Des paroles et des actes

Un enseignant, Samuel Paty, est mort en France le 16 octobre 2020 pour avoir voulu enseigner la liberté d’expression à ses élèves en les faisant travailler sur des caricatures de Mahomet, au nom desquelles des attentats meurtriers ont été perpétrés en 2015. Le fanatisme religieux a cette fois poussé un grand adolescent de 18 ans à l’assassiner en représailles, y sacrifiant également sa vie, au nom du respect dû au prophète de l’islam. Un autre jeune extrémiste islamiste a peu après assassiné trois croyant-es dans une église à Nice, puis un autre encore, à Vienne, a tué quatre personnes, au nom de sa religion. Des paroles terribles de haine à l’égard de celles et ceux qui ne croient pas ou « pas comme il faut » (quelle que soit la religion concernée) conduisent chaque jour à des actes terribles, partout en ce bas monde.
« La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple » (K. Marx). N’y a-t-il pas une augmentation de la consommation de cette drogue partout sur la planète, y compris dans nos sociétés occidentales où la pratique religieuse avait très largement diminué au cours du XXe siècle, remplacée par celle de la consommation à outrance ? Comme dans la lutte contre les drogues psychotropes, il n’y a pas d’efficacité à attendre de la stigmatisation et de la répression aveugle des consommateur-trices (musulman-es, en l’occurrence), que certains discours politiques en France réclament de plus belle, au risque de provoquer l’effet inverse.
D’autres paroles ne sont au contraire pas suivies d’actes, alors que là, il en faudrait pourtant. Ainsi en va-t-il des avertissements émis en juin par le Conseil scientifique sur le risque d’une deuxième vague de l’épidémie de Covid-19 en France à l’automne, en train de se réaliser sous nos yeux. Au lieu de renforcer rapidement des services publics exsangues dans lesquels il est pourtant urgent de créer des emplois utiles pour lutter contre la pandémie, le gouvernement Macron – responsable de nombreuses morts – a arrosé à coup des milliards du « plan de relance », sans contrepartie aucune, des grandes entreprises cotées en Bourse. Et finalement, un nouveau « confinement », qui confine pour l’essentiel les loisirs, tout en plongeant dans les difficultés – voire la misère – nombre de salarié-es et d’indépendant-es perdant leur emploi.
Une collègue croisée l’autre jour me disait : « Je me crois dans un mauvais rêve, je voudrais bien en sortir… » Nous éprouvons tou-tes ce souhait fort de nous réveiller dans une réalité plus rassurante, qui n’est pour le moment qu’un grand espoir… Une faible lueur dans ce noir tableau nous vient des USA, où le rejet de Trump fait espérer une politique moins ravageuse pour la planète. Mais le risque de basculement dans un cauchemar pire encore reste fort si on laisse faire les ordo-libéraux à courte vue et les dictateurs qui ont pris massivement le pouvoir dans ce monde.
La possibilité d’un monde meilleur n’est pas une utopie pourtant. De nombreuses initiatives en dessinent le chemin. Il nous revient, par nos paroles et des actes en cohérence, de les faire mieux connaître et rendre désirables pour le plus grand nombre. ●
Claire Bornais