Les accompagnant-es des élèves en situation de handicap sont de plus en plus nombreux-ses dans les écoles et établissements, et l’importance de leur rôle n’est plus à démontrer. Pourtant, ils et elles n’en restent pas moins des salarié-es peu reconnu-es, recruté-es sur des contrats extrêmement précaires avec des rémunérations très basses, ne leur assurant aucune sécurité professionnelle. Il est grand temps aujourd’hui de leur garantir un véritable métier dans la Fonction publique.
Dès la fin des années 80, des parents d’enfants en situation de handicap se mobilisent pour qu’une scolarité en milieu ordinaire soit envisagée pour leur enfant. Ce sont eux qui sont à l’initiative des premiers recrutements d’auxiliaires d’intégration scolaire (AIS) pour faciliter la réussite du parcours scolaire des élèves en situation de handicap. En 1997, la possibilité de recruter sous contrat emplois jeunes, avec une aide de l’État, permet de développer ces emplois. L’Éducation nationale use abondamment de ces contrats pour recruter des aides éducateurs, dont certain-es ont pour mission d’aider à l’intégration des élèves en situation de handicap. En 2003 ce dispositif est remplacé par les assistant-es d’éducation (AED), recruté-es sur contrat de droit public. En confiant à certain-es d’entre eux « l’aide à l’accueil et à l’intégration des élèves handicapés », l’Éducation nationale reconnaît officiellement la fonction d’accompagnant-e scolaire et se substitue aux parents et associations pour assurer la scolarisation des élèves en situation de handicap dans de bonnes conditions. Dès lors, le recrutement, le salaire et la formation des AED auxiliaires de vie scolaire (AVS) incombent à l’employeur public. Malgré la pérennité des besoins, l’emploi reste provisoire et ne peut excéder six ans de contrat. En 2005, la loi définissant le handicap et énonçant le principe du droit à compensation ne renforce pas l’accompagnement des élèves en situation de handicap, ni la professionnalisation des accompagnant-es. Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) définissent le volume des aides qui, en fonction de leur intensité auprès des élèves, engendrent deux types d’accompagnement – individualisé auprès d’un élève et mutualisé auprès de plusieurs élèves.
La loi de refondation de l’école de juillet 2013 consacre le principe de l’inclusion scolaire. Une mission interministérielle est alors confiée à Pénélope Komitès sur la professionnalisation des AVS. Les conclusions de son rapport évoquent notamment leur statut, leur titularisation, la validation des acquis ou la création d’un nouveau diplôme. En 2014, le contrat d’AESH est créé avec la promesse de pérenniser l’emploi des accompagnant-es et de leur assurer un meilleur avenir professionnel. Ils et elles sont dès lors recruté-es sur un CDD de droit public et peuvent être CDIsés dès six ans d’ancienneté de contrat. Sont annoncés également une formation qualifiante, un espace indiciaire de référence et un diplôme d’État… qui ne verra le jour qu’en 2016. En réalité, ce nouveau contrat est créé sur la base du contrat d’AED, c’est-à-dire sur une base précaire et avec un niveau de salaire au minimum de la Fonction publique. Seul l’accès au CDI le distingue et offre une opportunité aux AESH de continuer dans le « métier ».
Des milliers de contractuel-les aux conditions d’emploi dégradées
Aujourd’hui, l’attention accrue portée aux besoins d’accompagnements des élèves en situation de handicap a entraîné une hausse considérable du nombre d’accompagnant-es dans les écoles et établissements. L’Éducation nationale comptabilise 64 000 ETP. La hausse du nombre d’élèves à accompagner génère souvent des tensions fortes en termes de recrutements, d’autant plus que le nombre d’emplois porté au budget chaque année est loin de couvrir tous les besoins. C’est l’une des raisons pour lesquelles coexiste encore une hétérogénéité de « profils » d’accompagnant-es, certain-es recruté-es sous contrat d’AESH, d’autres – les plus précaires parmi les précaires – en contrat unique d’insertion (CUI-PEC). Des titulaires du bac côtoient des salarié-es en reconversion après une période de chômage ou des salarié-es parfois sans qualification qui reviennent à l’emploi. A la veille de l’extinction des CUI-PEC dans l’Éducation nationale – la fin des recrutements a été annoncée pour la rentrée 2019 – on ne peut que constater qu’à défaut d’une politique ambitieuse en faveur de l’école inclusive et d’un engagement de moyens, le ministère a consommé pendant des années des emplois aidés, à bas coût, financés à 80% par le ministère du travail, en faisant de la précarité la norme pour les accompagnant-es. Vingt heures de travail hebdomadaires rémunérées au smic pour les contractuel-les en CUI-PEC, à peine plus pour la majorité des AESH, soit des temps incomplets et un salaire minimum imposés qui positionnent ces emplois parmi les plus précaires de la Fonction publique.
