Cecile Ropiteau : lutte contre l’ED et antiracisme.

Contre la « possibilité du fascisme »

Le contexte de la progression des idées d’extrême droite et de leur traduction dans les urnes est plus qu’alarmant ; la liste des pays l’ayant portée au pouvoir vient encore de s’allonger avec le Brésil, et l’Europe n’est pas en reste. Dans la perspective des élections européennes, Macron tente de s’ériger en rempart contre l’extrême droite, se plaçant du côté des « progressistes contre les nationalistes ».

Nous ne tomberons pas dans ce piège grossier, pas plus que nous ne sommes tombés en 2017 dans celui qui aurait consisté à les renvoyer dos-à-dos. Mais nous devons creuser l’analyse. Et il n’est pas nécessaire de creuser bien longtemps pour constater combien les politiques libérales, en aggravant les inégalités et les injustices, alimentent la colère et le ressentiment qui peuvent nourrir le vote d’extrême droite. Nous savions depuis l’élection présidentielle que voter pour Macron, c’était juste se donner un sursis, cinq ans de plus pour lutter contre la propagation des idées d’extrême droite. Il est donc urgent et nécessaire de s’y employer.

Comme l’écrit le sociologue Ugo Palheta : La « possibilité du fascisme » se trouve à la croisée d’une « série de dynamiques : le tournant libéral des politiques publiques ; le durcissement autoritaire de l’État ; le renforcement du nationalisme et du racisme ; l’affaiblissement politique du prolétariat. »

Le mouvement syndical lutte contre ces différentes causes, mais il est de plus en plus vital de s’y engager pleinement, en luttant sur tous ces fronts, contre les mesures anti-sociales, contre les dérives sécuritaires et anti-démocratiques, contre le racisme et la xénophobie, contre les divisions du mouvement ouvrier.

La banalisation des idées xénophobes est à la fois une cause et une conséquence des politiques migratoires menées par les états européens. Ces états portent une lourde responsabilité dans la multiplication du nombre de morts en Méditerranée ou dans le désert, en particulier quand ils externalisent le contrôle des flux de migrant-es à des « grands pays démocratiques » comme la Turquie ou la Libye, ou qu’ils refoulent les bateaux des ONG humanitaires.

« Tu sais les eaux dont tu sors mais tu ne sais pas les eaux où tu entres
Là-bas, la voix des armes me donnait mal au ventre »
écrit un mineur isolé sur le blog du collectif JUJIE

C’est pourquoi il est nécessaire de s’impliquer avec force dans des actions comme la signature du Manifeste pour l’accueil des migrant-es, ou le soutien au serment du 104 qui en est issu, ou encore dans l’appel pour la mobilisation à l’occasion de la journée internationale des migrant-es du 18 décembre…

Rappelons que le capitalisme a prospéré sur l’esclavagisme, puis sur le colonialisme. Alors pour justifier l’injustifiable, l’exploitation et la domination d’autres humains, on a commencé à les considérer comme un peu moins humains, dans un processus d’altérisation et d’infériorisation. C’est ainsi qu’on a créé les races et le racisme.
Non, le racisme n’émane pas du peuple, il n’est pas le fait de masses insuffisamment éduquées. Il n’est pas l’apanage non plus de partis que le pouvoir en place diabolise à l’approche d’échéances électorales, tout en contribuant à leur banalisation tout au long de l’année.

Le racisme part du haut, car il y va de l’intérêt des classes possédantes de construire un bloc autour de l’identité nationale et/ou culturelle. En période de crise, à défaut de privilèges matériels, elles procurent aux prolétaires « blancs » des avantages symboliques. Et c’est sur ces privilèges que s’appuie l’idéologie nationaliste et raciste.

Cela compromet l’émergence d’un autre bloc qui « surmonterait les divisions internes aux classes populaires par une lutte conjointe contre l’exploitation capitaliste et contre toutes les oppressions, en particulier contre le racisme structurel », contre les discriminations systémiques, particulièrement sensibles au niveau des inégalités scolaires et professionnelles, des contrôles au faciès et des violences policières.

Au XIXe, Marx écrivait déjà : « Cet antagonisme [entre travailleurs « nationaux » et immigrés] artificiellement maintenu et intensifié par les classes dominantes est le secret de l’impuissance de la classe ouvrière. »

La trajectoire du désastre pourra être résistible : « L’un des déterminants majeurs, c’est la possibilité de l’action collective de ces millions d’exploité-es et d’opprimé-es qui, à l’échelle nationale comme à celle de l’humanité toute entière, composent une majorité sociale. » Il est de notre responsabilité d’y œuvrer activement.