Questions à Manon, 17 ans, militante contre les violences faites aux femmes.
En septembre 2020, c’est la déferlante sur les réseaux sociaux et dans certains établissements scolaires : la censure vestimentaire ne passera pas par elles et eux.
On se souvient de ce lycéen convoqué parce qu’il se maquillait en 2016.
2020 sera-t-elle l’année de trop ?Manon, 17 ans, lycéenne militante contre
les violences faites aux femmes, nous explique comment est née cette mobilisation spécifique, comment des lycéen-nes l’ont investie.
- Peux-tu nous dire quelles sont les racines de cette mobilisation ?
Tout est parti des réseaux sociaux, notamment Twitter et Tiktok. Il faisait très chaud en début d’année et certaines lycéennes ont raconté qu’elles s’étaient faites renvoyer chez elles à cause de leurs tenues : jupes ou hauts considérés comme trop court, épaules trop dénudées… Du coup, comme les réseaux sociaux ont permis à beaucoup de jeunes de s’informer, une proposition est arrivée : venir un certain jour « habillé-es comme on voulait » notamment dans les établissements où il y avait eu des soucis, mais aussi dans tous les autres pour apporter son soutien. La communication s’est faite exclusivement sur les réseaux sociaux.
- On parle du harcèlement de rue, mais dans les établissements en général, comment analyses-tu le sexisme ordinaire ?
Déjà par rapport aux tenues, on a beaucoup de règles. Les permissions vestimentaires données aux garçons, c’est la partie la plus visible mais les mentalités ont finalement peu évolué. Des insultes sont banalisées, les adultes semblent trouver ça normal et pas grave ou pas suffisamment pour s’en occuper comme il faut. Les adultes en général ne nous aident pas, ne voient pas les soucis, ils/elles acceptent par leur silence et tolèrent plus ou moins ce que nous pouvons subir. Au lycée, ils/elles ne considèrent pas que c’est leur responsabilité de s’occuper de ce qu’ils/elles considèrent comme nos « embrouilles ». L’insulte de « pute » est très commune, on se sent sexualisées tout le temps, partout. Je n’ai pas d’insulte précise qui me vient car je préfère oublier, cela fait trop de mal. Le harcèlement tout court est banalisé.
- Que penses-tu qu’il serait nécessaire de faire ?
Je pense qu’il faut nous éduquer par rapport à l’égalité femmes-hommes, nous en parler. Il faudrait aussi que le règlement soit équitable. Les adultes restent trop dans le silence, la solution serait de mieux informer et former plus tôt pour pouvoir faire évoluer les mentalités. Mon information sur les droits des femmes vient principalement des réseaux sociaux et d’internet, pas de l’école. Nous ne sommes pas assez informé-es dans les établissements scolaires alors qu’une des solutions, c’est d’apprendre aux plus jeunes.
- En tant que jeune femme, comment vois-tu l’avenir dans les mobilisations des jeunes contre les violences ?
Pour l’instant, les nouvelles générations promettent un avenir meilleur, mais ce n’est pas encore parfait. On est plus éduqué-es mais le changement des mentalités est difficile. Je suis optimiste sur l’avenir. Il y a vraiment une prise de conscience, on évolue, c’est super. Beaucoup de questions se posent. Ceux-celles qui ne veulent pas en parler, évoluer, ne peuvent plus esquiver. Cela reste pas facile, mais du coup, certain-es se posent des questions qu’ils/elles ne se posaient pas avant.
- Que fais-tu en tant que lycéenne pour lutter contre les violences ?
Dans un premier temps, dans mon établissement scolaire, j’ai créé avec d’autres le mouvement des Mains violettes. Il consiste à porter un t-shirt avec une main violette du côté du cœur tous les premiers jeudis du mois pour lutter contre les violences faites aux femmes et les rendre plus visibles. On fait des réunions de sensibilisation dans les classes pour informer et on fait des manifestations aussi. Dans un second temps, on utilise les réseaux sociaux avec toujours de la sensibilisation et du partage d’information.
- Si tu devais t’adresser à des adultes qui travaillent dans des établissements scolaires, tu leur dirais quoi ?
Prenez au sérieux le rôle de l’éducation à l’égalité et contre les violences faites aux femmes, vous avez une vraie place et vous ne l’exploitez pas tout le temps.
- Si tu devais parler à des élèves ?
Informez-vous, rendez-vous compte, c’est la galère, il faut réagir, on n’a plus le temps d’attendre, c’est nous qui avons le pouvoir en main. ●
Propos recueillis par
Ingrid Darroman