Or rares sont celles et ceux qui, dans les écoles et établissements, connaissent la réalité des conditions de travail de ces personnels… Il faut dire que la brièveté des contrats n’aide pas au rapprochement, et ne favorise pas l’instauration d’une véritable relation professionnelle où chacun-e serait susceptible de trouver sa place. Les accompagnant-es ont été propulsé-es dans les classes sans que jamais l’institution ne questionne ce qui pouvait être mis en œuvre pour que chacun-e soit reconnu-e dans sa professionnalité. Enseignant-es et accompagnant-es ont été sommé-es de collaborer sans qu’aucun temps de formation et/ou de travail en commun ne soit dégagé des emplois du temps des un-es et des autres. L’arrivée sur un quiproquo ne fonde pas un métier, les bonnes volontés ne suffisent pas à construire des interactions professionnelles.
Si les AESH revendiquent aujourd’hui « un vrai métier », c’est à la fois pour sortir de la précarité de leurs conditions de travail, obtenir une stabilisation de leur emploi et gagner la reconnaissance de leurs qualifications.
Un statut dérogatoire
Alors qu’une concertation interministérielle a été engagée ces derniers mois sur l’école inclusive, et en particulier sur le devenir du métier d’accompagnant-e, elle ne s’est pas soldée, jusqu’à présent, par le moindre arbitrage favorable aux AESH, qui sont pourtant en attente légitime d’avancées pour leur situation. Le ministère se félicite de permettre l’accès à un CDI au bout de six ans pour à la fois « déprécariser » les personnels et pérenniser les missions. Il annonce pour la rentrée 2019 des recrutements en CDD de trois ans et soixante heures de formation d’adaptation à l’emploi, alors même que les textes réglementaires le prévoyaient déjà. Cela ne constitue en rien une avancée pour les AESH, en termes de reconnaissance, de salaire et d’amélioration des conditions d’emploi, tout juste le droit de rester agent-e contractuel-le en fonction de l’évolution des besoins.
En réalité, les AESH représentent aujourd’hui un volume d’agent-es largement supérieur aux effectifs d’autres corps dans la Fonction publique d’État. Ils répondent à un besoin pérenne de service public et devraient, pour ces raisons évidentes, pouvoir bénéficier d’un cadre statutaire protecteur pour exercer une mission essentielle à la scolarisation des élèves en situation de handicap et à la bonne marche du service public d’éducation. Or leur cadre actuel de mission ne leur assure pas la garantie d’un temps complet qui se heurte à la réalité d’un travail calqué sur la semaine et le calendrier scolaires. Cette réalité d’emploi est aussi celle des enseignant-es qui bénéficient d’un statut dérogatoire aux 1 607 heures annuelles, sur la base d’un temps de travail hebdomadaire qui fonde leurs obligations réglementaires de service. La piste est à creuser pour les AESH dont les sujétions d’emploi sont tout aussi particulières que celles des enseignant-es. Pour cela, il reste à déterminer et à quantifier ce qui relève du temps de service des accompagnant-es, sur la base duquel pourrait se fonder un emploi à temps complet : accompagnement de l’élève, suivi et mise en œuvre du projet personnalisé, réunions, formation, temps spécifique avec l’enseignant-e, temps collectif dans l’équipe…
C’est à partir de la reconnaissance de ce travail à temps complet que les AESH pourront gagner la création d’un corps dérogatoire de catégorie B dans la Fonction publique d’État, synonyme d’une carrière, d’un cadre de salaire, d’une formation statutaire, d’une sécurité de l’emploi. Nous devons aujourd’hui traduire cela en perspectives immédiates et garanties pour tous-tes les AESH qui assurent dans nos classes une mission de service public reconnue, au bénéfice des élèves en situation de handicap.
Sandrine Monier