en particulier celles et ceux issus des classes populaires.
Même si le SNUipp-FSU a obtenu quelques avancées par rapport au projet initial (notamment par l’intégration dans l’article 1er du décret, des notions de prévention des difficultés et d’adaptation des enseignements), la philosophie de la réforme, inscrite dans la loi de refondation et l’école du socle, reste la même. Elle est marquée par un abaissement du temps de formation, un recul de l’enseignement adapté et le développement des missions de personnes ressources que les circulaires successives des RASED, des SEGPA et des ULIS portaient en germe.
En misant sur le tout inclusif, le ministère rompt l’équilibre entre adaptation et handicap et poursuit la dilution des moyens affectés à l’enseignement adapté. On se souvient du passage des classes d’adaptation fermées au regroupement d’adaptation qui semblait une belle idée…. mais dès lors qu’on a supprimé 1/3 des postes de RASED, qu’est devenue l’aide spécialisée pour les élèves en grande difficulté ?
Plus d’inclusion en SEGPA, c’est à terme, la fin des EGPA !
La formation spécialisée devient aussi un outil de pilotage de l’inclusion, et impose désormais aux enseignant-es spécialisé-es de dispenser leurs savoirs et expertises au sein des équipes éducatives. Une épreuve de la certification a même pour objet la présentation d’une action conduite par le candidat témoignant de son rôle de personnes ressource dans le cadre de l‘éducation inclusive. Une telle pression exercée sur les collègues, notamment celles et ceux pour qui toute action collective est difficile voire impossible dans leur établissement, est inadmissible.
Cette réforme est emblématique de la façon dont le ministère impose l’inclusion à marche forcée tout en se détournant d’un projet de démocratisation du système scolaire que rendrait possible une école inclusive et démocratique : des effectifs adaptés, des temps de concertations pensés et rémunérés, un grand plan de formation continue permettant un enseignement basé sur la connaissance de l’enfant et de l’adolescent, des mécanismes d’apprentissages et de ce qui peut y faire obstacle, des dispositifs d’enseignement spécialisés et adaptés pour remédier à la difficulté scolaire persistante et pour le handicap… Soyons-en sûr le dogme de l’inclusion répond davantage à des considérations économiques qu’à une volonté de réussite de tous les élèves.